Après le massacre d’Orlando aux Etats-Unis, médias et réseaux sociaux n’ont pas manqué de rapidement faire le parallèle avec le carnage perpétré en France le 13 novembre au Bataclan. Mais certains remettent en cause cette comparaison, soit en soulignant les différences dans la méthode, soit en mettant en avant celles concernant la nature du crime.
Même cible, un lieu clos bondé, festif et musical, même mode opératoire, une fusillade de masse qui se termine par une prise d’otages et un assaut, mêmes témoignages glaçants des rescapés, même revendication de Daech, même onde de choc à travers le monde… Le massacre perpétré samedi soir dans une boîte gay d’Orlando présente des similitudes indéniables avec la tuerie en plein concert du Bataclan le 13 novembre dernier, à Paris.
Des ressemblances que n’ont pas manqué de souligné médias, experts et internautes en traçant rapidement un parallèle entre les deux tragédies, à l’image du tabloïd britannique The Sun faisant sa Une sur “Le Bataclan de l’Amérique” (America’s Bataclan”). Une comparaison appuyée lundi matin au micro d’Europe 1 par la politologue spécialiste des Etats-Unis Anne Deysine, qui a estimé que les attaques se ressemblaient “de façon terrifiante”. “Je pense que c’est un individu qui a agi seul. Il a vu le Bataclan, on est à l’ère de la mondialisation. Il a certainement vu la télévision et s’est dit je vais faire la même chose”, a-t-elle développé.
Du côté des victimes du Bataclan, on a aussi été saisi d’une abominable réminiscence à la vue de ce qui s’est passé aux Etats-Unis. “Malheureusement il y a une forme de récurrence. L’endroit et les personnes visées, il y a un lien à faire avec ce qu’on a vécu”, a ainsi déclaré sur le plateau de LCI un survivant du 13 novembre, Bruno Poncet.
Mais aussi dérisoire puisse-t-il paraître aux yeux de certains, un débat s’est engagé sur cette comparaison, des internautes appelant sur Twitter à ce qu’on cesse de la faire, ou dénonçant un travers journalistique.
@JollyMickael @bfmtv Tel Aviv Orlando Paris: pareil
— Jeanne Gélineau (@GelineauJeanne) 12 juin 2016
Another dangerous simplistic and journalistic tactic calling the Orlando shooting an “American Bataclan”. It’s not information, it’s polemic
— Mariam El Atouabi (@MariamElat) 13 juin 2016
“Cela n’a rien à voir avec le Bataclan”, a également estimé sur i-Télé le spécialiste des mouvances djihadistes, Wassim Nasr. Le 13 novembre, a-il expliqué, “il y a eu trois attaques simultanées. Le Bataclan en soi symbolise plus que la fête, c’est aussi une symbolique pour la communauté juive, pour Israël, c’est pour ça que ça a été choisi. Alors que là, c’était une cible choisie par l’assaillant lui-même. Je ne pense pas que que Bagdadi (le chef de l’Etat islamique, ndlr) se soit réveillé en Irak en se disant : ‘Tiens, on va attaquer le club Pulse aux Etats-Unis'”.
C’est une autre petite musique, surtout, que l’on peut entendre en consultant les remarques faites sur cette comparaison sur les réseaux sociaux. L’article du Time évoqué plus haut notait bien le fait que “les meurtres d’Orlando sont différents sur un point essentiel, en ce que le suspect semble avoir ciblé une communauté spécifique des personnes LGBT plutôt qu’une assistance aléatoire de mélomanes”. Mais c’est cette différence dans la nature de la cible qui est mise en avant pour récuser le parallèle Bataclan/Orlando.
“A Orlando le public touché était ciblé, pas au Bataclan”, estime ainsi une internaute française, affirmant rageusement que les deux tragédies n’ont “rien à voir”. “C’était davantage un autre Mathew Shepherd”, un jeune victime en 1998 d’un assassinat homophobe, “qu’un autre Bataclan”, juge également un Américain, Allen Simpson.
.@OwenJones84 is right in his analysis of #orlando and the media coverage. This was as much another Matthew Shepherd as another Bataclan 1/2
— Allen Simpson (@allen_m_simpson) 13 juin 2016
This violence must be named properly and the victims given visibility. It wasn’t a generalised act – it was specific against LGBT people 2/2
— Allen Simpson (@allen_m_simpson) 13 juin 2016
Dans ces tweets, Allen Simpson se réfère aux propos d’un jeune chroniqueur britannique représentant de la communauté LGBT, Owen Jones, qui, après avoir quitté en plein direct le plateau de Sky News car les présentateurs refusaient, selon lui, de reconnaître que la fusillade d’Orlando était essentiellement un acte homophobe, a publié sur le site du Guardian une tribune largement applaudie ou décriée. Il y souligne qu’Orlando “était à la fois une attaque terroriste et une attaque homophobe sur les personnes LGBT”, et “qu’une atrocité peut être plus d’une chose à la fois”. Une dualité que ne permet pas de recouvrir le terme “Bataclan américain”.
Savoir si cet acte ressemble au Bataclan, de même que distinguer entre acte homophobe ou islamiste, me semble aussi pertinent que chercher à distinguer entre un tir de roquette sur Hashdod et une attaque au couteau à Tel Aviv.
Polémique grotesque les islamistes tuant tous ceux qui ne leur plaisent pas, qu’ils reçoivent des ordres ou non. Un jour des journalistes, un autre des policiers et des militaires, un autre des juifs, puis des homos et parfois ils tirent dans le tas comme au Bataclan.
Et le point commun à tous ces meurtres porte un nom: l’islam mondialisé et totalitaire qui doit recouvrir de son voile mortifère la Terre entière.