Une France incorrigible, par Richard Liscia

Loin de nous réunir tous dans la lutte anti-terroriste, l’épouvantable attentat de Nice a entraîné une polémique qui oppose droite et gauche, pouvoir et services de sécurité. Une policière de Nice, chargée de surveiller les vidéos de la ville, Sandra Bertin, affirme avoir subi des pressions pour rédiger un rapport favorable à la police nationale et au gouvernement. Du coup, le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, s’est fâché tout rouge.

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M. CAZENEUVE a porté plainte en diffamation contre Mme Bertin, qui ne semble pas impressionnée, même si elle devine qu’engager un bras de fer avec le pouvoir la place dans une position périlleuse. Elle ne cache d’ailleurs pas sa sympathie pour l’opposition, de sorte que, si on peut admirer son courage, on se pose la question de son objectivité. Mais peu importe : la colère de M. Cazeneuve, jusqu’à présent encensé par le président de la République et par le Premier ministre, n’est pas feinte. Si, contrairement à sa discrétion habituelle, il saisit la justice, c’est parce qu’il ne veut pas être englouti par les propos d’une policière.

Les préoccupations secondaires.

L’épisode est fâcheux de diverses manières, parce qu’il accroît le fossé entre la majorité et l’opposition, parce qu’il nous empêche de nous concentrer sur l’essentiel, à savoir la lutte contre la violence terroriste, et parce qu’il retarde une action nationale exigeant la réunion de tous nos moyens matériels et moraux. À observer le regard droit et la fermeté de Mme Bertin, à examiner le sincère ressentiment exprimé par M. Cazeneuve, on en vient à supposer que la policière de Nice a subi des pressions, mais qu’elles venaient d’un supérieur (dont elle n’a pas révélé le nom) qui n’avait pas mandat du ministère de l’Intérieur pour le faire. De sorte que M. Cazeneuve et Mme Bertin seraient en fait réunis par un lien: l’innocence.

Mais bon, tout cela nous éloigne de la lutte anti-terroriste et nous renvoie bien prématurément aux calculs politiques, aux échéances électorales et à l’affaiblissement du président de la République. « Le Figaro » de ce matin se demande si François Hollande peut se présenter à un second mandat, laisse même entendre qu’il aurait renoncé après cette terrible accumulation d’événements économiques, politiques et criminels qui l’accablent. Oserais-je dire que, pour l’heure, ce n’est pas le plus important et que nous sommes encore assez loin des élections générales de 2017 pour nous concentrer aujourd’hui sur les moyens indispensables à la lutte contre la terreur ? Au lieu de quoi, nous assistons à un conflit entre la droite et la gauche. Pour sa meilleure part, ce conflit est seulement destiné aux yeux de certains à récupérer à leur profit la douleur des Niçois et l’inquiétude de tous les Français.

Un bonus pour le FN.

Les attaques que Christian Estrosi, maire-adjoint de Nice, a lancées contre le gouvernement ont pour objectif principal de le dédouaner car il a ses propres responsabilités en matière de sécurité et que, si un attentat de cette dimension a pu avoir lieu, c’est que la télésurveillance, dont il ne cesse de se targuer, n’a servi à rien. Mais s’il se croit investi de la mission de faire tomber le gouvernement, il devrait se rappeler, lui qui été élu président de Paca avec les voix de la gauche, que c’est le Front national qui profitera de la crise et non la droite à laquelle il appartient. Je ne vois pas pourquoi, s’il y a un différent entre la mairie de Nice et le pouvoir, M. Estrosi, plutôt que de crier sa rancoeur sur les toits, n’a pas engagé un dialogue avec M. Cazeneuve pour voir où était la faille, et si peut-être les torts étaient partagés. Quant au gouvernement, il doit cesser de dire que tout ce qu’il fait est parfait. Ce le serait s’il n’y avait plus de victimes. On ne peut pas compter 84 morts et 200 blessés sans que personne n’ait commis d’erreur.

RICHARD LISCIA

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3 Comments

  1. En tant que fonctionnaire municipale assermentée la question de l’objectivité de Madame Bertin ne se pose pas et n’a pas à être posée. Un fonctionnaire a des obligations de loyauté et de neutralité dans l’exercice de ses fonctions. Poser la question de l’objectivité c’est nier le statut de la fonction publique. Cette fonctionnaire municipale est amenée à rédiger dans l’exercice de ses fonctions des actes authentiques qui font foi jusqu’à inscription de faux. Contrevenir à cette obligation est un crime au regard du droit français et l’expose à comparaître devant une cour d’assise sans préjuger des sanctions administratives (révocation). Si pressions (plus ou moins déguisées) il y a eu, c’est tout à son honneur d’y avoir résisté. Ses opinions politiques, religieuses ou philosophiques n’entrent pas en ligne de compte ici sauf à participer, pour ceux qui doutent de son objectivité sur ces seuls motifs, à l’entreprise de démolition systématique de l’état français dont a parlé le Premier ministre récemment.

  2. Si l’objectif du terrorisme(en général, de Daesh en particulier)est de créer une fatale tension dans les pays ciblés, ces pitoyables bisbilles n’étaient pas dans son plan. C’est juste un bonus que les uns et les autres lui offre!

  3. Enfin un article qui pose les bonnes questions et donne les réponses. Merci, M. Liscia.
    Il est également réconfortant, après tous ces bavardages bavards, de voir que des Français, ici julius, se préoccupent du Droit.

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