Si Noël, fête marchande universelle mais au fond comme l’est l’innocence des enfants que l’on célèbre cette nuit-là (que l’on soit à Sydney ou à Nijni Novgorod) reste singulier, la fête a pris chez les chrétiens un sacré coup de pluriel. Cela tient à une confusion de sens qui prétend distinguer ce qui est d e l’ordre du « sacré » et ce qui tient du « profane » ou du mercantile, ou du folklorique ou du « populaire » selon qu’on est une boutique de jouets ou qu’on est un simple client, En tout cas, pour la Nativité, foi en Dieu incarné ou pas, chacun peut aisément s’identifier à sa propre enfance, en ses propres enfants. C’est une « foi » et un amour universels. La célébration de l’Innocence comme baume sur la plaie du « Massacre des innocents » aussi.
Pour » les Pâques « , cela vient « des » œufs, symboles de vie et de renouveau que les enfants s’évertuent à écraser dans le gazon en les cherchant. D’ailleurs « omelette » reste singulier. Tout comme le fait de la faire par inadvertance.
Pâques qui est littéralement issu de l’hébreu Pessah a la même base spirituelle que la Pessah juive. Elle parle aussi d’un passage, d’un franchissement et d’une libération. (Jn ch. 20).
Mais dans un tout autre contexte, bien que l’Occupation romaine qui faisait du Sanhédrin de Jérusalem à peu près ce que l’Eglise populaire chinoise est au PCC de Pékin, puisse supporter la comparaison avec le sort des hébreux à la fin de la Ière Dynastie égyptienne, au moment où la capitale Memphis recrutait une main d’œuvre corvéable.
De même, la Pâque chrétienne commence au début du Triduum, les trois jours qui précèdent celui de la Résurrection et qui commencent par la Mémoire du dernier Shabbat de Pessah entre Rabbi Yeshouah et ses talmidim. On le voit ; ce repas célébré dans les règles et qui s’achève par le Kiddoush prend un tout autre sens, assez déroutant. Rassurez)vous : les chrétiens eux-mêmes ont toujours autant de mal à tout saisir.. Mais enfin, il a donné lieu à la célébration de la « messe » qui est étymologiquement l’envoi en « mission » qui fait suite à cette série de bénédictions dans laquelle le Rabbi galiléen lui-même s’inclut comme « agneau » et dont il est institué le centre comme korba, comme « offrande sacrificielle », l’Eternel lui-même, Père, étant cohen / sacrificateur. C’est un long et passionnant débat théologique et un inépuisable questionnement aussi choquant qu’il est à mon sens nécessaire et aujourd’hui il a une acuité certaine. Il renvoie à soi-même comme tout ce qui concerne le sens liturgique de la vie et d l’Histoire. Au moment où nos politiciens prêchent d’un côté le « devoir » sacrificiel pour la « liberté », la « sécurité » ou « l’égalité » tout en rangeant ce terme au rayon des péjorations néfastes à la fluidité du marketing électoral.
Ce repas pascal suivi du « laissez-les partir » enjoint par Jésus parlant de ses disciples à l’escorte venue l’arrêter est le point de départ de la dynamique chrétienne (Jn 18 : 8)
Cela rejoint aussi le dialogue entre Moïse et Pharaon qui est supplié de « laisser partir » les hébreux.
Il y a là une même demande, un même mouvement et un même élan basés sur une intercession.
La Fête de Pâque(s) proprement dite est immédiatement précédée du Samedi saint, unique jour sans aucune liturgie, sans office religieux et dernier jour de cette « Semaine sainte » pendant laquelle les cloches sont muettes. En signe d’absence de l’Eternel « enfoui » dans a mort de Jésus « descendu aux enfers ». Dans le texte en araméen, il est dit qu’Il descend « sous la sous-terre ». La démesure de la descente jusqu’en-deça de la mort est à la démesure de l’exaltation du « Très-Haut ».
Pâques et les semaines la précédant et la suivant sont un temps de démesure. Une démesure à pas compté chaque jour qui rappelle aussi qu’à la démesure de la mort répond la démesure de la vie qui ne s’arrête pas avec notre fin matérielle et existentielle et ne commence pas non plus avec notre propre début.
Bon…. Les chrétiens sont nombreux et ne sont pas tous catholiques. Il y a en France peu ou prou mettons 70% de chrétiens d’origine (croyants ou non) dont plus d’une moitié de catholiques, 20% de protestants réformés et 10% d’orthodoxes de toutes les traditions : slave, arménienne, chaldéenne, copte, etc…
Les orthodoxes de Russie fêteront cette année Pâques le 1er Mai, car le calendrier julien a 13 jours de plus que le calendrier grégorien qui est celui en vigueur en Europe occidentale et aux Etats-Unis. Ainsi que pour le temps civil international.
Les juifs, eux, fêtent Pessah le 23 Avril / 15 Nissan, soit 7 jours après le prochain Shabbat HaGadol du 16 Avril / 8 Nissan qui est toute raison gardée une sorte de « Semaine sainte » juive. Un temps sanctifié par l’Etude et le Shabbat de la Décision, celle de la Libération.
La symbolique chrétienne a gardé la valeur gematriale (« gematriarcale »?) des jours, des temps et des années. Les 7 jours de la Semaine sainte commencent par l’Entrée de Jésus à Jérusalem, qui a eu lieu au dernier jour de Soukkot où les juifs chantaient « Hoshana! » Cette solennité particulière pour les chrétiens prend un tour prophétique (Isaïe) puisque le « Roi d’Israël » entre couvert d’acclamations et salué des palmes juché sur un ânon. C’est donc une fête ambivalente : d’un côté le « Messie / Machiah » est béni et acclamé, de l’autre il est accueilli par l’invocation de la Miséricorde et du Salut pour Israël. C’est à la fois un point de sortie de l’Histoire et un point d’entrée dans la « méta-histoire ». Tout comme, d’ailleurs Pâque, qui est le « passage » entre le Jugement païen qui a recours à l’Ecrit pour « dire », et l’aventure divine dans laquelle se « précipite » à la hâte Israël qui n’aura plus alors pendant 40 années qu’une parole, une « mânne orale » pour guider ses pas. C’est un acte de foi. On passe, à Pâques, et dès le Grand Shabbat, de la Décision à l’Action, de l’Intention à la Réalisation.
PÂQUES EST LA RÉALISATION
Pâques est la Réalisation -ce que les chrétiens latins qui ne conjuguent pas selon l’hébreu appellent « l’accomplissement »- de l’Intention divine qui se traduit par l’entrée délibérée de Jésus dans la Ville du Temple, qui est « Sa » Ville et où Il sait qu’il trouvera son ultime jugement parmi les siens, sa condamnation parmi les goyim et aussi sa « Montée » des morts parmi les juifs ET les goyim.
Il n’est pas plus suicidaire que Moïse l’était devant la Mer rouge et poursuivi par la cavalerie pharaonesque.
Moïse comme Jésus « entrent » pour « faire sortir ». Ils payent le rachat de tous de leur seule personne. Quoique Moïse le fit en famille. Celle de Jésus aussi connut quelques relâchements à des moments « cruciaux ».
Il est d’ailleurs intéressant d’étudier les familles, nos familles pour connaître notre propre destinée. y compris, d’ailleurs, les familles par Alliance.
Là où Moïse libérateur au Nom de Hashem et sous son autorité propre avec l’institution cohénique de Aron fait opérer un « retour », Jésus au Nom du Père Et sous son Nom propre opère un « envoi ».
Le « libère-les » de l’un et de l’autre semble aller dans deux directions opposées : on naît juif par séparation d’avec (les eaux de) la mère et celle de la Circoncision qui ouvre à l’étendue des mitzvot aussi nombreuses que les muscles dans le corps.
Mais on devient chrétien par IMMERSION dans les eaux de la mort de Jésus et REMONTEE dans sa Résurrection, lesquelles ont eu lieu une fois pour toutes les fois et pour tous les humains sans distinction de condition. C’est le rite de « passage » du baptême qui est aussi une « reconnaissance de paternité » et en filiation.
C’est une différence fondamentale mais fondatrice pour la compréhension mutuelle dans la part de l’héritage commun en deux dimensions.
Il y a, à Pâques, un « Allez! » chrétien et un « Retournez! » juif tout à fait essentiels. Ils sont la substance de l’appel divin à devenir « image » de l’Eternel, mais à la « ressemblance » de ce qu’Il est dans son in-fini, et non de ce que nous fixons nous-mêmes comme Ses liimites et comme nos horizons (Genèse / Bereshit ch.2). Le mal n’est pas tant de ne pas croire en Dieu (ce qui dans la pure transversalité n’a pas grand intérêt) que de limiter l’autre à ses propres incapacités.
C’est là un point fondamental dans le rapport entre les « nations » mises en Ecclesiæ/Eglise par Jésus Fils d’Israël, et Israël fait Peuple, envoyé en « Teshouva » vers la Terre créée pour lui par l’Eternel et qui doit « jardiner » le Temps et l’Espace entre jachères et ensemencement, Repos (prière) noachique et travail (jouissance) adamique.
Mais à partir de ces deux propositions conjointes, parentes, opposées dans leur « incarnation » propre, à qui s’adresse in fine, le « Salut »? A tout l’Homme, sans doute.
Le surgissement, un matin de Pessah, dans un « gan Eden », de Jésus crucifié (la croix était une infâmie pour la famille juive du condamné et le supplicié juif « profané » était rendu « impur ») et mort, d’un tombeau neuf creusé hors de Jérusalem peu avant la sanglante répression romaine peut-il ou doit-il être mis en parallèle asymptotique avec celui d’Israël franchissant l’infranchissable armée de l’oppresseur païen qui se fendit devant l’éclat de sa Nuée et l’enthousiasme de sa foi menés par un Moshé prophétique?
Certainement.
La « Mer rouge », mes amis était celle des roseaux : cela veut dire que c’était la Mer du sang des innocents, comme aujourd’hui, et aussi le vaste Delta où s’épanchent les eaux boueuses, salées et profondes de la confusion humaine. Ls roseaux sont les calames qui servaient à publier édits sur édits, lois sur lois. L’ONU est une Mer des Roseaux. Une marée de décrets contre l’affranchissement d’Israël. C’est la Pharaonie moderne qui condamne les hébreux après leur avoir assigné une relative largesse. Comme on pourchasse les canards à l’envol après les avoir élevé au grain et attiré aux appeaux.
On en est là.
Les chrétiens n’ont pas d’ « Etat ». Leur « Etat », ce n’est pas le Vatican qui est l’enclave pétrinienne (Pierre-Shimôn le galiléen, martyrisé au Coliseum par la croix romaine comme Paul-Saül de Tarse qui fut décapité à Rome) dans l’ancienne capitale césarienne où l’Arc de Titus porte en ses pierres le souvenir de la Menorah du Temple.
De Byzance/Constantinople, il reste un grand patriarcat qui « règne » encore sur toute l’orthodoxie chrétienne orientale, tandis que celui de Moscou est à la tête de l’ensemble des églises autocéphales d’Orient et de la « Rus ». Le Vatican est le siège pontifical de la « catholicité ». C’est compliqué, transitoire. Mais ce n’est pas accessoire.
Leur Etat, l’Etat d’origine des chrétiens, si j’ose dire, c’est Celui qu’ils appellent Christ qu’ils croient vivant et en qui ils croient demeurer. C’est pourquoi ils sont partout chez eux, et en particulier en Eretz Israël, terre juive, Etat juif des « ressuscités » de l’Histoire et de Pessah, Jardin de l’Eternel Un, et patrie de l’Humanité rassemblée en un seul peuple dans toute l’universalité de sa diversité. J’espère, comme tout humain censé, voir un « jour » Sion avec les yeux de Celui qui en a fait son épousée et la matrice du monde.
PÂQUE/PESSAH EST L’ALLIANCE EN ETAT DE MARCHE
On le voit dans l’histoire, la route est longue. 40 jours, 40 ans, 40 siècles… Mais finalement, à l’échelle des 40 centaines de millions d’années de la planète, c’est un raccourci ! l’Exode qui résume tous les Exils, est un raccourci vers la Récolte de Shavuoth, la Terre de la Promesse. Pâque / Pessah est de toute façon l’Alliance en état de marche ! Juifs et chrétiens portent à leur façon le même Tabernacle. Il ne renferme pas, comme l’Arche qui n’était ouverte que du dessus. Il se démonte chaque jour avec les questions et se remonte pour les réponses. A chaque « Amen » répond un pas que l’Eternel pose parmi son Peuple.
Pas à pas ….. Hallel après Hallel….
Dans le respect scrupuleux du aux oppositions et aux différences de foi et de compréhension (et qui seul garantit un dialogue libre et fécond), « la » Pâque des juifs est toujours un appel à faire advenir la Bénédiction jusqu’à ce que Mashiah conduise lui-même son Peuple éclairant aussi la Traversée du Monde, et celle des chrétiens, loin de refermer le tombeau ouvert de l’intérieur, les pousse à réaliser ici-bas par eux-mêmes la Promesse / Shavuah qu’ils croient avoir été dévoilée mais à laquelle tout doivent consentir pour être « sauvés ».
C’est peut-être là, d’ailleurs, où les chemins se séparent, au bord de la Liberté, que les frères et les amis goûtent enfin la chaleur de leur rapprochement mutuel et peuvent envisager, de gré ou de force, de faire exode commun. Ne sommes-nous pas, finalement, aux dernières extrémités, même depuis la « pascale » création de l’Etat d’Israël, chrétiens et juifs, une bénédiction les uns pour les autres?La commémoration des Justes est là pour en témoigner. Qu’y-a-t-il de plus « pascal » qu’un Juste? Or, on n’est jamais un Juste ni encore moins un frère de passage. On l’est pour toute l’Eternité.
Mieux vaut pour nous que cette Traversée en cette vie, en cette terre et en cette Terre soit par amour, et pour tous les enfants d’Abraham, naturels, putatifs ou adoptifs.
C’est en cours. Il y a toujours du Créé, de « l’os de mes os », dans le Tohu Bohu des chars et des armées.
Bonne préparation de Pessah à tous mes amis juifs, et Shabbat HaGadol Shalom ! avec mon amitié !
Jean Taranto
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