Dans l’Etat hébreu, le Jour de l’Holocauste -Yom HaShoah- débutera ce mercredi 4 mai 2016 à la tombée de la nuit. Mais cette année sera surtout marquée par l’organisation de cérémonies alternatives, en marge de la commémoration phare qui se déroule au Mémorial de Yad Vashem à Jérusalem.
De plus en plus d’initiatives fleurissent en effet, afin de rendre ces commémorations plus intimes et leur donner plus de sens. Tel est par exemple l’objectif de l’association Zikaron Basalon (la mémoire au salon), qui encourage les jeunes à organiser le Jour de l’Holocauste des rencontres plus adaptées à leurs communautés. Créé en 2011 par Nadav Embon, le projet vise notamment à mettre sur pied des face-à-face avec des rescapés dans un environnement moins formel, notamment dans l’enceinte de maisons privées. Des milliers de rencontres ont vu le jour dans le cadre de cette initiative, en Israël comme à l’étranger.
Plus ambitieux encore, le programme pilote initié l’an passé par l’Institut de recherche de Jérusalem, Van Leer, afin de marquer le Jour de la Shoah de façon « plus inclusive ». Fruit de trois années d’échanges pluridisciplinaires, ce format baptisé « Mémoire transmise et Fiction » a été mis en place par l’auteure israélienne Michal Govrin. Il a été relayé par un groupe d’experts comprenant des historiens, artistes, scientifiques, dignitaires religieux, sans oublier des représentants des communautés ultra-orthodoxes et sépharades. Son but : proposer une cérémonie commémorative de l’Holocauste parlant « à tout le monde ». Sachant que les modalités de la transmission de la mémoire de la Shoah seront forcément appelées à évoluer, une fois la disparition des derniers rescapés du génocide commis par les nazis.
Pour l’heure, Israël compte moins de 190.000 survivants de la Shoah, un chiffre qui devrait passer à 70.000 témoins directs à l’horizon 2025, selon la Fondation pour le bénéfice des victimes de l’Holocauste. Selon un sondage conduit l’an passé par le Centre des organisations en charge des survivants de l’Holocauste et l’Institut de Géo cartographie, 80% du public israélien redoute que d’ici à quelques années, le souvenir de Shoah soit associé à un « vague évènement historique », un évènement parmi d’autres dans l’histoire des souffrances du peuple juif.
A en croire le président de Yad Vashem, Avner Shalev, le Mémorial s’efforce aussi de mettre en œuvre de nouvelles façons de commémorer la Shoah, « un devoir de mémoire vital non seulement pour le peuple juif, mais pour le reste du monde ». Mais de nombreuses voix s’élèvent contre la façon dont l’Etat hébreu honore ce devoir de mémoire. Les critiques ne portant pas seulement sur les voyages dans les camps de concentration proposés en classe de Première et de terminale dans la plupart des lycées israéliens. Ou sur la participation chaque année à la « Marche des vivants » dans l’enceinte du camp d’extermination d’Auschwitz.
Fin avril, Anat Livne, qui dirige la Maison des combattants des ghettos du kibboutz Lohamei Ha Getaot (dans la partie ouest de la Galilée), est montée au créneau pour dénoncer le caractère « trop massif et triomphant » des cérémonies officielles du Yom Ha Shoah, et « le manque de messages humanistes », qui devraient faire partie de cette commémoration.
Et les Juifs d’Orient ?
Pour les initiateurs des cérémonies alternatives placées sous l’égide l’Institut Van Leer, il demeure aussi essentiel de replacer la Shoah dans un contexte contemporain, sans pour autant gommer son caractère spécifiquement juif. Les groupes d’experts ont, par exemple, introduit des discussions autour de textes de Stefan Zweig ou de scènes de séries TV. A l’image de « Zaguri Empire », un sitcom israélien, mettant en vedette d’une famille d’origine marocaine.
Lors d’un épisode, le père -Beber- refuse de se tenir droit et silencieux, lorsque retentit la sirène marquant le Jour de la Shoah sur le sol israélien. Et ce, tant que l’Etat hébreu ne reconnaîtra pas ses torts vis-à-vis « des résidents de camp d’absorption ». Le personnage évoque le sort des immigrants juifs issus des pays d’Afrique du Nord qui ont trouvé refuge en Israël dans les années 1950, et « dont la vie a été ruinée par les Juifs ashkénazes, qui ont reporté sur nous leur sentiment de colère lié aux exactions nazies ».
Reste que ce débat sur la portée universelle de l’Holocauste, comme sur sa répercussion chez les Juifs d’Orient, ne date pas d’hier. En 1995, l’intellectuel Sami Shalom Chetrit, alors directeur d’un lycée de Tel-Aviv, avait ajouté une septième bougie pour commémorer les 6 millions de Juifs assassinés, afin de représenter le million de victimes de « tous les génocides ». Geste qui avait provoqué un vaste mouvement de réprobation publique. Tandis que le kibboutz Beit Hashita, imité par d’autres villages collectifs, avait dédié en 1997 son Jour de la Shoah aux Juifs d’Afrique du Nord. Histoire d’intégrer une perspective narrative orientale à la commémoration.
Source : http://www.cclj.be/actu/israel/commemoration-shoah-cherche-modele-plus-inclusif
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