Son of Saul, drame hongrois de Laszlo Nemes sorti en 2015, Grand Prix du Festival de Cannes et Oscar du Meilleur Film en langue étrangère, sortira en DVD le 5 avril.
Visionnez ce film, à propos duquel Claude Lanzmann, qui s’est toujours opposé avec fermeté aux fictions sur la Shoah, fait une exception, le qualifiant d’anti-Liste de Schindler, et ajoutant : C’est un film pur, intelligent […] Une sépulture pour les juifs de Hongrie.
Accueilli par un concert de louanges, Son of Saul montre, en octobre 1944, deux journées de la vie de Saul Ausländer, prisonnier juif hongrois à Auschwitz. Membre du Sonderkommando de l’un des fours crématoires d’Auschwitz-Birkenau, Saul, incarné par le génial Géza Röhrig, participe, avec d’autres ouvriers, au processus technique de la Solution finale, au cœur de la zone noire de l’extermination et de l’effacement de ses preuves, processus diabolique à propos duquel Primo Levi écrivit : On reste stupéfait devant ce paroxysme de perfidie et de haine.
Saul croit reconnaître son fils dans un enfant mort, et va tenter de le sauver de l’incinération pour l’enterrer, grâce à un rabbin, selon le rite approprié. La caméra suit les pas de Saul chargé de déblayer les corps jusqu’aux fours crématoires, et le spectateur, rivé à ce héros contraint d’assister les nazis dans leur entreprise de massacre, devient Saul dans ce périple aux rebondissements incessants, embarqué avec lui dans l’expérience immersive du système génocidaire nazi.
Le visage en gros plan de Saul ne quittant plus l’écran, le spectateur voit uniquement ce que voit ce Juif hongrois : voilà comment Nemes balaye les critiques soulevées sur l’irreprésentabilité de la Shoah, réalisant ici un film irréprochable qu’il convient à tout homme d’avoir vu : le Mémorial de la Shoah a rédigé avec l’équipe du film un dossier pédagogique précieux pour les enseignants, preuve s’il en fallait de l’importance du film de Nemes.
Sarah Cattan
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