Le voilà élu. Fils d’immigrés pakistanais, le candidat favori du Parti Travailliste est devenu le tout premier maire de confession musulmane de Londres, la plus grande ville occidentale devant New York, battant Zach Goldsmith, son adversaire conservateur, et succédant au charismatique Boris Johnson.
Depuis deux jours, tous les media titraient sur lui : Sadiq Khan, donné favori à 60% contre 40% pour son adversaire du parti Conservateur Zach Goldsmith. Le choix devait en effet se faire entre deux candidats aux profils totalement opposés : un musulman, travailliste et issu d’un milieu modeste, et l’autre d’ascendance juive, conservateur et héritier d’une famille de milliardaires.
Le voilà élu : ainsi en ont décidé les quelque 5,6 millions d’électeurs londoniens, Sadiq Khan dirigera donc la capitale britannique pour les quatre prochaines années.
Dans le seul climat actuel de défiance à l’égard des musulmans en Europe, cette victoire aurait fait parler, mais elle frappe encore plus après la proposition d’une députée britannique de relocaliser Israël aux USA et la mention par l’ancien maire de Londres, Ken Livingstone, d’une collaboration entre sionistes et nazis : Sadiq Khan dut d’ailleurs prendre ses distances avec ces propos antisémites qui conduisirent à une crise dans les rangs du Labour et à l’expulsion d’une cinquantaine de ses membres.
Il y avait, rappelait Renaud Camus sur son blog, quelque chose de stupéfiant dans la propagande éhontée à laquelle se livra France 2 en faveur du candidat musulman, lui consacrant deux fois en une semaine un sujet de trois ou quatre minutes, avec d’ailleurs plusieurs séquences déjà montrées, comme si la chaîne manquait de matériel pour une tâche aussi urgente et capitale : garantir à l’islam la plus grande ville d’Europe. Parce qu’il s’agissait d’un pays étranger, la chaîne s’est estimée dispensée de toute règle déontologique et de tout souci de neutralité : la partialité en faveur de l’archétype méritant de l’intégration réussie était éclatante et parfaitement assumée.
Alain Finkielkraut, interviewé sur France 5, ne s’y est pas trompé en évoquant la petite musique de notre France guindée, cette petite musique qui joue de l’inversion, faisant du candidat, musulman et d’origine modeste de surcroît « celui qui est issu de la bonne origine », le candidat adverse cumulant tous les défauts : juif, fils de, d’origine bourgeoise, ayant étudié dans une grande école, bref tous ces handicaps cumulés le condamnant d’emblée, et Claire Digiacomi, dans Le HuffPost, expliquait pour sa part pourquoi ce résultat des élections municipales à Londres serait analysé bien au-delà du Royaume-Uni, rappelant que si les prérogatives du maire de Londres sont limitées, son poste est décisif. À quelques semaines d’un référendum sur une possible sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne, l’enjeu est de taille, pour le pays comme pour l’Europe tout entière. À l’approche du référendum du 23 juin, la bataille pour la mairie de Londres se joue évidemment sur le « Brexit » et la position de chacun des candidats sur la sortie de l’UE. Le nom du nouveau maire aura une influence indéniable et donnera de premiers éléments d’analyse sur le vote du mois de juin. La journaliste insista sur les positions pro-Union Européenne de Sadiq Khan, son rival conservateur Zac Goldsmith, dont le père militait déjà pour un référendum sur l’appartenance à l’UE en 1994 avec le Referendum Party, s’étant rangé dans le camp des pro-Brexit. Enfin, l’article insiste sur le tour plus national et européen conféré par les questions religieuses et raciales, même si au final la question de sa confession laissa indifférents nombre d’électeurs interrogés par l’AFP jeudi, y compris au sein de la communauté musulmane : Cela ne fera aucune différence, déclarait par exemple Koyruz Zoman, un cuisinier de 57 ans, musulman, Quel que soit le nom de l’élu, ce que nous voulons, c’est qu’il remplisse ses promesses.
Pendant ce temps, Tahar Ben Jelloun se demandait dans Le Point du 6 mai s’il y aurait un jour un Sadiq Khan en France et regrettait : Cette éventualité est très peu probable, non pas parce que les Français ont peur de l’islam, mais parce que jamais les musulmans de ce pays n’arriveraient à se mettre d’accord pour être représentés dans leur diversité par une personne. L’islam sunnite n’a ni hiérarchie ni pape. Le croyant est directement responsable devant Dieu, – à quoi nous avons fort envie de lui répondre que oui, la France a peur de cet Islam-là -, et Dany Cohn-Bendit, sur Europe 1, expliquait que cette élection était un progrès car on voyait qu’un musulman pouvait être un fer de lance contre l’islamophobie : tous les musulmans de Londres, intégristes ou pas, se reconnaissent en lui et aiment Sadiq Khan, cet homme qui va à la mosquée et dont la femme ne porte pas le voile, et se désole que la France décrie autant ce communautarisme capable de faire émerger des personnalités aux identités multiples : Où y a-t-il un Sadiq Khan en France ? La France doit revoir ses classiques et reconsidérer son républicanisme un peu autoritaire. Enfin, il se félicitait, mais oui, que concernant Goldsmith plus personne n’ait argué de sa judéité : On a juste dit qu’il était milliardaire, donc il n’y a pas l’antisémitisme qu’on aurait vu il y a quarante ans.
Nous lui disons Salam alaikhoum et saluons sans ironie mais avec circonspection celui qui répéta qu’il serait le maire de tous les londoniens : L’autre gars, Zach Goldsmith, se dit indépendant, mais vient de passer les trois dernières semaines à se faire photographier avec David Cameron et Boris Johnson le maire sortant, expliquait-il, martelant que lui voulait travailler et avec les Conservateurs de Cameron, et avec les Travaillistes et leur chef Jeremy Corbyn : Je prendrai, promettait-il, ce qui fait l’affaire de Londres et laisserai le reste de côté.
Le parcours du nouveau maire d’une des plus grandes mégalopoles occidentales est atypique : âgé de 45 ans, choisi par le parti travailliste en septembre 2015, Sadiq Khan est député de Tooting, un quartier populaire du sud de Londres où il a grandi en cité HLM, et avocat spécialisé dans les droits de l’Homme. En 2009, il fut déjà le premier musulman à accéder à un poste de ministre dans le gouvernement de Gordon Brown.
Mon père était chauffeur de bus, et ma mère couturière. On vivait dans un HLM du sud de Londres, avec mes parents, mes frères, mes sœurs. La mairie n’était qu’à quelques stations de métro au nord, mais pour un jeune comme moi, elle semblait être à des millions de kilomètres, aimait répéter celui qui voulait se présenter comme un représentant du peuple.
Son concurrent Zacharias Goldsmith, dit Zac, 41 ans, riche, très riche même, beau gosse impeccablement habillé, élève de la prestigieuse école d’Eton s’était montré incapable, pendant la campagne, de répondre à quelques questions simples d’une journaliste sur le nom d’une station de métro, celui des principales équipes de foot ou l’emplacement d’un musée…
Jim Fitzpatrick, un ancien président du parti Travailliste, avait expliqué que le contraste entre l’histoire de la vie de son adversaire et celle de Sadiq [était] très frappant, si vous êtes une personne ordinaire à Londres, ajoutant que la vie de Sadiq, en tant que fils d’un chauffeur de bus, [était] beaucoup plus attrayante pour les Londoniens ordinaires : je pense que cela lui donne une longueur d’avance.
De la même manière, sa candidature fut soutenue par Oona King, collègue au parti Travailliste : Il comprend vraiment les problèmes qui se posent à Londres, que ce soit le logement ou le transport, et il correspond à celui d’une réelle compréhension de l’inégalité.
Quant à l’intéressé, il confia à la BBC : Londres est la seule ville où je voudrais élever mes filles, se décrivant lui-même comme un musulman libéral et dénonçant les extrémistes de manière très ferme. On l’a entendu dire qu’il était féministe et favorable au mariage homosexuel, ce qui lui a valu d’être la cible d’une fatwa. On sait qu’il s’est rendu à la messe et dans les synagogues à la rencontre d’électeurs de différentes confessions : calcul électoral certes, mais rendons-lui que son expérience en tant que secrétaire d’État aux communautés jouera peut-être en sa faveur dans le domaine du dialogue inter communautaire et inter religieux. Par ailleurs, le plan pour la ville de celui qui se veut le maire de tous les Londoniens se concentre sur dix axes prioritaires qui comprennent la modernisation du système des transports, le développement des entreprises et la crise du logement : il a promis de construire des millions de maisons de plus pour les Londoniens chaque année.
Ses détracteurs l’ont accusé et continueront de l’accuser d’être trop près des extrémistes : ces accusations se sont appuyées notamment sur le fait que l’ancien beau-frère de Sadiq Khan, Makbool Javaid, avait participé dans les années 1990 à des rassemblements d’Al-Muhajiroun, une organisation djihadiste interdite en 2005. Ce beau-frère gênant avait aussi été aperçu à deux reprises, en 1997 et en 1998, aux côtés du prédicateur islamiste radical Omar Bakri, qui avait notamment qualifié de magnifiques les kamikazes du 11 septembre 2001. Mais Sadiq Khan explique ne plus avoir de lien depuis plus de dix ans avec Makbool Javaid, divorcé en 2011 de la sœur du candidat travailliste, après que le couple se soit séparé cinq ans plus tôt. De son côté, Makbool Javaid, interrogé par l’Evening Standard en février dernier, a déclaré regretter certaines choses [qu’il aurait] faites et dites quand [il était] plus jeune.
David Cameron fut taxé de raciste après une charge contre le député de Tooting alors que Zach Goldsmith publia dans Mail on Sunday une tribune intitulée Allons-nous vraiment livrer la meilleure ville du monde au parti Travailliste qui considère les terroristes comme des amis, tribune illustrée d’une photo prise lors des attentats perpétrés à Londres par des islamistes en 2007. Même David Cameron évoqua des affinités avec des islamistes, allant jusqu’à affirmer que Khan aurait fréquenté un imam soutenant Daesh. Toutes ces accusations furent reprises par plusieurs des quotidiens anglais qui évoquèrent, sans la moindre preuve, des rencontres supposées du candidat avec Yasser al-Siri, terroriste condamné et associé de l’imam extrémiste Abu Qatada, ainsi qu’avec Sajeel Shahid, militant accusé d’avoir entraîné le leader des attentats de Londres, à quoi Sadiq Khan répéta à de nombreuses reprises avoir déjà rencontré des extrémistes, mais dans le cadre de ses anciennes fonctions d’avocat spécialisé dans la défense des droits de l’Homme : J’ai indiqué très clairement que je considérais leurs points de vue comme abjects. L’extrémisme est un cancer dans la société britannique et il faut l’éradiquer. J’ai esquissé des plans solides pour éradiquer l’extrémisme et faire face à la radicalisation comme maire de Londres.
Cette stratégie de diabolisation, jugée minable et désespérée par le camp Khan, s’est donc retournée contre eux, comme l’avait pressenti Tony Travers, professeur à la London School of Economics : J’ai toujours condamné les organisations hideuses faisant la promotion de l’extrémisme. Khan est clairement un musulman moderne et progressiste. Si ses opposants s’aventurent trop sur ce terrain, ils risquent un retour de bâton. C’est ce qui s’est passé et ces critiques qui touchaient ses convictions religieuses se sont avérées au final contre-productives dans une ville dont 30% de la population est non blanche et tient à sa réputation de tolérance.
Refusant de voir son identité résumée à sa religion, Sadiq Khan a déclaré: Je suis fier d’être musulman, mais ma confession n’est que l’une des composantes de ma personnalité : je suis londonien, je suis britannique (…) j’ai des origines pakistanaises, je suis un père, un mari, un supporteur de longue date de Liverpool, avait-il répliqué, Je suis tout ça.
J’oubliais de vous dire qu’évidemment, avec un tel casting en finale, les réseaux sociaux s’étaient lâché et Israël en prit pour son grade et ne me dites pas que c’était hors-sujet:
Avec plus de 55% d’immigrés à Londres c’est juste l’expression du vote communautariste et de la Libanisation de l’Europe.
Voter pour un muzz ou un Juif, voilà le choix laissé à nos amis Grand-Bretons.
Discrimination positive oblige, les peuples indigènes sont devenus des indésirables chez-eux, à peine tolérés, n’ayant pas le droit à la parole.
Au secours !
Super, il y a au moins du nouveau et c’est toujours en Angleterre qu’on innove dans tous les domaines … Même en politique ! Bravo et espérons que certains pays occidentaux soient moins coincés (par la cupidité et par Israël) pour se réveiller et rétablir l’équilibre du moins social … Vive le peuple !
Ce ne sont pas les muzzs et les sionistes que j’accuse, mais le simple goy Anglais qui n’aime que les étrangers mais, hélas plus du tout son propre peuple.
L’alliance objective des peuples sémites pour détruire les peuples Européens et le Christianisme !
Encore de la propagande, il est vrai qu’un sioniste battu par un anglais, peu importe sa nationalité, il est anglais et non musulman qui est une religion. Ils ne supportent pas ! Ils veulent tout contrôler. Cet amalgame pour détruire une candidature est minable. Cameron ferait mieux de se taire, car il a du sang Libyen et Syrien. On sait aujourd’hui qu’il est complice avec la France de la destruction de ces 2 pays, avec certains traîtres du Moyen Orient (Qatar, A.S., Turquie Israël).
Un musulman issu du peuple contre un juif issu de l’oligarchie … Un scenario qui horrifie le CRIF en France. D’où la propagande menée ces dernières années afin de monter les catholiques et les athées contre les musulmans.
D’accord avec vous ! Sauf, musulman est une religion, lui, il est anglais avec des origines pakistanaises. Insupportable pour le sionisme en perte de vitesse.
Ce scénario qui paraît impossible dans une autre capitale européenne s’explique par plusieurs facteurs. Londres est la ville la plus cosmopolite du Royaume-Uni avec près de 40% des habitants d’origine étrangère et près d’un habitant sur huit musulman, selon le recensement de 2011. Par ailleurs, le modèle communautarisme propre à la Grande-Bretagne n’est pas autant décrié qu’en France où le débat sur une éventuelle arrivée au pouvoir d’un leader musulman s’était ouvert de manière anxiogène et très polémique à la sortie du Soumission de Houellebecq. Certes chez nous, les modèles de réussite politique issus de l’immigration sont légion mais l’intégration reste toujours synonyme d’assimilation et la culture d’origine comme sa composante religieuse est impérativement laissée en retrait : Azouz Begag, Rachida Dati, Najat Vallaud-Belkacem et Myriam El Khomri en attestent, n’ayant jamais évoqué publiquement l’appartenance à une religion, alors que Sadiq Khan a commencé la plupart de ses discours de campagne par un franc Salam alaikhoum.
Rappelons qu’à ce jour, le seul maire musulman à diriger une grande ville européenne est Ahmed Aboutaleb, Maire de Rotterdam, au Pays-Bas, depuis 2009.
Ce soir, le successeur de Boris Johnson est l’homme politique musulman le plus influent d’Europe et nous, nous attendons de voir à l’œuvre celui dont le profil plaît à la fois aux habitants des quartiers défavorisés, dont il est originaire, qu’à la City, qui apprécie son positionnement pro-européen et pro-business, lui qui a affirmé vouloir être le maire de tous les Londoniens, de toutes confessions, pour les millionnaires, les milliardaires, les chauffeurs de bus et les internes en médecine.
Salam Alaikhoum. Voilà un mois de mai électoralement très indicatif des temps qui viennent.
Sarah Cattan
Sources : Le Huffington Post, Le Monde.fr, Le figaro.fr, Europe1, France2, France 5, BFM TV, Le Point.fr, Evening Standard, Mail on Sunday, Renaud-Camus.net
1. Y a-t-il déjà eu Maire…juif en France.
2. Sadiq Khan a célébré la journée de la Shoah à Londres avec…le Grand Rabbin de France.
Mais cela vous ne le dite pas. Mieux vaut se taire dans la communauté juive. C’est trop brûlant!
Où est le bon journalisme juif à l’israélienne.? J’attends votre réponse.
Tribune juive n’évite aucun sujet .Le maire de Londres avec le Grand rabbin de Londres (pas de France jusqu’à nouvel ordre) c’était hier et on en a parlé.Il faut juste suivre…..
Il est
Oui nous sommes au courant que pour reconnaitre et célébrer le peuple juif mort en Europe ça se bouscule au portillon.
Quant à le reconnaitre vivant en Israël c’est une autre histoire…
Il y a des échanges entre Londres et …Jérusalem. Il va sans dire que Sadiq Khan s’y rendra un jour ou l’autre. C’est un Maire comme un autre.
» si paris vaut bien une messe »..alors « Canary Wharf vaut bien une mosquée ».. d’ailleurs le nouveau maire avait clairement dit au cours de sa campagne » avec moi, londres sera protégée du terrorisme » C’est l’histoire des bourgeois de calais revisitée
Et la commémoration de la Shoah. Et les Juifs londoniens?
On attend la suite avec impatience.
Il est écrit qu’il s’est distancé des propos antisémites de nombre travaillistes. Il est écrit dans ce papier ce que nous savions de lui au jour J. Et la façon très particulière dont les media ont traité cette campagne.
Le surlendemain, il est allé célébrer la journée de la Shoah avec le grand rabbin de France. Croyez-vous un seul instant que quelqu’un ici ou ailleurs aille le regretter?
Cependant je regrette encore le Salam Alaykoum dans le cadre d’un discours, comme un Shalom de Fabius me heurterait. Sauf si Fabius parle en Israel ou Khan en Arabie Saoudite. Mais un anthropologue ami m’a dit qu’il ne fallait voir dans « tout ça » qu’une question de « codes »… J’avoue alors être sensible aux codes.
Le Kod ?