NKM : « Ils ont refusé de me serrer la main puisque j’étais une femme »

Tout juste élue maire de Longjumeau en 2008, j’avais été confrontée au radicalisme islamique. Longjumeau est une ville d’un peu plus de vingt mille habitants, agréable et bien desservie, dotée d’un tiers environ de logements sociaux, principalement dans un quartier construit dans les années soixante, pour accueillir les rapatriés d’Algérie. Comme d’autres quartiers de ce type, il a connu des fortunes diverses jusqu’à une réhabilitation récente qui aide bien, même si elle ne résout pas tout. Longjumeau compte une population de culture musulmane importante, et une salle de prière, qui a été un temps qualifiée de salafiste.

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Après mon élection, le premier contact avec les responsables de la communauté a été rugueux. C’est-à- dire, pour être précise, qu’il n’y a pas eu de contact : ils venaient me parler des conditions d’exercice du culte, ce qui était légitime, et ont refusé de me serrer la main puisque j’étais une femme, ce qui m’a amenée à les reconduire à la porte de mon bureau.

Les choses se sont un peu aplanies, avec le temps, ne serait-ce que parce qu’ils sont convenus qu’à partir du moment où il s’agissait de me parler, il faudrait bien me saluer ! Mais j’ai trouvé durant toute cette période que le soutien à un élu local confronté à ces problèmes était insuffisant, pour ne pas dire inexistant. Qu’est-ce qui détermine qu’un lieu est dans une dérive radicale ? Quels sont les indices ? Comment le contrer ? Ce sont des questions franchement complexes, vis-à-vis d’un culte qui n’est pas le sien.

« La laïcité ne doit pas nous empêcher de regarder en face une religion qui est aujourd’hui la deuxième du pays »

La laïcité ne doit pas nous empêcher de regarder en face une religion qui est aujourd’hui la deuxième du pays. La neutralité ne peut pas être l’indifférence, il faut que nous sachions dire ce que nous ne voulons pas, mais donc, aussi, ce que nous acceptons. D’autant qu’il n’y a pas que les élus qui soient seuls devant le phénomène. Il faudrait parler aussi du grand désarroi des parents, qui ne sont pas tous complices, bien au contraire. J’ai reçu un jour la visite d’une agent de la ville plongée dans le plus grand trouble : elle avait fait un mariage mixte qui avait mal tourné, le couple avait divergé, et le père entraînait les garçons dans une dérive inquiétante. Les aînés lui avaient déjà échappé : choix d’option d’étude surprenant et propice à camoufler des séjours à l’étranger, longues disparitions, respect de façade et défaut de communication total avec la mère, dont tous les choix de vie étaient critiqués. Mais les plus jeunes fils n’en étaient pas là, et elle voulait se battre pour eux. Seulement voilà, sous l’influence des aînés, ils passaient leurs soirées à visionner des vidéos de décapitation sur fond de psalmodie sur internet.

C’est cette discussion plusieurs fois renouvelée qui a inspiré l’amendement que j’ai alors déposé, pour pénaliser, sur le modèle de ce que nous avions voté quelques années plus tôt pour la pédophilie, la consultation de sites appelant au djihadisme. L’amendement avait alors été repoussé, avec des arguments franchement fallacieux, par Manuel Valls, puis par Bernard Cazeneuve, avant d’être repris, au sein de ma famille politique puis par le gouvernement, sous des formes différentes. Chacun en politique aime mettre sa marque personnelle sur les choses et c’est parfois un peu ridicule. Qu’importe. Aucune disposition ne saurait résoudre à elle seule le problème, mais chacune est un outil supplémentaire pour lutter contre ce cancer.

Et je devais cela au désarroi de cette femme, qui se tournait vers les autorités, réclamait de l’aide, était prête à dénoncer ses propres enfants pour les protéger, ce qui est un dilemme affreux, et ne trouvait pas d’écho à cette angoisse profonde. Depuis, notre dispositif a beaucoup progressé. Des structures, des numéros d’appel, des associations se sont créés, qui apportent quelques réponses à ce genre de situation grâce aux bénévoles qui les animent. »

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