Comédie dramatique de Annie Zadek, mise en scène de Hubert Colas, avec Bénédicte Le Lamer et Thierry Raynaud.
Un homme et une femme, deux officiants indéterminés, anonymes et immobiles, simplement des voix, dispensent une batterie de questions, au demeurant sans réponse, lancées à la cantonade et déclinées en trois mouvements.
En premier lieu des questions factuelles et standardisées qui évoque un interrogatoire de police de l’émigration destiné à cerner les motivations profondes des exilés.
Ensuite, lourdement appuyé par la scénographie conçue par Hubert Colas qui signe également la mise en scène, un cube de verre qui s’emplit de fumée symbolisant les chambres à gaz, le champ d’investigation se rétrécit avec questions concernent très précisément et uniquement l’émigration juive des années 1930 avant de s’élargir à l’infini par une approche mémorielle de la Shoah dans la conscience et la présence au monde contemporain.
” Nécessaire et Urgent “ ne constitue pas un opus théâtral par destination mais un texte mémoriel généré par l’histoire familiale par lequel l’écrivaine Annie Zadek, fille de Juifs communistes qui volontairement, hors impératifs économiques, politiques ou religieux, ont quitté leur Pologne natale en 1937 pour commencer une autre vie en France, n’ont ensuite jamais évoqué ni leur vie polonaise ni les raisons de leur exil, se livre, en une forme atypique à un travail d’archéologie familiale.
Inscrite dans l’engouement contemporain pour la généalogie, le souci de la trace et la volonté de s’inscrire dans une lignée identitaire, sa démarche qui cerne des non-dits et des secrets de famille à jamais tus qu’elle ressent comme douloureux, se déplace de l’intime au général, voire l’universel, selon un processus empruntant à la phénoménologie pour la perpétuation dans la mémoire collective et l’inscription dans l’historicité individuelle, en l’occurrence de la Shoah, des événements historiques tendus comme fondateurs du présent.
Bénédicte Le Lamer et Thierry Raynaud réussissent techniquement le difficile exercice imposé par le texte mais sans toutefois parvenir, en raison de la durée du spectacle d’une heure vingt, qui ne pâtirait pas à être resserré, à éviter les défaillances d’attention résultant du procédé répétitif même si leur prestation comporte parfois des pics émotionnels retenus et néanmoins sensibles.
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