“La campagne BDS ne dissimule même plus son boycott général de l’Etat, commercial, universitaire, scientifique et culturel”.
La cause palestinienne est devenue depuis bien des années le prête-nom et l’exutoire de passions douteuses en quête de respectabilité.
La campagne pour le boycott d’Israël, appelée BDS – boycott, désinvestissement, sanctions –, incarne le dernier avatar de cette prétendue solidarité avec un peuple dont, par ailleurs, les faux amis n’ont jamais défendu les vrais héros : ces Palestiniens patriotes et démocrates, cibles de l’intégrisme, désormais condamnés au silence, comme le philosophe Sari Nusseibeh.
Il est même probable que ce nom, ou celui de son ami disparu, l’immense poète Mahmoud Darwich, qui voyait grandir comme un cauchemar la terreur du Hamas, n’évoquent à peu près rien pour les foules disparates régulièrement occupées à conspuer Israël, traité comme le premier, voire le seul prédateur de la planète. L’ancien président Shimon Peres, Nobel de la paix 1994, le rappelait douloureusement il y a quelque temps : « La focalisation sur Israël, alors qu’il y a tant de zones de conflits ultraviolents dans le monde, est un révélateur des intentions des promoteurs du boycott. Ses animateurs ne sont ni neutres, ni objectifs et ils ne connaissent pas les faits. »
Une jeune journaliste israélienne, Adi Cohen, a voulu en avoir le cœur net.
Elle a assisté aux manifestations qui ont étayé la Semaine de l’apartheid organisée en février dernier à Londres. Soit dit en passant, le terme d’« apartheid », utilisé de façon récurrente contre Israël, assimilé à l’Afrique du Sud d’hier, est contesté par les plus légitimes et les plus critiques de ses citoyens arabes.
Par exemple, le député Ayman Odeh, chef de la Liste arabe unie qui constitue une force d’opposition importante à Netanyahou (lire l’interview, p. 44). Mais revenons à Adi Cohen et à sa traversée londonienne du BDS.
Elle y a vu « des centaines de militants, furieux, appeler à une Palestine libre de la rivière à la mer ». Du Jourdain à la Méditerranée : soit une Palestine non pas aux côtés d’Israël, mais à sa place.
Avec à l’appui des cartes géographiques intégrales imprimées sur les teeshirts.
Elle y a entendu des orateurs évoquer « des prélèvements d’organes » sur les corps des Palestiniens retenus par Israël. On sait que ces rumeurs alimentent l’énorme déversoir de haine sur le Net, Israël concentrant sur son seul nom des millions d’interventions hystériques.
Ces horreurs étaient, à Londres, accueillies sans broncher : sur l’Etat hébreu, il est désormais possible de tout dire, de tout écrire, de tout vomir à l’ombre du pseudo-humanisme BDS.
Mais, au fait, comment traiter les Israéliens qui souhaitent une ouverture vers les négociations, font partie de l’opposition au gouvernement, espèrent une alternative politique à l’extrémisme adoubé par Benyamin Netanyahou ? La réponse est venue du King’s College.
Ami Ayalon, ancien chef du Shin Bet, très engagé dans l’initiative de Genève (2003) et inlassable supporteur de la solution à deux Etats, s’est fait expulser de l’université par des excités ultraviolents du BDS avec lesquels il ne demandait qu’à dialoguer.
Selon la cruelle logique comportementale de l’humanité, les routes de la haine sont aussi vastes qu’est étroite la porte de la sagesse.
En conséquence, la campagne du boycott croît et multiplie.
Elle prétend sanctionner uniquement les produits des colonies de Cisjordanie : en réalité, elle ne dissimule même plus son boycott général de l’Etat, des relations commerciales, universitaires, scientifiques et culturelles avec ce pays paria. Pour cette raison, la campagne BDS est interdite en France, où elle jetait de l’huile sur le feu des violences antisémites.
Il faut s’interroger pourtant sur son succès auprès des opinions publiques occidentales, sur sa capacité d’influencer les organisations internationales. Le boycott d’Israël est le lieu où se hurlent les non-dits.
Par Martine Gozlan, Rédactrice en Chef à Marianne, publié dans la rubrique Débats de Marianne le 29 avril 2016
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