En déplacement à Montreuil, Emmanuel Macron a été conspué et a reçu un œuf sur le crâne. Cette agression a été justifiée, tant par des représentants des gauches de la gauche que par le FN. Une convergence pas si étonnante.
Qui de l’œuf ou de Macron… ? La question peut paraître anecdotique au regard de l’histoire en marche, mais elle ne l’est pas. Un ministre de la République en déplacement dans la ville de Montreuil a été l’objet d’une agression physique. Ce n’est qu’un œuf, mais c’est plus qu’un œuf. C’est l’époque qui a frappé Emmanuel Macron dans une ville dirigé par un maire communiste qui a manqué à ses devoirs républicains. L’air du temps. Le rejet des politiques. La fragmentation sociale. La haine du bas envers le haut. Et la collusion des gauches de la gauche avec le Front national, les deux termes de l’horizontalité politique française ayant intérêt à entretenir la haine entre Français.
Donc, à Montreuil, venu dévoiler dans un bureau de poste un timbre célébrant les 80 ans du Front populaire, Emmanuel Macron a été accueilli par une meute en colère. Injures et jets d’œufs, l’un d’entre eux se fracassant sur la tempe du ministre. Aujourd’hui, un œuf. Et demain?
Quelques jours auparavant, de manière raisonnable, dans la foulée médiatique de l’affaire du costard et du T-shirt, Emmanuel Macron avait rappelé une évidence: « On ne tutoie pas un ministre. On ne l’invective pas ». A droite comme à gauche, le rappel avait été moqué. Pour qui se prend-il Macron? Pour Laurent Fabius face à Chirac qui l’avait traité de roquet dans un débat télévisé, en 1985? « Vous parlez au Premier ministre de la France! » avait osé Fabius, s’attirant les mêmes lazzis que Macron demandant un peu de respect. Etrange pays que le nôtre.
Faire dans le symbole
Avant de venir à Montreuil, et d’y recevoir son œuf, Emmanuel Macron avait subi une nouvelle injure. Le maire communiste de la ville, Patrice Bessac, avait déclaré haut et fort qu’il se refusait à le recevoir. A en croire l’édile, il s’agissait de faire dans le « symbole » afin de « faire entendre la déception, le mécontentement, l’indignation et la colère que génèrent, auprès des Montreuillois et hors les limites de notre commune, la politique actuelle du gouvernement ».
Et tout cela parce que « Sous la tutelle d’Emmanuel Macron, l’économie est devenue la science de l’accaparement quand elle devrait être celle du partage ». Surprenante conception de la vie en République, qui n’autorise plus un maire à recevoir, de manière civile et courtoise, un ministre en déplacement dans sa ville. Ni dialogue, ni échange, mais un appel implicite à la violence avec prise d’otage de légitimité républicaine, car le maire communiste de Montreuil oublie au passage qu’il a été élu, en 2014, avec des voix socialistes dont certaines peuvent se reconnaître dans la modernisation de la gauche que porte Emmanuel Macron.
Les propos du maire, rendus publics en préalable à la visite du ministre de François Hollande, ne pouvaient qu’être interprétés par les plus extrémistes comme un appel au défoulement. Et c’est bien ce qui est advenu. Patrice Bessac peut être satisfait. « L’indignation et la colère » se sont manifestées. Aujourd’hui, un œuf. Et demain?
A gauche de la gauche, l’image de Macron agressé a été saluée comme une grande victoire politique. Les gauches souverainistes et réactionnaires, renouant avec la grande tradition des dénonciations de la figure du « social-traître » s’en sont données à cœur joie. Joie de voir Macron victime d’une forme de violence acceptable! Etrange et inquiétante cohorte extrémiste, qui voit le porte-parole de Jean-Luc Mélenchon, Alexis Corbière, déclarer sur Sud Radio « Je suis pour le respect des individus mais ce qui est visé là c’est pas l’homme, c’est la fonction, la politique! » à l’unisson de l’économiste souverainiste Jacques Sapir, zélé admirateur de Poutine et avocat de l’alliance des gauches de la gauche avec le FN: « le costard de Macron échappe à un jet d’oeuf. Le crane du Ministre, par contre, a été touché ».
Le vice au bras du crime et inversement
Corbière et Sapir, le populisme et le nationalisme et inversement. Qui se retrouvent pour réifier le corps physique de Macron, avec à l’appui le même processus déjà observé lors du lynchage des dirigeants d’Air France. Ce n’est pas l’homme en tant qu’individu que l’on agresse mais son incarnation. Ici la chemise blanche du patron, symbole du pouvoir de l’argent, là le » costard » du ministre, symbole du pouvoir politique. Et tant pis si l’intégrité de la personne physique risque d’en souffrir. L’agression est légitime puisque cette personne incarne une violence faite au peuple en souffrance. Aujourd’hui, un œuf. Et demain?
Corbière et Sapir, « le vice au bras du crime » et inversement. Tous unis contre le « social libéral » Macron, comme Thorez et Frachon dénonçant le « social traître » Blum. En un siècle, le monde a beaucoup changé. La France aussi. Mais pas les héritiers du stalinisme. Le « social traître » est devenu « social libéral », mais la cible demeure, à l’identique: l’incarnation de la gauche de gouvernement, identifiée au cosmopolitisme ontologique des élites œuvrant contre le petit peuple des nations, conçues comme des entités identitaires invitées à se fermer au monde pour survivre. « Le costard à 1.200 Euros » de Macron, c’est la réinvention de « la vaisselle d’or » de Blum.
Les gauches de la gauche renouent avec un passé que l’on pensait dépassé. L’œuf lancé à Macron ne dit pas autre chose que le grand retour de la doctrine communiste des années 1927-34, « classe contre classe », et sus à ces « serviteurs zélés de la bourgeoisie » que sont les socialistes de gouvernement. En Angleterre. En France. En Allemagne. « En Allemagne, dans les années 1930, on disait: “L’arbre nazi ne doit pas cacher la forêt social-démocrate”, souligne l’historien Marc Lazar. On voulait dire alors que le danger principal était dans la social-démocratie et non dans le nazisme. Cela a été une erreur tragique. »
L’œuf jeté à Macron est un signal faible qui tend à devenir de plus en plus fort. Contre la gauche de gouvernement, la collusion objective entre les deux termes de l’offre politique est patente. Gauches de la gauche et Front national convergent vers leur objectif premier: détruire les forces démocratiques centrifuges afin de devenir les deux termes dominants de l’offre politique, chacun dans leur camp.
Il n’est pas très glorieux pour Corbière et Sapir de constater que leur dérive populiste et nationaliste les mènent peu à peu hors du champ républicain. Cela l’est encore moins lorsque l’on constate que Florian Philippot se réjouit, comme eux et avec eux, de l’agression dont Macron a été la victime. « La prochaine fois, il viendra en t-shirt, ça évitera quelques désagréments à monseigneur Macron… » a déclaré le numéro 2 du Front national sur iTélé. Même référent symbolique, le costard de l’élite dominante opposé au t-shirt du petit peuple en souffrance. Même réification du corps physique de l’ennemi politique, qui légitime l’agression. Même sortie du champ républicain.
On serait Corbière et Sapir, et bien d’autres qui s’identifient à leur combat, qui font du Philippot de gauche, on s’empresserait de présenter des excuses à Macron, et on s’en irait, sur la pointe des pieds, en souhaitant être oublié le plus vite possible. Mais ce n’est pas le genre de la maison. Le combat contre le « social traître » devenu « social libéral » va continuer sur les mêmes bases. Hier Blum. Aujourd’hui Macron. Aujourd’hui, un œuf. Et demain?
Bruno Roger-Petit
Le maire de Montreuil a aussi oublié qu’il a contribué en 2012 à l’élection de ce gouvernement de « sociaux traitres ». Il en est d’autant plus coupable qu’en tant que communiste il ne pouvait pas ne pas savoir, à l’instar de Thorez et Frachon, ce que valait réellement un gouvernement socialiste. La même remarque vaut pour Mélanchon et consorts. Les communistes qui ont appelé à voter socialiste à la présidentielle de 2012 ont trompé et trahi le peuple. Aujourd’hui, voyant que leur électorat file vers le Front national, ils essaient de renverser la vapeur en revenant aux fondamentaux. Pour ce qui concerne l’oeuf, cette histoire ne m’inspire qu’une seule réflexion : un oeuf, c’est utile et ce n’est pas cher.
L’extrême-gauche, communistes inclus évidement, et l’extrême-droite, même sous le masque bcbg d’un Philippot, veulent tous deux in fine la guerre civile en France. Cela aussi ça n’a pas changé.
Hier deux « lanceurs d’œufs », Joseph Darnand et Jacques Doriot et puis…
Merci Bruno Roger-Petit.
EST-CE DE MA FAUTE SI ON EST DANS UN MONDE SANS MORALE?
Je ne sais pas de quelle poule est cet œuf, mais il est « plein air ». Et comme pour Air France, sauf accident, ça atterrit toujours. Le point commun entre un œuf et un avion, c’est que les deux sont aérodynamiques. Par contre, les oeufs visent souvent la tête, c’est connu. Pour un pays dont l’emblème est le coq, quoi de plus normal….
Quoi de plus normal qu’un ministre reçoive un œuf, quand c’est dans l’air du temps, que la CGT se complaît de continuer à faire plier l’économie du pays.
La leçon de 68 n’a pas suffi! Après qu’on eut dit qu’il était interdit d’interdire, après d’œuf mois de grèves, on a décrété qu’on augmentait tous les salaires de 5 x d’œuf %. ! Tout le monde était content, on avait gagné !!!!
Sauf que le pain, le beurre, le journal et même les oeufs ont augmenté aussi de 10%, juste répercussion des prix. Seulement, pour les exportations, on etait devenus 10% trop chers. C’était 68, le plein emploi. Personne n’a trop senti la route se resserrer. Aujourd’hui, on n’a plus les moyens d’accuser le coup….le temps que la CGT trouve la sortie « honorable » de sa grève, il passera encore de l’eau sous les ponts, surtout qu’en ce moment, elle ne se gêne pas de passer, même qu’elle prend l’autoroute sans payer le péage…
Et après l’œuf? Il y aura les pierres! Si on ne respecte plus un ministre, c’est peut-être aussi parce que les ministres ne sont plus respectables. Quand un président fait des promesses et qu’il sait sciemment qu’il ne respectera pas, il avilit sa fonction et celle de son équipe avec.
Et pour ce qui est des pierres, après tout, il est de notoriété qu’en Israël, c’est pas vraiment méchant quand ça tombe sur un Hayal de 20ans, et qu’il faut savoir proportionner. C’est l’idée qui court. Mais Israël, c’est le pays des miracles, et on finit par s’y habituer!
Et après les pierres?