Oded Guez est un “refuznik” du divorce : ce juif pratiquant a préféré disparaître que d’accepter la séparation demandée par son épouse qu’il battait.
Un tel appel des juges du tribunal rabbinique est rarissime. Dans leur communiqué, diffusé avant la Pâque juive, ils demandent au public de les aider à localiser Oded Guez. En plus de la photo de l’intéressé, un numéro de téléphone est mis à disposition pour toute personne ayant des informations permettant de le retrouver. Mais pourquoi cet avis de recherche peu banal ? Eh bien Oded Guez, docteur en physique de son état, est un « refuznik » du divorce. Il ne veut pas accorder à son épouse – réfugiée avec ses deux enfants dans un abri pour femmes battues – le « Gett », l’acte de divorce selon la Halacha, la loi juive. Jusqu’ici, rien n’y a fait. Même pas les sanctions dont il est l’objet depuis de longs mois de la part du Rabbinat, à commencer par l’ostracisme. Une véritable mise au ban sociale, professionnelle et religieuse. Personne ne doit lui parler. Aucune synagogue n’a le droit de le recevoir, car il lui est interdit de lire la Torah et de célébrer une cérémonie religieuse ; quant aux deux universités qui l’employaient, elles ont été priées de le licencier, ce qui fut chose faite assez rapidement. Fait rare, le Rabbinat a, de surcroît, autorisé le « Shaming ». Autrement dit la publication sur les réseaux sociaux de son nom et de sa photo.
Un statut peu enviable
Préférant disparaître plutôt que céder, ce juif pratiquant, inscrit aussi au département d’études de la Torah à l’université religieuse de Bar-Ilan, près de Tel-Aviv, ne s’est pas présenté à la dernière audience fixée par le Beth-Din (tribunal rabbinique) pour le réexamen du dossier de divorce. Une absence qui a provoqué l’ire de la cour. D’où l’appel au public, justifié, disent les autorités rabbiniques, par une préoccupation majeure à l’égard de l’épouse, qui pourrait devenir, compte tenu de la disparition de son conjoint, une femme « Agouna », littéralement en français « une femme entravée », « enchaînée aux liens du mariage » . Il lui serait alors interdit, selon la loi juive, de se remarier ou d’avoir des enfants, car ceux-ci seraient considérés comme des « Mamzers », vulgairement des « bâtards », un statut peu enviable au regard du judaïsme. Ces enfants illégitimes sont en effet considérés comme non-juifs. Ils ne peuvent se marier qu’entre eux, et cela de génération en génération.
Divorce au masculin
Dans le judaïsme, le divorce n’est accordé que par l’homme, devant trois juges rabbiniques qui sont là non pas pour prononcer le divorce, mais pour valider l’accord du conjoint. Le tout, lors d’une cérémonie extrêmement codifiée à l’issue de laquelle le mari va faire tomber dans les mains de son épouse un parchemin écrit en araméen, le Gett, qui représente l’acte de divorce et libère l’épouse devenue alors « permise à tout homme ». Cette disposition halachique – seul l’homme peut accorder le divorce – est depuis des siècles la porte ouverte aux pressions de toutes sortes sur les femmes qui veulent divorcer de la part des maris récalcitrants. En Israël, en l’absence de séparation entre l’État et la religion, le problème prend encore plus d’acuité. Même des femmes non pratiquantes se retrouvent dans des situations inextricables qui peuvent durer des années, l’état civil étant, en Israël sous le contrôle des religieux.
En 2016, le drame vécu par l’épouse d’Oded Guez est loin d’être unique. Selon les statistiques du Grand Rabbinat, on recense aujourd’hui 170 femmes « Agounot ». Mais, selon les associations d’aide à ces femmes, elles seraient plus nombreuses. Batya Kahana-Dror, la directrice de « Mavoï Satoum », avance le nombre d’environ 200. Tout aussi préoccupant et beaucoup plus important en termes de chiffre : ces 10 000 conjointes qui veulent divorcer, dont les maris n’ont pas disparu mais refusent d’accorder le Gett et font donc traîner en longueur la procédure. Appelées, « Mesouravot Gett », les refusées du Gett, ces femmes font l’objet de mesures d’intimidations qui peuvent aller jusqu’à l’extorsion de fonds pure et simple. On se souvient de l’affaire qui, en France, avait défrayé la chronique en 2014.
Un mini-acte de désobéissance civile
Récemment, à la suite d’un cas particulièrement difficile qui dure depuis 15 ans, avec chantage exercé par le mari, le grand rabbin ashkénaze Daviv Lau est intervenu en répétant à plusieurs reprises, en public, qu’il fallait s’occuper séparément des problèmes financiers liés au divorce – partage des biens, pensions alimentaires, etc. – et de l’acte de divorce lui-même. Un précédent qui, pour les tribunaux rabbiniques, devrait faire jurisprudence. En parallèle, une organisation de rabbins orthodoxes, Tzohar, dont l’objectif est de rationaliser et améliorer les services rabbiniques, a lancé une initiative quasi « révolutionnaire » dans ce domaine : faire signer un contrat prénuptial comprenant un article stipulant qu’en cas de divorce difficile, le couple a 180 jours pour tenter de résoudre ses différends devant les autorités rabbiniques. En cas d’absence de solution, le conjoint qui refuse le divorce devra payer une lourde aide financière à son époux/épouse : 6 000 shekels (1 500 euros) mensuels ou l’équivalent du salaire le plus élevé dans le couple. En gestation pendant 6 ans et 16 versions plus tard, le premier contrat de ce genre a été rédigé début mars dernier. Pour Susan Weiss, la fondatrice et directrice du Centre « Justice pour les femmes », cette initiative de Tzohar est tout à fait étonnante. « Une sorte de mini-acte de désobéissance civile ! » « Bien que ce contrat ne soit pas idéal, ajoute-t-elle, si une cliente vient me consulter à ce sujet, je lui dirai qu’entre cela et rien, mieux vaut qu’elle le signe ! »
Le tabou de l’inégalité des femmes devant le divorce
Universitaire et combattante féministe, Ruth Halperin-Kaddari estime pourtant qu’il n’y a pas de quoi pavoiser ! En mars 2014, lors d’un sommet sur la question de la femme « Agouna », elle affirmait son désaccord « avec ceux qui parlent d’une solution en vue… Les rabbins qui siègent dans les tribunaux religieux n’utilisent pas le pouvoir qui est le leur ou les outils dont ils disposent… » « Ils ne le font que dans 2 % des cas », avait-elle précisé.
Récemment décédée des suites d’un cancer à l’âge de 51 ans, Ronit Elkabetz avait réalisé, avec son frère Schlomi, un film qui traitait du drame des femmes dont le mari refuse de leur accorder le divorce. Gett, le procès de Viviane Amsallem. Plus de deux heures d’un huis clos entre la Cour et la salle d’attente. En première ligne, face aux trois juges-rabbins, Viviane (interprétée par Ronit Elkabetz) et son mari Elisha, lequel refuse obstinément de lui donner le Gett. Défilent également, dans un tempo de rebondissements où le comique le dispute parfois à la cruauté tragique, les avocats des deux parties, les témoins pour ou contre… Et le temps qui passe, les mois, les années et l’affaire qui n’est toujours pas résolue. Un film qui en Israël a fait l’effet d’une bombe. Pour la première fois, au cinéma, le tabou de l’inégalité des femmes dans le divorce était levé et disséqué. Cela reste un film à voir et revoir pour toucher des yeux et du cœur le drame vécu par des milliers de femmes juives, aujourd’hui encore en 2016. Sans compter qu’il nous donne l’occasion de mesurer à nouveau le talent de l’inoubliable Ronit Elkabetz.
Que dire de cette situation ……..la tradition ,la loi juive se doit d’évoluer ,l’épouse n’ai pas un simple” ventre “,mais un être humain qui a droit à une considération identique à l’homme.
J’ai entendu que chez un juif ashkénaze si la femme ne veut pas recevoir le get il peut dépasser cette étape s’il reçoit l’accord de 100 rabbins
Es vrai ?????