A quelques encablures du Groenland, l’Islande a une histoire et une civilisation bien différentes de celles de son grand voisin et probablement un destin qui pourrait être lui aussi bien différent, selon l’ampleur des changements climatiques en cours.
C’est un pays passionnant et attirant, encore largement méconnu mais que cet Euro 2016 va contribuer, un peu à son corps défendant, à faire apparaître sous un jour nouveau aux yeux d’une partie du grand public.
Pour ceux qui se demandent comment un « petit pays » ( 332.500 habitants ) peut trouver 23 joueurs de football de classe internationale qui se hissent en quart de finale de l’Euro, je les invite à méditer le décompte fait par un de leurs ministres et qui circule sur les réseaux sociaux : il suffit de retrancher de la population totale de l’Islande les Islandais qui ne font pas partie de l’équipe nationale, sans oublier (entre autres) les quelques 500 fonctionnaires, les banquiers en prison et les scientifiques qui surveillent les volcans et les tremblements de terre et, de soustraction en soustraction, on arrive aux 23 joueurs sélectionnés pour l’équipe nationale. Voilà qui en dit long sur le degré de cohésion de ce pays.
Plus sérieusement, cette île est une terre jeune (environ 500.000 ans), qui s’est formée au gré des irruptions volcaniques et qui continue à s’étendre. La partie nord est d’ailleurs en train de faire sécession et s’éloigne de la plaque européenne à la vitesse impressionnante à l’échelle géologique d’environ un mètre par an.
Primitivement peuplée de Vikings, l’Islande a résisté au fil des siècles aux tentatives de domination dont les plus connues sont danoises, hollandaises et fugitivement allemandes, accompagnées de leur lot d’injustices et de violences. Le ciment de cette volonté d’indépendance est la soif de liberté et de justice symbolisée par la cloche d’Islande, qui est d’ailleurs le titre d’un recueil de nouvelles issues de la tradition orale qu’a patiemment rassemblées, à force d’écoute et de pérégrinations, Halldor Laxness qui a obtenu le prix Nobel de littérature en 1955.
Mais c’est aussi un pays où le culte de l’écrit est bien vivace et dont la langue, qui a peu évolué car presque endémique, fait que les plus anciens ouvrages sont par essence souvent accessibles au plus grand nombre, y compris aux enfants dès leur apprentissage de la lecture. Des écomusées, visitables en été, recèlent d’ailleurs des trésors en objets et livres anciens.
Sur le plan sociologique, l’Islande est un pays où la femme a toujours défendu farouchement sa liberté, pour la petite histoire en choisissant et répudiant ses partenaires, en même temps qu’elle a toujours bénéficié d’un profond respect.
Dans l’histoire contemporaine et plus principalement après la seconde guerre mondiale et pendant la guerre froide l’Islande a été une base avancée des Etats-Unis jusqu’au départ des Américains et de leurs fonds de pension en 2006, ce qui n’a pas été totalement étranger à la faillite économique et monétaire en 2008. Seule, isolée et sans soutien occidental, l’Islande s’est redressée et a reconstruit une économie de plein emploi. Peu de temps après elle annulait sa candidature à l’entrée dans l’Union européenne.
Le pays pratique largement la démocratie participative jusqu’au niveau local. Les délibérations remontent jusqu’au plus haut niveau. C’est ainsi que l’Islande a décidé de s’ouvrir plus largement au tourisme de masse, ce qui n’est pas sans poser de problèmes au regard de la préservation de l’écosystème qui supporte assez mal l’incursion des 4/4 dans les zones protégées.
Car l’Islande a pris conscience de l’ampleur du changement climatique en cours et n’a pas besoin de mouvements écolos déclarés pour ménager son environnement.
La préservation de la nature est l’affaire de tous et les Islandais sont pleinement conscients que leur situation climatique actuelle, relativement favorable eu égard à leur latitude est très fragile et pourrait facilement être remise en cause par une inversion -même minime- du Gulf stream qui pourrait modifier totalement leur climat actuel. L’exemple du Groenland voisin dont 95% de la superficie est prise dans des glaces qui atteignent par endroit 3000 mètres d’épaisseur est là bas dans tous les esprits.
Mais tout n’est pas pour autant rose au pays des aurores boréales. Les Islandais savent très bien que rien n’est acquis et qu’à l’instar de leurs brefs étés tout est éphémère. Ils ne sont pas exempts des tentatives de corruption qui peuvent toucher les plus faibles d’entre eux. Jusqu’à présent ils ont su y faire face grâce à leur cohésion et en prenant les saines décisions. C’est ainsi que quelques rassemblements pacifiques et unanimes sont récemment venus à bout d’un chef de gouvernement qui avait cédé aux sirènes de la corruption.
Julius
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