Reflexions sur une élection consistoriale
Dans quelques semaines une élection se tiendra pour choisir le prochain Président du Consistoire Central de France. On assiste en ce moment à un bouillonnement interne qui commence à émouvoir les fidèles de la Communauté juive française qui commençaient à se désintéresser totalement de ce qui se passait au sein de la rue Saint-Georges à Paris. En effet, une indifférence quasi totale devant la désaffection des synagogues consistoriales, la montée en puissance du mouvement Loubavitch, l’omniprésence du Président Joël MERGUI, dont le cumul de mandats se poursuit en contradiction absolue avec les règles en usage, l’absence d’un Av- Beth Din à Paris, pourtant indispensable, et quantité d’autres signes révélateurs d’un déclin annoncé de l’institution centrale du judaïsme.

Bref, une Communauté endormie, léthargique, ne réagissant plus devant des excès reconnus, une hyper-communication, des projets pharaoniques sans aucun financement véritable, aucune prise en compte de l’évolution sociologique des Juifs de France. En somme, une Communauté ayant baissé les bras et laissant agir un président, entouré d’une poignée d’irréductibles et sans résultats concrets.
La preuve de cette indifférence : l’absence de candidats à cette fonction, pourtant prestigieuse. Comment se fait-il qu’aucun président d’un consistoire régional (Marseille, Lyon, Toulouse, Nice, Strasbourg,…) ne se soit pas présenté à cette élection ? Normalement on aurait dû assister à une bataille rangée entre une dizaine de candidats potentiels. Or, tous ont baissé les bras. Ont-ils peur d’affronter Joël MERGUI ? L’élection est-elle à ce point verrouillée que les prétendants renoncent par avance à se présenter ? Sont-ils à ce point impliqués dans leurs problèmes locaux qu’ils n’envisagent même pas de franchir le pas pour occuper une fonction au niveau national ?
Toujours est-il qu’il n’y a aucun candidat à se lancer dans la bataille. Aucun ? Pas tout à fait, puisqu’une femme, Évelyne GOUGENHEIM, a osé relever le défi, au grand dam du corps rabbinique, qui pousse de hauts cris, alors que cette fonction est exclusivement administrative et ne se confond pas avec la fonction spirituelle occupée par le grand Rabbin de France. Même si ses chances de gagner sont relativement minces, elle aura au moins eu le mérite de s’opposer ouvertement à Joël MERGUI, dans la liste duquel elle avait été élue et qu’elle attaque maintenant pour démontrer qu’elle critique sans détour sa gestion jugée contestable.
Une des raisons de ce désert électoral réside dans l’existence de statuts désuets et non démocratiques. Pour quelle raison seuls les membres du Conseil du Consistoire Central, qui ne sont au maximum qu’une trentaine, peuvent-ils se présenter à cette élection ? Moi-même, évincé de ce Conseil par Joël MERGUI, suis dans l’impossibilité statutaire de me présenter, ce qui est parfaitement anormal. À y voir de près, il faudrait qu’une réforme des statuts et du Règlement intérieur du Central permette à tous les membres de l’assemblée générale, forte de plusieurs centaines de délégués, de se porter candidats. On assisterait alors à une élection ouverte avec pléthore de postulants qui pourraient exposer leur conception de l’avenir de l’institution et proposer des actions positives destinées à revigorer le Consistoire, en perte de vitesse, même s’il est censé, aux yeux du gouvernement, représenter tous les Juifs de France.
Oui, le Consistoire a besoin d’un toilettage et même d’une réforme en profondeur, s’il veut poursuivre l’action voulue par Napoléon Bonaparte. Il ne pourra pas indéfiniment se positionner comme une institution religieuse représentant TOUS les Juifs, dès lors qu’il ignore les autres mouvements spirituels de la Communauté.
A défaut d’un recentrage indispensable, je propose au moins la création d’un CRIF RELIGIEUX qui réunirait tous les acteurs de la Communauté, même s’ils sont d’une sensibilité différente : consistoriaux, orthodoxes, hassidiques, traditionalistes, libéraux, massortis, loubavitch,… qui, assis autour de la même table, débattraient à propos de problèmes religieux, en dépit de leurs différences de conviction religieuse. Au sein du CRIF politique actuel, les points de vue sont fréquemment opposés, mais au moins les délégués se parlent et essaient de trouver des solutions acceptables par tous. Pourquoi un CRIF à vocation religieuse ne pourrait-il pas fonctionner de même, dans la paix et la sérénité, au lieu de se livrer à des joutes sans intérêt.
C’est ainsi que je vois quelques-unes des pistes pour une meilleure gouvernance du Consistoire, plus saine, plus démocratique, et plus ouverte sur les souhaits des fidèles.
Moïse COHEN
Président d’Honneur du Consistoire de Paris