J’habite devant la mosquée. Alors quand, lundi soir, le Conseil Français du Culte Musulman a annoncé que l’Aïd el-Fitr, la fête de la rupture du jeûne qui marque la fin du mois sacré de Ramadan, tomberait mercredi, j’étais concernée. L’Aïd el-Fitr ou Aïd el-Seghir, petite fête, est l’une des deux dates solennelles du calendrier musulman avec l’Aïd el-Kébir ou Aïd el-Adha, la grande fête ou fête du sacrifice. Cette annonce fut faite à l’issue d’une courte et symbolique cérémonie de nuit du doute à la Grande Mosquée de Paris, les dates de début et de fin du Ramadan se faisant sur la base de l’observation du croissant lunaire.
J’habite devant la mosquée. Durant l’Aïd el-Fitr, le musulman est invité à acquitter avec la grande prière du matin une aumône pour les pauvres, alors ils étaient très nombreux ce matin-là, certains arrivant à grands pas, réveillés sans doute comme moi par le prêche les convoquant par haut-parleur. Cette journée étant aussi l’occasion de repas de fête, ma voisine Djamila m’a demandé si elle pouvait m’apporter quelques douceurs pour le dîner. Quand on sonna à ma porte, vers 21 heures, et que 4 jeunes femmes particulièrement belles, se suivant, les bras tendus porteurs de plats abondants et de pâtisseries, me saluèrent, c’était une scène de film, c’étaient Djamila sa sœur ses filles, telles des fées surgies d’on ne sait où, lumineuses et bienveillantes.
Je leur ai souhaité de bonnes fêtes. Mon ami Waleed Al-Husseini, lui aussi, a voulu cette année, depuis la France, souhaiter de bonnes fêtes, via les réseaux sociaux : A l’occasion de Aid El Fitr j’adresse mes meilleurs vœux aux musulmans et je partage leur joie… L’Aid a toujours été une occasion de se rassembler, de partager et d’échanger après un mois de privation et de « torture » qu’ils se sont infligés. Et j’espère qu’à l’avenir, ils pourront également partager les fêtes des autres, loin de la haine et de l’extrémisme qui poussent certains d’entre eux à la violence et au terrorisme. Bonne fête!
Ce matin il écrit qu’il avait bien prévu qu’on l’attaquerait, mais s’était quand même lancé, croyant qu’ils auraient changé, que la majorité serait tolérante. Devant la quantité de réponses haineuses reçues en retour, il nous reparla à bon escient de Wafa Sultan, elle qui affirme dans La Voie de la Raison[1], sans la moindre ambiguïté : Le Problème, c’est l’Islam. Wafa Sultan, née en Syrie dans une famille musulmane, trente ans d’Islam au compteur, diplômée en médecine de l’Université d’Alep et spécialisée en psychiatrie, citoyenne américaine depuis 1989. C’est là-bas qu’elle put enfin s’intéresser à l’Islam de manière plus libre, loin de l’endoctrinement qui prévaut dans les pays musulmans, et notamment dans le sien, cherchant notamment des explications à l’arriération qui caractérise le monde islamique, cherchant à comprendre pourquoi aux Etats-Unis, alors qu’elle travaillait dans une station-service comme caissière, elle était mieux traitée qu’en Syrie où elle était psychiatre, cherchant à comprendre pourquoi elle était harcelée par ses collègues masculins en Syrie, dans un environnement médical et donc instruit, et non aux Etats-Unis, dans sa station-service, cherchant encore à comprendre pourquoi en Syrie, elle devait demander la permission, en l’absence de son mari, à son frère cadet pour pouvoir sortir, alors que ce dernier n’avait même pas fini ses études secondaires, et concluant que ces éléments n’étaient pas dus à des différences culturelles ou géographiques, mais à des seules différences religieuses. Depuis, ses critiques de l’islam sont virulentes[2] et elle réfute même l’utilisation de l’expression islam modéré, citant le premier ministre turc qui a déclaré que l’islam modéré était une expression laide et offensante. Il n’y a, dit-elle, qu’un islam, et les valeurs de cet islam sont incompatibles avec les valeurs occidentales. Citant à l’appui le Coran qu’elle maitrise, Wafa Sultan dénonce une religion violente et nous rapporte comment, dans sa Syrie natale, enfant, on lui racontait avec beaucoup de fierté que Mahomet avait tué 700 à 800 juifs en une seule attaque ou encore qu’il avait couché avec une femme, Safiya, alors qu’il venait tout juste de tuer son mari et d’autres membres de sa famille. Elle ajoute qu’à huit ans, si on lui demandait : Préfères-tu un bonbon ou tuer un juif, elle répondait, complètement endoctrinée, tuer un juif. Pour elle, l’Islam est un fascisme religieux, et elle écrit précisément : Le Coran est le Mein Kampf d’une religion qui cherche à éliminer les autres. Wafa Sultan vit aujourd’hui dans la clandestinité et reçoit quotidiennement des menaces de mort.
Myriam non plus n’a pas souhaité de bonnes fêtes pour l’Aid Al Fitr et elle s’en est expliquée publiquement : Vous nous avez bien saoulés avec votre Ramadan et vous continuez à être de sombres bigots liberticides. Je vous souhaiterai bonne fête, le jour où vous accepterez la liberté de conscience. Tant qu’on va en prison, qu’on est ostracisé, qu’on est agressé verbalement ou physiquement pour non respect du jeûne ou pour homosexualité et relations sexuelles hors mariage, je ne célébrerai rien qui soit en rapport avec l’islam. De toute façon, vous en faites des tonnes et des tonnes autour de votre religion, donc vous n’avez absolument pas besoin de publicité supplémentaire. Votre visibilité m’agresse, et son amie Maryam enfonce le clou : Rendons nous à l’évidence. On n’est jamais assez musulman pour un autre musulman. Nous assistons à une surenchère de la « musulmanite » ostentatoire de tout un chacun, et c’est à celui qui « méritera » à qui mieux mieux son Oscar du meilleur musulman. L’Islam n’a plus rien de spirituel. Il est mal représenté et peu représentatif du bon. Il a perdu sa crédibilité.
J’habite devant la mosquée. Les enfants de Djamila ressemblent à mes enfants. Tous à des postes de direction, ils sont bien sûr allés travailler le jour de l’Aïd el-Fitr. C’est une façon de se positionner. Waleed a voulu vérifier si les lignes avaient bougé. Wafah ne transige plus. Maryam, dans son pays, ne se résout pas au silence. Elle dit n’avoir aucun mérite et a ajouté: Tu sais, Sarah, j’ai juste de la chance d’avoir été élevée par des parents formidables. Myriam, comme Wafa, reste cohérente. Moi ? J’ai embrassé Djamila sa sœur et ses deux filles qui donnent envie de croire que tout reste possible, et j’ai dit oui à Naïma quand elle m’a dit que ça lui ferait vraiment plaisir de nous recevoir à Bejaia. Je venais de lui demander sottement si elle rentrait au pays cet été, et elle m’a répondu simplement: nous irons au Grau-du-Roi, il fait trop chaud à Bejaia.
J’aime à croire qu’il y aura un jour un Islam éclairé. Tolérant. Accueillant. Que la menace de Mustapha Ramid, Ministre de la Justice du Maroc, de démissionner si les relations sexuelles hors mariage sont dépénalisées sera vue ce jour-là, par tous, comme une grosse plaisanterie, et que celui-là et tous ses pairs obscurantistes seront cités dans les livres d’histoire comme les acteurs rétrogrades d’une époque révolue. Mais ce jour n’est pas au programme. Tant que L’Obs et autres media offriront des Tribunes, rien que ça, à des Béchir Bouderbala, Citoyen engagé, où leur contributeur, se présentant comme patriote et musulman, nous expliquera : il y a une chose laquelle j’aurais du mal à tergiverser, c’est le Ramadan et qu’alors que Justin Trudeau au Canada a fait une vidéo de trois minutes pour exprimer ses souhaits de bonheur et de réussite aux musulmans, chez nous en France Le Monde se demande Quel est le poids de l’Islam en France pendant que Courrier International s’interroge sur les rituels de l’Aïd El Fitr, et qu’aucun homme politique n’a souhaité de bonnes fêtes, eh bien, Béchir Bouderbala, ça le rend honteux d’être français. Et comme le contributeur de L’Obs ne fait pas dans la nuance, il ajoute : D’apprendre qu’un futur (peut-être) président de la République n’a pas lu le Coran est une aberration, et conclut en s’adressant à la Communauté musulmane : qu’on s’accorde tous pour dire qu’on ne votera pour aucun candidat à la présidentielle ou aux législatives qui ne nous aura souhaité bonne fête de l’Aïd.
Sarah Cattan
[1] https://la-voie-de-la-raison.blogspot.com/2016/06/wafa.sultan.html
[2] L’Islam en question, Wafa Sultan, Editions H&O, 2011