L’hebdomadaire antisémite Rivarol organise samedi 9 avril un banquet pour ses 65 ans d’existence avec pour invité d’honneur Jean-Marie Le Pen, fraîchement condamné pour ses propos réitérés sur les chambres à gaz. Le journal d’extrême droite, qui multiplie lui-même les provocations, croule littéralement sous les procès.
Jérôme Bourbon en fait une marque de fabrique. Dans une récente vidéo postée sur YouTube pour annoncer le”grand banquet” d’anniversaire de l’hebdomadaire antisémite Rivarol – 65 ans cette semaine –, le directeur de la publication d’extrême droite se targue de détenir “le record de saisies, de procès et de condamnations depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale”. Soit, selon lui, “plus de 80 procédures” étalées dans le temps.
Le Pen, révisionnistes et nationalistes au banquet
Pour fêter l’événement, tout le gratin d’extrême droite – le “mouvement national”, selon son propre lexique – sera présent samedi autour du banquet, soit “550 couverts” à 40 euros par tête. Alors qu’au dîner du Crif, c’est “700 couverts à 900 euros”, persifle le patron de Rivarol. S’y retrouveront auteurs révisionnistes, adorateurs du maréchal Pétain ou jeunes nationalistes, avec pour “invité d’honneur” Jean-Marie Le Pen, l’ancien président du FN, tout juste condamné lourdement pour ses propos réitérés, il y a un an, sur les chambres à gaz, “détail de l’histoire”, qui lui ont valu son exclusion du Front national.
Les procédures, justement : bien qu’il en fasse son étendard, l’hebdo – qui revendique toujours 2500 abonnements et 3000 ventes en kiosque – commence à crouler dessous. Jérôme Bourbon le reconnaissait d’ailleurs en février chez Rue 89 : “Deux procès en moins d’un an, c’est beaucoup… A Rivarol, on en a environ un par an. Je n’ai pas les épaules assez solides pour avoir des procès toutes les semaines”.
“Déchaînement antisémite” sur Twitter
Il faut dire que, depuis son inscription sur Twitter, au printemps 2015, le patron du journal révisionniste s’en est donné à cœur joie. Juin 2015 : “Triste époque : les gens ne croient pas en Dieu ni en l’Enfer mais ils croient aux chambres à gaz sans les avoir vues”. Décembre 2015 : “Quelle chance ont eu les générations qui ont vécu sous Pie XII, sous Pétain, sous Franco et sous Hitler ! Nous n’avons, nous, que des minus”. Mars 2015 : “Les juifs ne sont responsables ni de la mort du Christ ni du massacre des Palestiniens. Ils sont innocents. C’est la jurisprudence Dreyfus.” Et ainsi de suite. Sauf que, depuis une énième salve du même acabit publiée en février, les choses se gâtent.
Le Parti socialiste, condamnant le “déchaînement antisémite” du patron de Rivarol, a signalé son compte à Twitter. Si la société n’a toujours pas fermé ce compte à ce jour, cet avertissement s’est doublé d’un signalement de Gilles Clavreul, délégué interministériel à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme, qui va se terminer en correctionnelle en septembre prochain. Marque de prudence face à l’avalanche de procédures ? Depuis le 13 mars, Jérôme Bourbon a interrompu brutalement ses publications compulsives sur le réseau social.
Côté Rivarol, les jugements s’accumulent ces derniers mois. En novembre 2015, le directeur de la publication a été condamné en appel à 4000 euros d’amende pour un titre en Une sur “l’insupportable police juive de la pensée” début 2014. Soit deux fois le montant fixé en première instance, indique la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra), sollicitée par metronews. Il a également été condamné au même moment pour son titre sur “Cannes, festival de l’impureté” publié en mai 2013. En février 2016, le négationniste Vincent Reynouard, l’une des “plumes” du journal, a été condamné en appel à deux mois de prison pour “complicité de contestation de crime contre l’Humanité”, après un article publié en mai 2011 lors de l’affaire DSK.
Un public vieillissant mais fidèle
Jérôme Bourbon se targue de faire de ces condamnations – sept à son actif pour diffamation, contestation de crime contre l’Humanité, provocation à la haine raciale, injures – des “décorations”. Malgré les procédures, rien ne semble pouvoir freiner l’ardeur antisémite du journal, qui dans son dernier édito accuse Marion et Marine Le Pen de vouloir “faire dans la pleurniche au mémorial de la Shoah”.
“C’est un hebdomadaire qui publie sans interruption depuis 1951”, explique à metronews le politologue et spécialiste de l’extrême droite Jean-Yves Camus. “Entre-temps, on a vu de nombreux titres de presse sortir et rendre l’âme rapidement.” Pour expliquer la longévité du titre, le chercheur rappelle qu’il s’agit d’un “journal de niche, qui touche encore quelques milliers de personnes”. Un public vieillissant, constitué de gens “qui ont conservé un lien avec des épisodes historiques” dont l’épuration de 1944 et la guerre d’Algérie. Mais un public singulièrement fidèle, au point de donner au journal l’assise qui lui permettra peut-être de faire face à ses prochains procès pour incitation à la haine.
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