Peu après l’annonce des attentats de Bruxelles, le président du groupe PS à l’Assemblée, Bruno Le Roux, a émis un tweet contre la droite au sujet de la déchéance de nationalité. Il est urgent pour la gauche d’en finir, d’une façon ou d’une autre, avec la révision constitutionnelle.
Peut-on être président du groupe socialiste et tweeter comme Robert Ménard? A peine connue la nouvelle des événements de Bruxelles, le président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, Bruno Le Roux, livrait son sentiment sur le réseau social Twitter: « Attentats terroristes et protection de notre pays, la droite sénatoriale qui bloque la révision constitutionnelle est irresponsable ».
Le rapport établi entre les tragédies survenues dans la capitale belge et les péripéties parlementaires qui président à la révision constitutionnelle en cours a aussitôt déclenché une série de réactions hostiles, notamment à droite, mais aussi jusque dans les rangs de parlementaires socialistes. A l’exemple du sénateur David Assouline, répondant sans le citer à Bruno Le Roux : « Unique pensée ce matin: la solidarité avec Bruxelles, ses habitants, et surtout avec les victimes de ces lâches attentats », ou le député européen Guillaume Balas, présent à Bruxelles, et ostensiblement agacé par la sortie du président du groupe PS du Palais Bourbon: « je suis bloqué à la gare du midi à Bruxelles, les belges sont sidérés, alors vraiment, tais-toi. »
Le temps d’un tweet, Bruno Le Roux s’est rangé parmi les tristes récupérateurs de malheur, au même titre qu’un Robert Ménard (« Bruxelles. Peu de chance que ce soit l’œuvre de militants néo nazis… ») ou une Nadine Morano (« 3 millions d’€ pour une campagne de com du gouvernement auraient été plus efficaces à la sécurité des Français »), ces mesquins vautours de l’exploitation des misères humaines. De la part d’un socialiste, c’est assez inhabituel. Surtout lorsqu’il s’agit d’un dignitaire proche du président de la République, François Hollande. Le dérapage n’en est que plus frappant.
Une malédiction pour le pouvoir
Le débat sur l’inscription de la déchéance de nationalité dans la constitution est devenu une malédiction pour le pouvoir. Depuis que le président en avait fait l’annonce, lors de son discours devant le Congrès, trois jours après les attentats du 13 novembre, ce qui s’annonçait rêve d’union nationale s’est métamorphosé en cauchemar médiatique et politique. Au point de faire déraper, ce mardi ensanglanté, un responsable socialiste jusque-là réputé pour sa prudence et sa mesure.
Le débat sur la déchéance de nationalité n’en finit plus de produire ses effets désintégrateurs au sein du Parti socialiste. Devenu illisible et incompréhensible pour l’opinion, il est aujourd’hui le porteur de toutes les divisions, et ajouté à la somme de toutes les peurs engendrées par le projet de loi El-Khomri, il finit par susciter des sorties de route politique à la Bruno Le Roux, qui aurait dû tourner sept fois son pouce avant de tweeter sur le sujet ce mardi matin. Le président du groupe socialiste à l’Assemblée aurait voulu illustrer le caractère désormais dérisoire de ce débat microcosmique franco-français, confronté à cette horrible réalité qu’est le terrorisme, qu’il ne s’y serait pas pris autrement.
Ce mardi, le Sénat doit se prononcer sur la révision constitutionnelle. Lors des débats, les sénateurs de droite ont modifié le texte, en réservant la déchéance de nationalité aux seuls binationaux, sous le prétexte d’éviter la création d’apatrides, soit ce qu’avait refusé l’Assemblée, qui l’avait ouverte à tous les Français dans le dessein de ne pas créer de «discrimination». Le texte devant être voté dans les mêmes termes par les deux chambres pour qu’il puisse être soumis pour adoption au Congrès, la situation risque de déboucher sur un blocage insurmontable, soit le constat d’une situation d’échec pour François Hollande et Manuel Valls, qui se retrouveraient alors dans une situation où ils auraient tout perdu, et la bataille politique, et une partie de leur popularité au sein du peuple de gauche.
La dernière livraison du baromètre IPSOS pour le Point montre ce que le double effet débat sur la déchéance de nationalité et loi El-Khomri coûte à François Hollande et Manuel Valls: une chute de popularité vertigineuse au sein de l’électorat de gauche, jusqu’au cœur même de l’électorat socialiste.
Un triste record pour Hollande et Valls
Auprès des sympathisants PS, François Hollande recule de 52 à 39% de bonnes opinions (- 13 points). Idem pour Manuel Valls qui perd 19 points chez les sympathisants PS (41% de bonnes opinions) et qui paye le prix de l’entêtement affiché à s’accrocher à la déchéance de nationalité et à imposer, coûte que coûte, le projet de loi El-Khomri, si mal né. Le couple exécutif 2016 est le plus impopulaire de l’histoire de la Ve République, triste record…
Au regard de ce décrochage de popularité, le dérapage de Bruno Le Roux prend sens. Comme s’il était le révélateur qu’il faut tout faire, tout dire, tout exploiter, à tout prix, pour tenter de sauver la révision constitutionnelle avec inscription de la déchéance de nationalité dans la loi fondamentale. Quitte à exploiter, sans attendre, une tragédie survenue à l’étranger.
C’est ici que se mesure le caractère désormais vain de ce débat qui empoisonne la vie publique française, notamment à gauche, depuis quatre mois. Pour sa défense, Bruno Le Roux a expliqué qu’il n’était pas informé des événements de Bruxelles quand il a rédigé son tweet. Vrai? Faux? Le tweet a été publié à 9h01 du matin. Et Bruno Le Roux n’était donc pas informé, président du groupe socialiste de l’Assemblée nationale d’un événement de portée majeure? Ce serait pour le moins étonnant. Voire inquiétant. De toutes les manières, il est trop tard. Le mal a été fait, et il ne peut être rattrapé. Et finalement, vu les enjeux, peu importe en vérité.
La seule leçon à tirer de l’anecdote, c’est qu’il est urgent pour la gauche de gouvernement d’en finir avec cette affaire de révision constitutionnelle et de déchéance de nationalité. D’une façon ou d’une autre. La question n’est plus de savoir s’il faut se battre en retraite, mais comment. Se replier. S’organiser. Et surtout éviter à tout prix une nouvelle Berezina à la Bruno Le Roux.
Bruno Roger-Petit
La gauche est malade de son obsession du débat interne au sein d’une idéologie orthodoxe. Ainsi fonctionne la phobie de l’égalité et l’exemple du projet sur la déchéance de la nationalité est significatif!
Il propose la déchéance pour tous et nul n’est besoin d’être docte en droit institutionnel pour comprendre que ceci entraîne une terrifiante inégalité: un « bi-national » a un joker, un « mono-national » devient apatride!
Les « ex jeunes mitterrandiens » ont beau s’indigner sur les bancs de l’assemblée, oui cela rappelle les dispositions de Vichy et devrait mettre mal à l’aise.
Le même processus autodestructeur à savoir confusion entre égalitarisme forcené et égalité réfléchie touche le système éducatif depuis des décennies, laboratoire de ce qui advient aujourd’hui à l’échelle de la République et de la France.
Commentaire exemplaire de josaphat et un article excellent.
TJ devrait faire suivre à Monsieur Sobol.
Encore une fois, l’exploitation politicienne de nos malheurs, par le PS, touche le fonds de la bassesse politique et de l’immoralité.