Le Niortais Jacques Bachmann avait 10 ans en 1939. Il a survécu aux rafles. Dimanche, il lira son premier message à la cérémonie de la rafle du Vél-d’Hiv.
Que reste-t-il des 16 et 17 juillet 1942 ? Près de 13.000 personnes arrêtées dans Paris et sa banlieue, plus de 8.000 regroupées au Vélodrome d’Hiver, avant d’être déportées. Il reste encore quelques vivants gardiens de la mémoire. Parmi eux, Jacques Bachmann, qui aura 87 ans le 27 juillet prochain. Installé à Niort depuis vingt ans, il lira dimanche pour la première fois un discours au nom de la communauté juive de Niort, lors de la cérémonie commémorative à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l’État français et d’hommage aux Justes de France.
« Fin 1941, mon instituteur, à l’appel de la préfecture, convoque quatre élèves, dont moi, afin de confectionner des colis de Noël qui seront distribués aux enfants par le Secours national. De grandes tables ont été installées dans le sous-sol de la préfecture. Notre tâche terminée, le préfet est venu nous remercier. Cet homme, grand et affable, souriant, est venu vers nous et c’est ainsi que René Bousquet en personne a serré la main du jeune juif que j’étais. Il sera nommé le 18 avril 1942 secrétaire général de la police de l’État français, redoutable et redouté. Il aura trois mois pour organiser la pire ignominie : la rafle du Vél-d’Hiv, les 16 et 17 juillet 1942. » Voilà notamment ce que dira, dimanche, Jacques Bachmann.
Le petit bonhomme de Châlons-sur-Marne d’alors, qui avait 10 ans quand éclata l’horreur à la face du monde, a survécu à l’inqualifiable. Fils d’un commerçant fourreur, Chaïm devenu Henry en s’installant en France après avoir émigré de Moldavie pour fuir les pogroms de 1905, Jacques Bachmann, sa sœur cadette Nicole et les deux jumeaux aînés, Jean et Pierre, ont pourtant connu « une enfance heureuse dans une ville de province », lors de ces années où la laitière débarquait avec sa carriole tirée par des chevaux en sonnant dans sa trompette pour agglutiner la marmaille autour d’elle. Et puis, tout à foutu le camp.
« Il serait préférable aux juifs de s’abstenir… »
Jacques Bachmann a connu l’exode, à l’abri d’Andernos-les-Bains notamment où son premier contact avec l’antisémitisme lui a sauté aux yeux sur la promenade du front de mer. Il avait à peine 11 ans. « Je me souviens très exactement du panneau fixé sur la jetée-promenade qui s’avançait vers la mer : « Il serait préférable aux juifs de s’abstenir de se promener sur la jetée » »…
Il n’a pas oublié non plus l’image de son père au cachot, commerçant yiddish, dénoncé, arrêté en représailles aux attentats du printemps 1942. Ni la fuite, de Châlons à Paris, de Chasseneuil-du-Poitou à travers champs jusqu’à Villeneuve-sur-Lot où, grâce à la bienveillance d’un couple, Marie et Bertrand Fabre, la famille Bachmann échappera d’un rien aux rafles de 1944.
Ses frères rejoignirent le maquis et quand sonna l’heure de la libération, l’adolescent de 16 ans allait pouvoir commencer à construire enfin sa vie librement. Une belle vie, paisible aujourd’hui en partage avec Florence, son épouse, après avoir été journaliste, photographe pour « Maison et Jardin », et rencontré d’immenses célébrités dans les plus belles maisons du monde. Aujourd’hui, il cultive sa belle maison, c’est aussi le jardin de la mémoire, si importante pour les fondations des bâtisses des adultes de demain. Pour qu’eux, à leur tour, puissent défendre un jour avec acharnement le « plus jamais ça ». Il restera alors encore quelque chose des 16 et 17 juillet 1942.
Cérémonie commémorative à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l’État français et d’hommage aux Justes de France, dimanche 17 juillet, à 11 h, place des Martyrs-de-la- Résistance (bas de Brèche) à Niort.
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