Après le drame de Rouen, le philosophe athée iconoclaste Michel Onfray, auteur de « Penser l’islam », explique dans une interview exclusive pourquoi il faut en passer par la sidération et la colère avant d’affronter la question de l’islam.
Dans Penser l’islam (éditions Grasset) vous expliquez combien il est difficile de parler librement de l’islam sans passer pour un « réactionnaire » ou un affreux identitaire. La critique est-elle possible en France ? Cette situation ne devient-elle pas intenable après le drame de Rouen ?
La plus grande partie des médias défend une idéologie d’État qui est libérale, donc consumériste. Cette idéologie est anticléricale s’il s’agit de christianisme, mais cléricale quand il s’agit d’islam. Elle est antinationaliste, sauf quand il s’agit du nationalisme européen. Elle est immorale, sauf quand il s’agit de politiquement correct. Elle est pour la liberté de penser, sauf s’il s’agit d’une autre pensée que la sienne. Elle est pour la tolérance, sauf quand il est question de ce qui la questionne.
En regard de cette idéologie dominante, sur la question de l’islam, tout ce qui n’est pas islamophile devient de facto islamophobe. L’islamophilie ne définit pas une lecture objective de l’islam, mais la lecture subjective qui en fait une religion de paix, de tolérance et d’amour, ce qui est vrai si l’on prélève trois ou quatre versets du Coran, mais faux si l’on renvoie à quantité d’autres versets qui invitent à l’intolérance, à la guerre, le fameux djihad par les armes, à la haine de l’ennemi.
Le drame de Rouen ne rendra pas intelligents les stupides, lucides les aveugles, déniaisés les niais ; il rendra plus stupides les stupides, plus aveugles les aveugles, plus niais les niais. Le propre des idéologues c’est que rien ne les ramène à la raison puisqu’ils sont déraisonnables et de mauvaise foi.
Précisons qu’il y a des natures idéologiques : depuis un demi-siècle, elles épousent toutes les mauvaises causes les unes après les autres. Une fois leurs idéologies tombées grâce à l’action de minoritaires conspués par eux, ils abandonnent leur idéologie, mais souvent pour en épouser une autre. Entre leurs deux niaiseries, leurs idéologies causent la mort de nombreux innocents.
Est-il philosophiquement correct de distinguer islam et islamisme en répétant en boucle « pas d’amalgame » ? Faut-il vraiment que des non musulmans séparent le bon grain et l’ivraie dans le Coran ?
Quiconque parle de l’islam et donne un avis devrait, au minimum, avoir lu le Coran, les hadiths du Prophète et une biographie de Mahomet. Ce que j’ai fait. Ce qui éviterait de parler par ouï-dire.
À la lecture, on découvre qu’il y a de nombreux versets toxiques dans le Coran et quelques-uns, beaucoup plus rares, qui permettent de construire un islam de paix, de tolérance et d’amour. Les versets toxiques sont nombreux et, en France, ils inspirent très peu de gens, ceux que jadis Jean-Pierre Chevènement appelait dans un vocable sympathique des « sauvageons », les terroristes et leurs soutiens. Les versets de tolérance, beaucoup plus rares, inspirent la quasi-totalité des comportements des musulmans français. Il y a en effet deux façons d’être musulman. Comme il y eut deux façons d’être chrétien : une qui s’appuyait sur Jésus et sa pensée sainte, une autre qui revendiquait le patronage de saint Paul, le saint… à l’épée !(1) Il faut donc dénoncer clairement cette schizophrénie dans le texte coranique et aider à choisir la partie saine pour permettre de se défaire de la partie corrompue.
Que vous inspirent ces attentats qui s’attaquent aussi bien à des enfants, à Nice, qu’à des religieux en train de prier ? Comment échapper à la sidération ou à la colère face à ces événements ?
Il n’y a aucune raison d’échapper à la sidération et à la colère. Seuls y échappent ceux qui commettent ces actes et ceux qui les soutiennent. Cependant, l’émotion ne suffit pas au philosophe qui doit faire son travail en questionnant ces évènements : d’où vient le terrorisme ? Qu’est-ce qui le rend possible ? Une fois les causalités mises à jour, d’autres questions sont possibles : que peut-on faire pour tarir cette source empoisonnée ? Quelles logiques, autres que compassionnelles ou empathiques, peuvent être activées ? Quelles politiques intérieures et étrangères faut-il désormais activer ? Tant qu’on restera sur le registre du sentiment, utile pour la politique politicienne, mais fortement nuisible pour la politique au sens noble du terme, on ira vers le mur…
» Il y a deux façons d’être musulman. Il faut donc dénoncer clairement cette schizophrénie dans le texte coranique et aider à choisir la partie saine pour permettre de se défaire de la partie corrompue. »
Les commentateurs parlent souvent de « barbarie » pour qualifier des crimes dont la motivation profonde nous échappe. Mais comment qualifier ces actes terroristes du point de vue de la raison ?
Le mot « barbarie » interdit de penser. Si tuer des victimes innocentes des femmes, des enfants, des personnes âgées, définit le barbare, alors que ces victimes sont tuées au couteau du terroriste ou par le drone d’une armée d’État, où est la différence ? La motivation des deux camps n’échappe à personne : ces guerres néo-coloniales menées par les États-Unis, avec le concours de la France, depuis 1991, ont occasionné la mort de quatre millions de musulmans sur la planète, elles sont indéniablement une forme de barbarie d’État alors que le terrorisme en présente la forme ubérisée.
Les guerres sont aussi vieilles que le monde. Le travail du philosophe consiste à les prévenir, les empêcher, les critiquer. Mais, signe de la décadence nihiliste de notre époque, il existe une cohorte de philosophes qui veulent la guerre, y appellent, invitent à bombarder des populations civiles, sous prétexte d’installer la démocratie, et ce au nom des droits de l’homme. En parlant ainsi, ils mettent de l’huile sur le feu.
Pensez-vous que nos hommes politiques, de droite et de gauche, disposent aujourd’hui du bagage intellectuel pour appréhender les nouveaux défis du terrorisme ? L’unité nationale est-elle une chimère ou une nécessité ?
Pas du tout. Tous manquent de la culture historique qui est indispensable à tout chef d’État. Leur formation à l’ENA ou à Science Po est technocratique, anecdotique, utilitariste. Comment pourraient-ils avoir le sens de l’histoire alors qu’ils n’ont que le sens de leur petite histoire ? Ils sont formés à être élus ou réélus, pas à rencontrer l’histoire de face. Face à elle, ils se débinent comme les enfants devant le grand méchant loup en disant « Même pas peur »…
L’unité nationale, quand elle est le souhait d’un chef d’État qui est en campagne pour sa réélection et qu’elle est proposée à des gens qui sont concurrents, adversaires, voire ennemis parce qu’ils sont eux aussi en campagne pour la même élection, est une fiction. Hollande veut l’unité nationale… derrière lui ! La France est le cadet de ses soucis – de même chez ses challengers…
Que pensez-vous des recommandations de Jésus et de la tradition catholique sur le pardon des ennemis et la non-violence alors que nous sommes en guerre ouverte contre les islamistes ?
Je suis non-violent et j’estime que les chrétiens ont raison de l’être. Mais la prière, le pardon des offenses, l’amour du prochain ne suffit pas pour faire une politique. Il faut une politique inspirée par cette non-violence. Et l’on ne saurait se contenter d’un chef d’État qui inviterait à prier et à pardonner les offenses. Il faut aussi sectionner ce qui fait pousser les fleurs vénéneuses et cela suppose une politique. La non-violence chrétienne constitue une spiritualité, qui est la mienne, même si Dieu, auquel je ne crois pas, ne m’a pas accordé la grâce ! Mais il faut que cette spiritualité devienne une politique, c’est-à-dire qu’elle sorte de la théorie (qui, au sens étymologique est « contemplation ») pour devenir une pratique. Laissons le pape à la théorie contemplative, mais exigeons du chef de l’État qu’il mette en place une politique adéquate. La non-violence fait toujours le choix de l’intelligence et de la raison quand partout on appelle à la vengeance que, pour ce faire, on libère les instincts…
« une idéologie d’État qui est libérale, donc consumériste »…
Cette réduction systématique du libéralisme au « consumérisme » sans jamais en dire rien d’autre, alors qu’il s’agit de quatre siècle de pensée théorique par les plus grands esprits et d’application politique avec de grandes réussites, finit par être lassante et même insignifiante.
Qu’Onfray soit un peu honnête et reconnaisse que vivre dans une société libérale c’est aussi ce qui lui a permis d’être ce qu’il est et de faire ce qu’il fait. A moins qu’il se déteste et abhorre son travail…
« Quiconque parle de l’islam et donne un avis devrait, au minimum, avoir lu le Coran, les hadiths du Prophète et une biographie de Mahomet. Ce que j’ai fait. Ce qui éviterait de parler par ouï-dire. »
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« Je suis venu, j’ai lu, j’ai vaincu » pourrait être la devise d’Onfray qui lui sert d’argument massue pour nous faire croire que, parce qu’il a lu quelque chose alors il l’a forcément compris. Quand on pense à sa spécialité, la philosophie, il y a de quoi sourire…
pourquoi n’aurait t-il pas compris? Il n’est pas plus bête qu’un autre plutôt moins!
Et il a un avantage sur quelqu’un qui n’a pas lu le coran c’est de l’avoir lu ce qui me paraît un minimum!
Je ne comprend pas que l’on parte du principe qu’il n’a rien compris : comment ca s’appelle déjà? : ah oui : un préjugé.
J’ai l’impression que vous n’avez pas compris ce que j’ai écrit…
« La motivation des deux camps n’échappe à personne : ces guerres néo-coloniales menées par les États-Unis, avec le concours de la France, depuis 1991, ont occasionné la mort de quatre millions de musulmans sur la planète, elles sont indéniablement une forme de barbarie d’État alors que le terrorisme en présente la forme ubérisée. »
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Et ça continu, toujours la même antienne avec des chiffres sortis d’on ne sait où : 4 millions (!) de morts « musulmans » et comme si il n’y avait que des musulmans au moyen-orient…
Curieux tout de même que les hommes de gauche ne parle jamais de l’impérialisme de la Russie, en Afghanistan par exemple bien avant 1991, au Caucase ou encore dans les Balkans, de son support à toutes les dictatures arabes « socialistes » etc…
Non, ils ne veulent voir que l’Amérique « libérale donc consumériste » …
Bref, comme dirait l’autre : Onfray mieux de fermer sa gueule !
Vous aussi, quand de 22h13 à 22h58, vous couvrez 4 articles et enterrez les articles des autres lecteurs!
Essayez d’exprimer votre opinion sur 1 seul article!!!!!!!!!!
Merci.
Vous avez parfaitement raison ! 4 messages = un seul message plus long !
Simplifications, clichés, arguments d’autorité… Ce monsieur est philosophe ???
Sur la forme on pourrait peut-être reprocher à André d’avoir écrit 4 commentaires au lieu d’un seul (quoique… aucun mal à faciliter la lecture ainsi, il n’empêche pas d’autres d’intervenir ; la preuve, NO COMMENT l’a bien fait).
Mais sur le fond André a raison. D’aucuns disent préférer Cyril Hanouna à Michel Onfray ; les deux étant saltimbanques médiatiques, mais le premier assume son métier honnêtement alors que le second usurpe de prétentions « intellectuelles ».
On doit la meilleure définition d’Onfray à un autre prétendu saltimbanque mais critique affuté des réalités françaises, Stéphane Guillon, qui, en présence d’Onfray sur le plateau d’Ardisson, mimant Patrice Lucchini, dit ceci : « La philosophe de comptoir qui tweet en plein milieu de la nuit alors que 130 cadavres sont encore tièdes ».
Cet épisode a apparemment incité Onfray à fermer son compte Tweeter ; pas trop tôt. Il fermerait le reste, on verrait plus clair.
De surcroit :
On peut lire le Coran et le reste en traduction pour sa propre gouverne ; mais pour prétendre écrire un livre les présentant à un large public il faut les avoir lu en Arabe en étant bien imprégné de cette culture ; choses dont Onfray est loin, alors que même les arabophones et islamologues érudits divergent, vu l’ancienneté du langage et les nombreuses incohérences des textes.
Ceux qui s’intéressent à la question pourraient lire ce qu’en dit Nicolai Sennels, psychologue danois, (interview et extraits en Français et en Anglais disponibles sur le web) ayant travaillé longtemps dans de prisons pour mineurs à Copenhague et comparé les bases culturelles des détenus musulmans et autres. Corrobore parfaitement des expériences françaises actuelles.
A lire Sennels on constate à quel point Onfray ignore de quoi il parle, en auto-flagellant l’Occident à la manière la plus convenue des politiquement correctes qu’il prétend fustiger ; et à quel point son discours est EXACTEMENT le contraire de ce qu’il faut.
Onfray a quand même raison sur un point : il faut se barrer de ce guêpier irako-syrien qui va se transformer en bourbier et amener toujours plus d’attentas en France. Comme il faut se barrer, après dix ans (!), de l’Afghanistan. Comme il faut se barrer du Mali et de la Libye.
Il faut faire comme l’Espagne après les attentas de Madrid qui a compris qu’il fallait laisser les musulmans, qu’ils soit sunnites, chiites, kurdes et tutti quanti se démerder et se massacrer entre-eux si ça leur plait. Depuis l’Espagne est tranquille !
le problème est que nous avons à la tête du pays un véritable idiot qui n’a rien trouvé de mieux à déclarer après le carnage de Nice que la France allait bombarder plus encore la Syrie ! Pauvre fou qui nous mène au désastre ! Ce grand mou grotesque se la joue chef de guerre et c’est un désastre !
C’est en France qu’il faut agir sans pitié pour liquider d’une manière ou d’une autre les fanatiques musulmans, pas au Moyen-Orient, ça c’est l’affaire des musulmans eux-mêmes.
La seul chose qui nous aurions dû et devrions faire maintenant c’est aider les populations qui sont menacées par les barbares islamiques (yézidis, chrétiens syriaques) a évacuer les zones de guerre et leur trouver un abri dans d’autres pays frontaliers majoritairement.
Assez d’intervenir à tort et à travers dans les pays musulmans de l’Afrique à l’Asie. Et assez d’immigration musulmans en France. Les socialistes nous mènent à la catastrophe !
Je ne comprends pas cette façon puérile de critiquer un personnage – philosophe reconnu, de surcroît – qui a répondu de toute bonne foi à des questions posées par son interviewer.
Sachons raison garder, Messieurs !
« …philosophe reconnu… », Shlomo ? Reconnu par qui ? Et d’ailleurs qu’est-ce, la philosophie ? Existe-t-il un diplôme comme en médecine, par exemple, interdisant aux non-diplômés d’exercer ? Ne sommes-nous pas tous philosophes ?
Je tiens personnellement la caissière qui me sert régulièrement au Leclerc du coin pour philosophe (j’ignore pour le vice-versa, en revanche…).
Quelle formation, quelles expériences et quelles connaissances autorisent Onfray (et hélas bien d’autres d’ailleurs) de pérorer sur de questions économiques, culturelles, politiques, géostratégique ? Qu’en sait-il ?
A une question posée « que pensez-vous de Macron » notre distingué philosophe a répondu « micron ».
Voici un exemple d’élévation au-dessus de l’écume des jours.
Au pays des aveugles le borgne est roi.