Nouvelle tête au Crif, Francis Kalifat, avec le combat contre l’antisémitisme au cœur.
“Tolérance zéro” contre l’antisémitisme “sous toutes ses formes”, “intransigeance totale” vis-à-vis du Front national: figure consensuelle au discours ferme, Francis Kalifat deviendra dimanche président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), vitrine politique de la première communauté juive d’Europe.
Roger Cukierman, 79 ans, cède son siège à ce natif d’Oran (Algérie) âgé de 63 ans, et réputé plus chaleureux que son prédécesseur sous sa barbe grise finement taillée. Un séfarade accède à la tête de l’instance de représentation politique du judaïsme français, une première après presque un demi-siècle de domination ashkénaze. Mais Francis Kalifat n’y voit “aucun symbole”, prenant simplement acte d’une “transformation sociologique de la population juive”.
“Si campagne il y avait eu, cela n’aurait pas été un argument de campagne pour moi”, assure-t-il.
“Une responsabilité lourde, difficile”,
eu égard au contexte
La question ne s’est pas posée: Francis Kalifat se présentera seul, dimanche, aux suffrages de l’assemblée générale du Crif, représentant ses 70 associations.
“En étant positif, on y voit le signe d’un consensus. En étant réaliste, on note que la présidence du Crif est une responsabilité lourde, difficile”, relève ce chef d’une entreprise de chaussures qui s’est organisé pour se consacrer à son mandat de trois ans. “Ce que vit la communauté juive en France exige une mobilisation de tous les instants”, martèle le président bientôt élu.
Plus de 800 actions et menaces antisémites ont été enregistrées en 2015. Soit 40% des actes racistes commis en France, tandis que les Juifs représentent moins de 1% de la population française.
Dans une continuité assumée avec son prédécesseur, Francis Kalifat place son mandat “sous le signe de la tolérance zéro face à tout ce qui concerne l’antisémitisme”, notamment sur le web et les réseaux sociaux.
“Celui clairement défini, qu’on peut voir derrière Dieudonné, Soral et tous les prédicateurs islamofascistes”, mais aussi “cet antisionisme qui est la nouvelle façon masquée des antisémites de progresser dans la société, caractérisée par tous les mouvements de boycott” de produits israéliens, notamment dans la gauche radicale, détaille-t-il.
L’Interdiction du BDS pour objectif
Le responsable du Crif veut sans tarder “obtenir de façon claire l’interdiction en France du mouvement BDS” (boycott, désinvestissement et sanctions). Et ce juif “pratiquant et tolérant” s’élève contre ce “fondamentalisme musulman qui aujourd’hui veut déstabiliser complètement les démocraties”.
Interrogé sur l’aliyah, l’émigration juive vers Israël, qui a atteint un niveau record depuis la France avec près de 8.000 départs en 2015, sans compter les installations dans d’autres pays, Francis Kalifat dit vouloir “œuvrer pour que les conditions du choix soient rétablies”. Autrement dit pour que “la sécurité soit assurée et que les Juifs puissent choisir en toute liberté, comme tous les autres Français, de partir ou de rester”.
Il s’inquiète de ce qu’il nomme la “petite aliyah”, ce mouvement par lequel des familles juives fuient l’insécurité de “zones de la couronne parisienne qui sont devenues quasiment +judenrein+”, sans Juifs. “Comment peut-on imaginer qu’en Seine-Saint-Denis il n’y ait plus un enfant juif qui va à l’école publique ?”, s’alarme Francis Kalifat, qui voudrait “retrouver l’esprit” d’une jeunesse passée à Trappes (Yvelines) dans une mixité démographique “complète”.
Ne pas céder “aux yeux doux” du Front national
Dans sa lutte contre l’antisémitisme, cet ancien militant du Betar, mouvement de jeunesse de la droite sioniste, n’oublie pas l’extrême droite française, sa “xénophobie”, et promet une “intransigeance totale” à son égard.
“Je ne céderai ni aux sirènes ni aux yeux doux que peut faire le Front national à la communauté juive de France”, prévient-il.
Cet inconnu du grand public va-t-il réussir à s’imposer à la tête du Crif, dont il affirme qu’il ne mène pas un “combat communautariste” ? “Il est assez consensuel, connaît l’institution, il ne débarque pas”, estime un bon connaisseur de cet homme membre depuis plus de vingt ans du bureau exécutif du Crif, dont il a été longtemps le trésorier et était un des vice-présidents depuis cinq ans. “Je connais les gens et les rouages”, confirme dans un sourire confiant l’intéressé, qui se dit “préparé” à sa fonction. “Je sais les problèmes que nous avons à affronter”, dit-il.
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