Démarche claudicante et sourire de gosse diabolique, le comédien Denis Lavant incarne le sulfureux Louis-Ferdinand Céline dans le film d’Emmanuel Bourdieu qui sort mercredi.
Il fallait pour cela un interprète exceptionnel : Denis Lavant a une déjà longue familiarité avec le personnage : au théâtre, il était hallucinant de vérité dans le personnage du fameux docteur Destouches, dans la pièce tirée de la correspondance de Céline, « Faire danser les alligators sur la flûte de Pan ».
Un an de prison à Copenhague
L’écrivain du « Voyage au bout de la nuit » et de nombreux pamphlets antisémites a fui la France, où la justice l’accuse d’avoir collaboré avec les nazis. Il a passé un an dans une prison de Copenhague, et vit à présent avec sa femme Lucette reclus dans une petite maison dans les bois.
Un « paillasson admiratif »
« C’est, pour Hindus, comme un dépucelage », explique Emmanuel Bourdieu à propos d’une scène formidable, où le jeune homme, très puritain, découvre les époux plongés tout nus chacun dans sa baignoire de zinc dans le jardin. Mais le mot vaut aussi pour sa découverte de l’antisémitisme viscéral de l’écrivain et de sa propre identité juive.
Pas de manichéisme
Le film ne tombe jamais dans le manichéisme, s’attachant au contraire à décrire le personnage dans toutes ses facettes : Céline sait être accueillant, presque paternel, chaleureux et rieur comme aigri, acariâtre et injurieux.
À ses côtés, Géraldine Paillas prête son port de danseuse et sa diction précise à Lucette, la femme de Céline, à la fois clairvoyante et toute dévouée à son mari.
Les dérapages du monstre
Pour Emmanuel Bourdieu, l’antisémitisme de Céline relève d’une « force pulsionnelle (…) une sorte de démon culturel archaïque. Sur ces sujets-là, Céline ne s’élève pas au-delà de la pensée de café du commerce ».
Tout le mérite du film est de pousser le spectateur à s’interroger sur cet antisémitisme maladif, ses ressorts, ses résurgences possibles aujourd’hui.
En contrepoint, des citations fulgurantes de textes de l’écrivain rappellent le génie, indissociable du monstre.