Sur Twitter, l’antisémite Jérôme Bourbon sort de l’ombre

Le directeur de Rivarol « se lâche » volontiers sur le réseau social, en multipliant les « punchlines » antisémites. Il y trouve un nouveau public, mais aussi quelques ennuis judiciaires.

Il est très difficile de prendre Jérôme Bourbon au sérieux. Le directeur de Rivarol, hebdomadaire d’extrême droite, est coquet au point d’avoir changé de nom : il utilise son deuxième prénom, qu’il préfère à Fabrice.jerome_bourbon_antisémite

Il est aussi paradoxal : il reçoit dans une tour du quartier chinois de Paris, dans un appartement-bazar rempli de bricoles, alors qu’il assure n’aimer ni les immigrés ni le désordre (mais les « beaux uniformes fascistes »). Il n’a pas la cohérence d’un Donald Trump qui vit dans les dorures.

Ses idées sont si antisémites et caricaturales qu’elles ont l’air de ne pas exister. Elles sont, en plus, énoncées avec un petit rictus à la Dieudonné – en moins abouti. Et un accent du Jura très prononcé, qu’il jure ne pas cultiver et qui rend bizarre et drôle tout ce qu’il dit.

Jérôme Bourbon a enfin un côté commère, qui se délecte des ragots sur sa famille politique, ce qui finit d’émietter son autorité.

Mai 2015 : inscription sur Twitter

Ce mercredi matin, il met du temps à ouvrir. Sa porte est fermée à double tour et il regarde par le judas.

C’est un homme de 43 ans, petit et rond comme un gigot, qui apparaît – il nous a dit que les attaques sur le physique étaient permises dans Rivarol, alors on s’y essaie. Ses yeux s’arrêtent un instant sur le jean et les baskets que je porte. Il le dira plus tard, dans la conversation : il déteste ça, sa femme est toujours en jupe.

Ce petit clown antisémite et cultivé n’était connu que des initiés, il y a encore un an. Simple directeur de Rivarol (2 500 abonnements et environ 3 000 ventes en kiosques, nous dit-il). Un poste dont la rémunération ne lui permet pas d’habiter dans le centre de Paris, où tout est blanc. Mais au fin fond du XIIIe :

« Pourtant, je préfère encore les Noirs et les Arabes aux Chinois dont il n’y a rien à tirer. »

En mai 2015, Jérôme Bourbon a ouvert un compte Twitter, sur les conseils d’un proche. Il a désormais un visage et ses obsessions atteignent un nouveau public. Sa vie a changé.

« Je ne me censure jamais »

Depuis mai dernier donc, sa parole porte au-delà des octogénaires antisémites abonnés à son journal désuet (tout noir de mots).

Sur le réseau social, Jérôme Bourbon projette ses idées comme des petites boulettes de papier, tel un antisémite du fond de la classe.

Il découpe sa pensée en 140 caractères et elle atteint « le bien-pensant » qui s’indigne. C’est grisant. En retour, il reçoit des insultes mais aussi des approbations inattendues. « Des musulmans qui me rejoignent sur la question juive », dit-il plusieurs fois.

Twitter, plateforme où les mini-éditos et la « déconne » se mêlent et sont valorisés, lui sied bien.

Il trouve que les tweets descriptifs du blogueur Fdesouche – « Mouloud a volé une voiture » – n’ont pas grand sens. Lui se spécialise en « punchlines » antisémites, qui « ouvrent une réflexion » :

« Je ne me censure jamais. Je suis étonné que Twitter n’ait pas fermé mon compte. Celui de Ryssen est pratiquement fermé [le compte du nationaliste et antisémite Hervé Ryssen est effectivement suspendu, ndlr]. »

Contacté, Twitter France n’a pas encore répondu.

Cela vous ravit ? « Un peu, mon neveu »

Autre joie et bizarrerie de Twitter : d’un coup, sa parole est prise au sérieux. Jérôme Bourbon a déjà un procès prévu à l’automne pour incitation à la haine raciale et contestation de crime contre l’humanité (voir PDF ci-dessous), suite à un signalement de la Licra. Notamment pour avoir tweeté :

« Triste époque : les gens ne croient pas en Dieu ni en l’Enfer mais ils croient aux chambres à gaz sans les avoir vues. »

Il attend une nouvelle convocation de la justice pour bientôt, après la série de tweets antisémites qui ont suivi la nomination de Laurent Fabius au Conseil constitutionnel. C’était mi-février.

SOS Racisme a saisi le parquet. Le PS a fait un communiqué. Il sourit. Tout cela vous ravit ?

« Un peu, mon neveu. »

Mais les amendes décidées par la justice l’arrêteront peut-être :

« C’est manifestement plus risqué d’écrire sur Twitter que dans Rivarol, que personne ne lit. Deux procès en moins d’un an, c’est beaucoup… A Rivarol, on en a environ un par an. Je n’ai pas les épaules assez solides pour avoir des procès toutes les semaines. »

Bousculé à l’entrée d’un parking

Les procès, la publicité du PS, tout ça est bon à prendre. Mais il y a aussi des inconvénients à cette nouvelle notoriété.

Jérôme Bourbon pense, par exemple, qu’il n’aurait pas été agressé en juillet dernier s’il ne s’était pas inscrit sur Twitter. Ce compte a fait connaître son visage et a mis en colère ses ennemis.


Il gifle le directeur d’un journal d’extrême… par cynops-news

La vidéo de son agression à l’entrée d’un parking a fait le tour d’Internet. Un homme, un portable qui filme la scène à la main, demande à Jérôme Bourbon de confirmer son identité, avant de lui donner une claque et de lui dire de déguerpir. Jérôme Bourbon file à petits pas rapides.

Jérôme Bourbon s’est vu « sinon mort, au moins esquinté ». Il pense que l’agresseur « au physique moyen-oriental » était un proche de la Ligue de défense juive (il le pardonne, en bon chrétien). La vidéo a été mise en ligne et un déchaînement de rires sur Twitter a suivi.

« Ce n’est pas agréable, mais je préfère être humilié que d’être passé à tabac. »

On lui parle d’une « petite tape », il répond « une méga gifle » et recompose son ego :

« Je ne suis pas un bagarreur. Savoir se battre est un plus, c’est évident, mais il y a d’autres qualités pour un homme, comme la fidélité à sa femme. »

Ebloui par l’imparfait du subjonctif

Mais d’où sort ce nouveau petit monstre de Twitter ?

Jérôme Bourbon est né dans le Jura en 1972, dans une famille de centre droit, « votant pour Chirac, des gens comme ça ». Il a découvert Jean-Marie Le Pen lors d’un de ses passages à « L’Heure de vérité » sur Antenne 2. « En 1986 ou 1987. » Ebloui par ses idées anticonformistes et sa maîtrise de l’imparfait du subjonctif, il prend sa carte au FN.

Plus tard, il obtient un DEA et un Capes de lettres modernes, dit-il. Il tente l’agrégation et se lance dans une thèse inachevée sur l’écrivain Georges Bernanos. Il enseigne au collège et au lycée, d’abord dans son coin puis en région parisienne. Trois ans en tout. Il n’aime pas ça.

Il commence sa collaboration avec Rivarol en 1999, en tant que pigiste. Doucement, il gravit les échelons jusqu’à en devenir son directeur et presque unique contributeur (« beaucoup sont morts »). Aujourd’hui, il écrit à lui seul un tiers du journal environ.

Le journal n’a plus de local, depuis la Toussaint. Jérôme Bourbon coordonne pigistes et maquettiste de son pied-à-terre parisien. Il sera bientôt père d’un cinquième enfant, ce qui va faire beaucoup de travail « pour [sa] femme », qui vit en Bourgogne.

Retour vers Jean-Marie Le Pen

Si Jérôme Bourbon se permet ces sorties déchaînées sur Twitter, « comme Henry de Lesquen [son ami, président de Radio Courtoisie, ndlr] », c’est aussi parce qu’il va bien.

La dispute entre Jean-Marie et Marine Le Pen (qu’il exècre) l’a revigoré. Jérôme Bourbon s’est rapproché du fondateur du FN qui le qualifiait, en 2010, de « taliban hystérique » quand il défendait avec violence la candidature de Bruno Gollnisch à la tête du parti.

Jean-Marie Le Pen a accordé un premier entretien à Rivarol, en juillet 2014, après l’épisode de la « fournée ». En avril 2015, il donne une « interview choc » après avoir récidivé sur le « détail de l’Histoire » dans l’émission de Jean-Jacques Bourdin. Dans cet entretien, il s’en prend violemment aux choix de sa fille et à la ligne politique de Florian Philippot.

Marine Le Pen, « femme de gauche »

L’échec du FN aux régionales a aussi mis en joie celui qui hait Marine Le Pen « de façon tripale » – quand il parle d’elle, il éjecte, comme une machine à balles, adjectifs dégradants et formules surréalistes.

« C’est fondamentalement une femme de gauche qui va dans les night-clubs la nuit. »

Il loue seulement son « agressivité naturelle » à la télévision.

Jérôme Bourbon va bien, enfin, parce qu’il organise un « grand banquet des amis de Rivarol », le 9 avril prochain, pour fêter les 65 ans de l’hebdomadaire pétainiste et antisémite. Il nous donne les noms des journalistes qui ont déjà demandé à venir et il promet des surprises. Jean-Marie Le Pen a déjà accepté d’être invité d’honneur.

rue89.nouvelobs.com

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6 Comments

  1. «Pourtant, je préfère encore les Noirs et les Arabes aux Chinois dont il n’y a rien à tirer.»

    – Il veut certainement dire : rien à [en] tirer du côté de l’antisémitisme…

    «Des musulmans qui me rejoignent sur la question juive », dit-il plusieurs fois.»

    – Sans blague, il ne comprend ça que maintenant ? Soral et Dieudonné l’ont compris depuis dix ans et se sont déjà bien remplis les poches. Ils ne vivent pas dans une tour du 13ème, eux. Au fond ce pauvre bougre n’a rien compris à l’antisémitisme : il y a toujours un aspect financier rentable…

  2. Cet individu n’est pas à plaindre. Il transpire la lâcheté. Il fait penser à ces gens qui, pendant la guerre, ont envoyé des lettres anonymes pour se débarrasser de voisins gênants, soit par cupidité, soit par jalousie, soit pour se faire du zèle.
    Qu’est-ce qui est le plus déplaisant à regarder, ses yeux ou sa bouche ?

  3. Ce type est une larve: « il préfère être humilié « ……..
    Je n’ai aucune peine pour lui (@Bruno ),qu’il aille au diable ,ce lâche nauséabond ……….

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