Plus de 2 000 Syriens sont venus se faire soigner en Israël en provenance de la zone contrôlée par le Front Al-Nosra.
À 1 165 mètres d’altitude, le volcan endormi du mont Bental offre une vue imprenable sur la frontière israélo-syrienne. Le site continue à attirer les visiteurs et les touristes du village de vacances de Merom Golan, le premier kibboutz établi après l’occupation du Golan par l’armée israélienne en 1967. En contrebas, dans le prolongement des vergers et des vignes, la Syrie est à moins de deux kilomètres.
Après le kidnapping d’un contingent de 44 soldats fidjiens, en août 2014, par les rebelles syriens, les observateurs de l’ONU ont abandonné leurs bases dans la zone démilitarisée pour se replier sur le côté israélien de la frontière. Les 80 kilomètres se répartissent aujourd’hui en trois secteurs.
Dans le nord, l’armée syrienne et ses alliés, le Hezbollah libanais et les « conseillers » iraniens. Au centre, sur environ 70 % de la frontière, le Front Al-Nosra, avec environ 1 500 combattants. La branche locale d’Al-Qaida coexiste avec une cinquantaine de petits groupes rebelles locaux, certains affilés à l’Armée syrienne libre. Dans le sud, la Brigade des martyrs du Yarmouk, un groupe de quelque 700 combattants, rallié à Daech, contrôle la frontière sur une quinzaine de kilomètres.
« Nous ne tolérerons aucun débordement de notre côté de la frontière »
« Pendant près de quarante ans, le Golan a été notre frontière la plus calme, affirme un officier supérieur de l’armée israélienne. Le conflit en Syrie nous a obligés à réévaluer la situation. Une nouvelle division d’infanterie a été déployée à la place des unités de réservistes, nous avons construit une barrière de trois mètres de haut, équipée de caméras, de radars et de senseurs. Notre message aux factions syriennes est clair : nous ne prenons pas parti dans leurs affrontements mais nous ne tolérerons aucun débordement de notre côté de la frontière. »
En dépit de la présence du Front Al-Nosra et de Daech, le Golan reste paisible. Le dernier incident remonte à l’an dernier, quand des roquettes en provenance de la zone contrôlée par les forces de Bachar Al Assad ciblant les groupes syriens rebelles ont atterri en territoire israélien.
Reflet de la convergence d’intérêts entre l’État hébreu et les groupes armés sunnites syriens, Tsahal et les rebelles coordonnent le transfert en Israël de blessés syriens. Plus de 2 000 d’entre eux ont été soignés en Israël depuis trois ans.
Quatre hôpitaux mobilisés
Ils sont pris en charge par des médecins militaires qui les répartissent ensuite dans les hôpitaux du nord d’Israël. Le transport se fait de nuit, à partir de la zone contrôlée par le Front Al-Nosra. Tsahal a récemment créé une unité de liaison pour gérer les contacts avec les Syriens, avec une double mission : faciliter l’accès aux hôpitaux israéliens pour les blessés ; surveiller les développements de l’autre côté de la frontière.
« Ceux qui nous les envoient ont de bonnes connexions avec les militaires israéliens », confirme un médecin de l’hôpital de Safed, un des quatre hôpitaux mobilisés pour cette « mission humanitaire » avec ceux de Nahariya, Haïfa et Tibériade. Allongé sur un lit en compagnie de trois autres Syriens, dans une chambre, discrètement surveillée par la police militaire, un jeune électricien, originaire de Kuneitra, explique la procédure. Du côté syrien, une katiba (brigade) sélectionne les patients avant de coordonner leur transfert avec les militaires israéliens. À côté de lui, un autre se dit membre de l’Armée syrienne libre et affirme qu’il retournera en Syrie pour combattre Daech, mais pas contre le Front Al-Nosra, « un allié très pacifique ».
En juin 2015, des Druzes du village de Majdal Shams s’en étaient pris à une ambulance de l’armée israélienne, soupçonnée de transporter deux membres du Front Al-Nosra. Après cet incident, Israël a assuré la communauté druze de sa neutralité et le canal établi entre l’armée israélienne et les rebelles syriens semble fonctionner sans accroc. « C’est une politique très intelligente », analyse Yossi Melman, journaliste au Jérusalem Post, spécialiste des questions de sécurité. « Sous couvert d’aide humanitaire, Israël soigne des gens qui lui sont reconnaissants et peuvent fournir des informations sur ce qui se passe dans les villages de l’autre côté de la frontière. »
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Le Golan, un plateau stratégique
Israël occupe, depuis la guerre de juin 1967, 1 200 km2 du plateau du Golan dont l’annexion en 1981 n’a jamais été reconnue par la communauté internationale. Environ 510 km2 restent sous contrôle syrien.
Lors des guerres de 1967 et 1973, près de 150 000 personnes, soit la majorité des habitants syriens du Golan, ont fui le plateau. Seuls restent aujourd’hui quelque 18 000 Druzes, dont la quasi-totalité a refusé la carte d’identité israélienne.
Depuis 1967, près de 20 000 colons israéliens s’y sont installés, répartis dans 33 implantations agricoles.
En 1974, une zone tampon démilitarisée a été créée où étaient déployés, jusqu’en septembre 2014, les observateurs de la mission des Nations unies (UNDOF).
François d’Alançon (au Mont Bental)
“Lors des guerres de 1967 et 1973, près de 150 000 personnes, soit la majorité des habitants syriens du Golan, ont fui le plateau.”
Ah! si seulement Israël avait fait la même chose en Judée-Samarie et à Gaza…