Portrait : la reine Bar

Dans ce pays jeune qui ne connaît pas de dynasties séculaires, la mannequin Bar Refaeli occupe une place particulière : icône presque royale, cible des médias et des polémiques. A 31 ans, elle assume sa réussite, affiche sa vie sur les réseaux sociaux et incarne l’opulence de la société de consommation. Mais qui est-elle vraiment ?bar_refaeli_2

Le rituel est bien réglé : un après-midi de début juin, paparazzis et équipes de télévision se postent devant la propriété de la famille Refaeli, à Hod Hasharon, bourgade cossue des environs de Tel Aviv. Commence alors le défilé des acteurs connus, journalistes vedettes, filles en vogue et personnalités du monde des affaires. Une fois passé le portail hérissé de caméras de surveillance, l’espace est compté dans le jardin agrémenté d’une piscine et de buffets sponsorisés par des chaînes de restaurant. C’est le moment où, entre deux tapas, on observe ses voisins pour répondre à la seule question qui vaille : qui, cette année, est invité à la fête d’anniversaire de Bar Refaeli ? Et, surtout, qui ne l’est pas ? « L’ambiance est particulière, raconte un ancien convive. Bar reste avec ses amis proches et passe du bon temps. Les autres semblent clairement être là car c’est l’endroit où il faut être vu. »

Cette fois-ci pourtant, le rendez-vous majeur de la vie mondaine israélienne n’a pourtant pas eu lieu : le 4 juin dernier, Bar Refaeli a préféré fêter ses 31 ans en petit comité. Enceinte, elle limite désormais ses apparitions publiques. Ses concitoyens devront donc attendre la naissance, prévue en août, de son premier enfant – une fille – pour satisfaire leur insatiable curiosité à son égard.

L’ex-fiancée de Leonard Dicaprio

Toutes proportions gardées, dans ce pays jeune qui ne connaît ni aristocratie héréditaire ni dynasties durablement installées, la jeune femme remplit en effet un peu le rôle des membres de la famille royale britannique : icône, obsession médiatique et cible de toutes les polémiques. La célébrité de Bar Refaeli dépasse d’ailleurs largement les frontières de l’Etat hébreu. Elle est une figure de la galaxie people, régulièrement photographiée sur les tapis rouges en compagnie d’autres stars.

Pas mal pour une mannequin dont les grandes heures de la carrière internationale se résument quasiment à la couverture de la prestigieuse édition maillots de bain de Sports Illustrated, en 2009, et au titre de femme la plus sexy du monde décerné en 2012 par le magazine masculin Maxim. Et non, contrairement à une légende bien établie, elle n’a jamais été l’un des « anges » triés sur le volet de Victoria Secret, ni n’a même défilé pour le fabricant de sous-vêtements, se contentant d’une apparition dans le catalogue en 2010.

BAR for Hoodies @hoodiesil 🌴

Une photo publiée par Bar Refaeli (@barrefaeli) le

« L’Israël de 2016 est un pays moderne, débordant d’énergie, et Tel Aviv est une des villes les plus excitantes du monde. Bar est le symbole de tout ça », résume Rani Rahav. Son agence de relations publiques, qui occupe tout le vingt-quatrième et dernier étage d’un immeuble de bureaux du centre de la ville côtière, est une ruche emplie d’œuvres d’art contemporain. La vue est spectaculaire. Toto, le restaurant préféré de la jet-set locale, est au rez-de-chaussée, et Bar Refaeli vit à quelques encablures. Personnage baroque, Rani Rahav est une des personnalités incontournables de l’establishment israélien dont il est réputé tirer les ficelles pour le compte de ses riches clients, parmi lesquels notre mannequin. « C’est d’abord une amie, et ce depuis vingt ans », précise-il. La jeune femme n’étant âgée à l’époque que d’une dizaine d’années et lui d’une trentaine, il est permis d’en douter. Mais la confusion est symptomatique de l’effet Refaeli : afficher sa proximité avec elle, c’est récupérer une partie de son aura.

Au début des années 2000, Israël vit en pleine schizophrénie. D’un côté, un conflit sans solution et la multiplication des kamikazes palestiniens. De l’autre, des Israéliens qui se vautrent dans la société de consommation. « L’argent et la réussite économique sont devenus des valeurs centrales, remplaçant l’idéologie égalitaire et spartiate des débuts, portée par la vieille élite issue des kibboutz et de l’armée », explique l’universitaire Denis Charbit, auteur d’« Israël et ses paradoxes » (éd. Le Cavalier bleu). C’est l’époque où Bar Refaeli, encore adolescente, se lance dans la carrière de mannequin, ne tardant pas à imposer sa blondeur saine comme standard de la beauté israélienne.

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Depuis quinze ans, son visage n’a pas quitté les immenses affiches qui surplombent Ayalon, la voie rapide qui borde Tel Aviv, au gré des campagnes de publicité dont elle est l’égérie. Des marques locales de vêtements accessibles et confortables, en phase avec son allure de fille équilibrée. Au plus haut niveau, cette splendeur rassurante est cependant un handicap paradoxal, les grandes maisons de mode préférant miser sur des physiques moins conventionnels. C’est sa rencontre avec Leonardo DiCaprio, fin 2005, qui lui permet de sortir du lot des jolies filles pour gagner la reconnaissance durable du public et de la presse. Six ans d’une relation en pointillé dont elle aura l’intelligence de ne jamais dire un mot, gagnant de la sorte sa place à la table des « A list ». « Elle comprend intuitivement ce qui est bon pour elle et elle analyse parfaitement les rapports de force. Elle est extrêmement professionnelle », confirme son amie, la styliste Sandra Ringler, qui, comme tous ses proches, n’a accepté de parler à Marie Claire qu’après accord du clan Refaeli.

Elle n’est pas la « chérie nationale »

Elevée dans une famille aisée, laïque et ashkénaze, elle assume sans complexe les signes de sa réussite : voiture haut de gamme (un Rang Rover Evoque blanc), appartement dans la luxueuse tour Yoo – dessinée par Philippe Starck –, vacances de rêve abondement relayées sur son compte Instagram (2,3 millions d’abonnés)… Rien d’extravagant – en tout cas comparé aux filles de sa génération, Kim Kardashian et autres –, mais sans doute un poil trop pour ses concitoyens. Car entre temps, en 2011, la société israélienne a connu son « été des tentes », marqué par le ras-le-bol de la classe moyenne contre le coût de la vie : la richesse ostentatoire est passée de mode. Un rejet dont elle a fait les frais, en janvier dernier, après que le fisc l’a accusée de n’avoir pas déclaré les cadeaux parfois très onéreux reçus en échange d’un peu de publicité sur les réseaux sociaux. La mésaventure s’est soldée par douze heures d’interrogatoire, un contrôle judiciaire ainsi qu’un sketch féroce de l’émission satirique télévisée Eretz Nehederet (« Un pays formidable »), moquant les combines de la jeune femme et de son entourage pour économiser trois francs six sous.

« Les Israéliens ont un rapport très particulier à Bar Refaeli, témoigne la journaliste de mode Inbal Preger. Elle les fascine et elle les exaspère en même temps. Tout, avec elle, est sujet à polémique. » La mannequin n’est ainsi jamais parvenue à faire l’unanimité dans l’opinion publique, voyant le titre officieux de mami leumi (« chérie nationale », en hébreu) lui échapper au profit d’autres, moins jolies mais plus accessibles. C’est d’autant plus injuste qu’elle n’a jamais été mêlée à aucun scandale de drogue ou d’adultère et qu’elle ne s’exprime jamais sur les sujets sensibles, comme la question palestinienne. Une grande fille toute simple, en apparence, qui en 2013 s’épanchait avec humour dans le quotidien Yediot Aharonot sur sa difficulté à concilier célébrité et vie amoureuse : « Je ne comprends pas. Je suis belle. Je suis cool. J’aime sortir. J’aime rester à la maison, j’aime voir des films, manger. Alors qu’est-ce qui ne va pas avec moi ? Pourquoi suis-je toujours célibataire ? »

 

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Mariée pour échapper à l’armée

Une « anomalie » réparée en septembre dernier, lorsqu’elle a épousé Adi Ezra, héritier d’une riche famille de commerçants. Annoncé comme le mariage du siècle, l’évènement avait cependant été gâché par les révélations sur la fermeture de l’espace aérien au-dessus du lieu de la cérémonie accordé au jeune couple afin de le protéger des hélicoptères des paparazzis. L’affaire avait bien failli coûter son poste à un haut-fonctionnaire du ministère des Transports pour avoir autorisé un tel privilège.

Comme à chaque fois, les regards s’étaient tournés vers Tzipi Levine, la mère et agent de Bar Refaeli. Réputée dure en affaires, cette ancienne reine de beauté peut se vanter d’avoir minutieusement construit la carrière de sa fille, éconduisant les importuns et entourant la jeune femme d’une garde rapprochée de fidèles choisis pour leur discrétion et leur capacité à la mettre en beauté. « Elle a créé un phénomène de cour où, pour pouvoir travailler sur les shootings de Bar, les gens doivent faire allégeance. Mais c’est la meilleure des imprésarios », admet un photographe pourtant en froid avec les Refaeli. Rien n’a jamais arrêté Tzipi Levine, même le saint des saints de la société israélienne : Tsahal et les deux ans de service militaire auxquels doivent se soumettre toutes les jeunes femmes à partir de 18 ans.

Pour y échapper et ne pas entraver sa marche vers la gloire, Bar avait donc été mariée en catastrophe et en catimini à Arik Weinstein, un ami de la famille deux fois plus âgé qu’elle. Un mariage blanc peu glorieux qui continue de poursuivre Bar Refaeli, régulièrement accusée d’avoir manqué à ses devoirs patriotiques. Même le ministère des Affaires étrangères, qui rêverait d’utiliser les services de l’Israélienne la plus célèbre au monde pour redorer l’image de l’Etat hébreu, doit s’incliner devant l’indignation provoquée par une telle perspective. « Une polémique ridicule. Israël se porterait-il mieux si elle avait perdu deux ans à grossir de dix kilos sur une base militaire ? » tranche le réalisateur Emmanuel Naccache, dont le film Kidon avait permis à la mannequin, en 2013, de faire ses premiers pas au cinéma, aux côtés de Tomer Sisley et Kev Adams.

Le 10 avril, le magasin de luxe Factory 54 présentait ses nouveaux modèles devant le tout Tel Aviv. Vêtue d’une blouse blanche Carven, une Bar Refaeli enceinte de cinq mois ouvrait le défilé mis en scène par Simon Elmalem. Le styliste le plus influent du moment est également un intime de la top-modèle. Depuis qu’il a pris en charge sa garde-robe, il y a quatre ans, ces deux-là se parlent dix fois par jour au téléphone. Pas une soirée, un rendez-vous ou un dîner au restaurant sans que la jeune femme ne lui demande conseil. Il s’agit d’être parfaite, tout le temps.

Ce soir-là, le défilé fut, de l’avis général, une réussite. Mais pour ce qui devait être l’une de ses dernières apparitions professionnelles avant longtemps, Bar Refaeli semblait fatiguée et s’efforçait de sourire. On repensait alors à cette confidence de Simon Elmalem – la seule qu’il avait bien voulu nous faire : « Ce n’est pas facile d’être Bar Refaeli, c’est un travail de chaque instant. »

Source marieclaire

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