Montréal accueille l’une des seules femmes rabbin au pays et, qui plus est, ouvertement lesbienne et farouche militante LGBT.

Comment êtes-vous devenue rabbin dans une synagogue montréalaise ?
Je suis née à Ottawa, mais j’ai fait mes études à l’Université McGill, en sciences politiques. C’est là que j’ai eu le coup de foudre pour Montréal. En 2012, j’étais rabbin d’une communauté à New York lorsqu’il s’est ouvert un poste ici, à Montréal. J’ai sauté sur l’occasion sur-le-champ!
Comment avez-vous été perçue par la communauté juive à votre arrivée à Montréal ?
Ma communauté appartient au mouvement réformé, la branche la plus libérale du judaïsme, qui est ouvert aux personnes LGBT (lesbiennes, gais, bisexuels et transgenres). Ça fait plus de 40 ans que des femmes sont rabbins dans ce mouvement, partout à travers le monde. Mon orientation sexuelle n’a donc rien changé, mais je trouve que ma communauté a tout de même été courageuse de m’accepter. Ce n’est pas habituel. En fin de compte, je crois qu’ils m’ont engagée non pas parce que je suis femme ou lesbienne, mais bien parce que j’étais la bonne personne pour ce poste.
Que pensez-vous du fait que l’homosexualité n’est pas acceptée dans plusieurs religions, dont le catholicisme ?
Je crois que ma vie comme femme rabbin, lesbienne et mère de deux filles (âgées de 2 et 6 ans) vient détruire le préjugé qui veut qu’on ne peut pas être à la fois une personne LGBT et religieuse. Pour beaucoup, la religion, c’est strict et rempli de jugements. C’est tragique, parce que c’est beaucoup plus que ça. On peut être religieux et avoir des valeurs progressives. J’ai des amis catholiques et musulmans gais. Dieu ne dit pas non à l’homosexualité. Nous sommes tous dans la main de Dieu.
Trouvez-vous que Montréal est une ville accueillante envers les gais et lesbiennes ?
Globalement, oui. Mais quand je suis arrivée ici et que je suis allée chercher les cartes d’assurance-maladie de mes deux filles, le fonctionnaire m’a dit qu’il était impossible de remplir les formalités avec les noms de deux mamans. On a finalement réussi à régler ça, mais j’ai vraiment été étonnée qu’on me dise cela. Ça avance lentement, mais Montréal est beaucoup plus accueillante pour les personnes LGBT que plusieurs villes des États-Unis.
En quoi consistent vos fonctions de rabbin ?
J’ai beaucoup de choses à faire! J’anime des services religieux les vendredis soir et les samedis matin pour le sabbat (jour de repos dans le judaïsme). J’assiste aussi les membres de ma communauté dans tous les cycles de leur vie: la désignation du nom des bébés, la bar/bat-mitsva (célébration de la majorité religieuse chez les adolescents), les mariages, les divorces, les funérailles, etc. J’offre aussi des services de conseil à ma communauté, en plus de faire de l’enseignement religieux, et bien d’autres choses!
Pourquoi aimez-vous être rabbin ?
J’aime accompagner les gens dans les différents moments de leur vie. Dès l’âge de 12 ou 13 ans, je songeais déjà à devenir rabbin. J’adore le fait que je suis toujours en train d’éduquer et d’apprendre en même temps. Mais je suis surtout contente d’être capable d’aider les gens, de faire une différence dans leur vie et dans notre société.
À votre avis, est-ce que l’antisémitisme est présent à Montréal ?
Il y a toujours du racisme envers les juifs à Montréal, de nos jours. Je ne peux pas dire si c’est pire ou mieux qu’ailleurs au pays. Mais j’ai vu des graffitis de croix gammée, j’ai entendu des histoires d’agressions physiques, etc. Dans les universités McGill et Concordia, des étudiants juifs nous rapportent qu’ils vivent des situations difficiles, car on y trouve plusieurs mouvements anti-israéliens. Mais Montréal est une société où tout le monde peut vivre ensemble dans l’harmonie. Il faut garder la porte ouverte. La haine vient de l’ignorance.
Que souhaitez-vous accomplir en tant que rabbin ?
J’ai envie d’inciter les jeunes LGBT à retourner vers la religion, quelle qu’elle soit. Allez voir ce qui existe. Il y a des communautés accueillantes partout en Amérique du Nord. La religion ne dit pas non aux homosexuels. Nous n’avons pas à avoir honte.
Source : http://www.journaldemontreal.com/2016/02/27/rabbin-lesbienne-et-militante