Ce vendredi s’ouvrira à Paris, à l’initiative de la diplomatie française, une Conférence Internationale visant à relancer le processus de paix entre Israël et la Palestine. L’Amérique de Barack Obama avait jeté l’éponge. La France de François Hollande (il s’agit plutôt d’une démarche pensée et voulue par Laurent Fabius lorsqu’il était en charge du Quai d’Orsay) reprend le flambeau et relève le défi.
Mais on ne saurait juger de la validité d’une initiative diplomatique à partir de ses seules intentions. Et là, le jugement que l’on peut porter sur l’initiative française est nettement moins favorable. La France ne fait-elle pas preuve, tout à la fois, d’arrogance, d’irréalisme sinon d’amateurisme ?
Pourquoi la France réussirait-elle, là où Washington a échoué ? Les relations entre la France et Israël sont certes excellentes, meilleures sans doute qu’elles n’ont été depuis longtemps, comme l’illustre le voyage effectué, la semaine dernière, par le Premier ministre Manuel Valls entouré d’une pléthore de grands patrons français. Mais cela peut-il suffire ?
L’excès d’orgueil de Paris
Le gouvernement d’Israël se radicalise toujours davantage avec le retour de l’ultranationaliste Avigdor Lieberman, cette fois-ci comme ministre de la Défense. Lors des célébrations du 68e anniversaire de l’indépendance de l’État d’Israël, à Paris, cette semaine, l’ambassadrice de l’État hébreu, après avoir rendu un hommage vibrant à la France et en particulier à son Premier ministre, n’a jamais fait explicitement référence à la réunion qui doit s’ouvrir le 2 juin, comme s’il s’agissait d’un sujet embarrassant ou pire encore négligeable.
Le Premier ministre israélien a été plus clair encore dans l’expression de son opposition à ce projet. Tout se passe comme si les Israéliens disaient aujourd’hui aux Français : « On vous aime bien en dépit de vos dérapages (le vote de Paris soutenant une résolution récente de l’Unesco ne reconnaissant pas explicitement le lien entre Jérusalem et le Peuple juif) ou de vos ambitions diplomatiques démesurées, mais pour qui vous prenez-vous ? Vous n’allez pas nous convaincre que l’équilibre des forces dans la région, surtout depuis le début du prétendu Printemps Arabe est tel, que nous puissions prendre des risques pour la paix au moment où tout implose autour de nous ? »
Le calendrier n’est-il pas lui aussi défavorable ? Comment lancer unprocessus de paix en fin de mandat électoral ? Bill Clinton en a fait l’amère expérience en 2000. De plus, l’image de la France à l’extérieur est celle d’un pays affaibli et divisé. Comment réunir des parte-naires étrangers avec quelque chan-ce de succès autour d’une table,alors que l’on n’arrive pas à le faire avec des partenaires sociaux ? Com-ment réussir aussi, si les diploma-tes français en charge du dossier nesemblent pas y croire eux-mêmes ?
On ne joue pas ainsi avec la paix, par excès d’orgueil ou insuffisance de préparation.
Dominique Moïsi, Conseiller à l’Institut français des relations internationales (Ifri).