Je vous en parle parce que notre fils est mort au Bataclan

Il pleut. Nous achevons notre déjeuner après une seconde tournée de cafés. Depuis deux heures, nous parlons de jihad, de réseaux, d’attentats, de ministres, de responsables plus ou moins compétents, de gâchis. Nous parlons de guerre, de morts, de succès et d’échecs, et aussi d’autisme, d’incompétence, d’imposture, de déni, de défis à relever. Nous rions, nous restons silencieux, nous réfléchissons à voix haute. Derrière nous, un couple s’est installé, silencieux. Ils ont cette élégance discrète qui me rappelle mes parents.

Nous ne parlons pas fort, et nos voisins de droite ne prêtent aucune attention à notre conversation. Je ne pourrais pas en dire la même chose de ce couple, et mes soupçons se confirment lorsqu’ils se lèvent pour partir, alors que nous en sommes, encore et toujours, à réfléchir au sens à donner au jihad. Ils s’arrêtent au milieu de la salle, nous regardent. Elle lui glisse deux mots et s’en va pendant qu’il met son chapeau. Il revient, s’approche de notre table et se penche vers nous.

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– Je vous ai entendu parler de terrorisme, nous lance-t-il d’une voix douce et ferme. Je vous en parle car notre fils est mort au Bataclan.

Je me lève d’un bond, et lui présente mes condoléances alors que j’aperçois son regard triste. Il continue à parler.

– Quand cette guerre finira-t-elle ? demande-t-il. Et quand dira-t-on les choses ? Quand parlera-t-on de la police et de la gendarmerie, et de l’assaut raté ? Pourquoi si tard ?

Les derniers clients de la brasserie nous regardent. L’un d’eux nous écoute même avec attention. Je suis impuissant devant cette souffrance. Pas de colère, mais des questions dans ce regard, et moi qui tente de lui dire, comme un idiot, que nous essayons de gagner cette guerre et d’éviter de nouveaux morts. Il m’apprend qu’il a créé une association de victimes, je lui présente à nouveau mes condoléances et il part sans un mot.

C’est pour vous, Monsieur, pour votre épouse, pour les parents, les sœurs et les frères des victimes, pour nos frères et nos sœurs, pour nos concitoyens, que nous travaillons, que nous écrivons dans notre coin, avec la plus grande humilité et avec la seule certitude qu’il faut résister à la terreur par l’intelligence.

Eagles of Death Metal sur la scène de l’Olympia de Paris, le 16 février 2016. © BestImage

 

Le Président, qui avait bien vu que les attentats avaient été commis avant les élections régionales, n’a pas seulement proclamé l’état d’urgence. Pillant sans vergogne les propositions de certains ténors de l’opposition, il a également promis d’instituer la déchéance de la nationalité aux jihadistes. Au-delà de la parfaite inutilité opérationnelle de la mesure (déchoir de leur nationalité française des gens qui détestent être français, bien joué !), et sans m’aventurer dans un débat moral et juridique, je ne peux que noter que les mêmes qui défendent aujourd’hui la mesure comme si l’avenir du pays en dépendait n’avaient pas de mots assez durs pour la qualifier il y a cinq ans. Quand ça change, ça change, et on comprend bien que l’idée n’est pas de gouverner la France mais simplement d’être au pouvoir.

En 2010, son Eminence le nouveau Garde des Sceaux avait ainsi, sur son blog, ridiculisé le projet du Président du moment. Il avait même conclu son court billet par une formule plutôt raide :

Jusqu’à quand Nicolas Sarkozy continuera-t-il à prendre les Français pour des benêts ?

La question n’a, reconnaissons-le, rien perdu de sa pertinence, y compris en la mettant au goût du jour. M. Gandhi n’est cependant pas le seul à soudainement changer d’avis. La question, cruelle, se pose alors : où sont les convictions morales et politiques, ces opinions issues d’une véritable réflexion et qui sont supposées résister aux assauts ? On aimerait le savoir, et les réponses entendues évoquent, bien plus que des nécessités impérieuses, des calculs politiques d’une rare indécence. Les morts, qui servent à appliquer la loi, serviraient donc aussi à être (ré)élu. Inclinons-nous devant la vraie grandeur et les leçons de patriotisme qui l’accompagnent, et saluons la culture classique de responsables politiques capables, en dignes sophistes, de prouver une chose puis son contraire avec une égale conviction.

D’autres, que l’on pensait méfiants à l’égard de la force brute, ont changé de discours. M. Rihan Cypel, un homme à la personnalité attachante, s’est ainsi laissé aller à une rhétorique martiale rappelant celle d’un grand démocrate russe très aimé chez nous.

Jusque dans les grottes. Source : Le Parisien. http://goo.gl/YrWS4S

Devant l'Olympia, Jesse Hughes et les membres d'Eagles Of The Death Metal saluent leurs admirateurs et leur tombent dnas les bras. À Paris, le 16 février 2016. © Abaca
Devant l’Olympia, Jesse Hughes et les membres d’Eagles Of The Death Metal saluent leurs admirateurs et leur tombent dnas les bras. À Paris, le 16 février 2016.
© Abaca

A droite, où les talents sont également nombreux, les esprits les plus acérés y sont allés de leurs propres commentaires. Jean-Pierre Raffarin, ancien Premier ministre, a ainsi lancé que nous ne ferions pas de « guerre bobo ». Le concept, novateur, est désormais discuté à la Sorbonne et à l’Ecole militaire. Eric Ciotti, un homme qu’on ne présente plus tant sa contribution à la sécurité nationale est essentielle, nous a appris que « Saint-Denis [n’était] pas une ville française ». Je dois dire que ça m’a fait un choc. Enfin, l’ancien Président, Nicolas Sarkozy, a fait montre de sa subtile ironie, admirée de tous, en lançant à François Hollande « C’est quand même incroyable que les juges m’écoutent du matin au soir et oublient d’écouter les terroristes ! ». Bravo.

Le concours national de foutaises, du n’importe quoi sans entrave, a tout dit de nous et de notre pays. Abou Omar n’avait pas tort en estimant qu’un attentat majeur infléchirait notre ligne diplomatique, mais s’attendait-il à la démonstration de non-résilience offerte par nos dirigeants, un grand nombre de nos intellectuels et la quasi-totalité des éditorialistes ?

Comme je ne cesse de l’écrire et de le répéter, c’est nous, cibles, victimes, qui faisons le succès d’un attentat. Plus celui-ci est violent, meurtrier, et plus il est évident que nous éprouverons des difficultés à surmonter l’épreuve. A cet égard, l’admirable sobriété des victimes, l’exceptionnelle solidité de leurs familles sont ce que je veux retenir de mon pays après le 13 novembre. Je refuse, en revanche, d’assister aux séances de déni, aux discours martiaux de dirigeants oscillant entre la sidération du candide découvrant le monde et le cynisme d’un Frank Underwood de seconde zone. Le Premier ministre, qui prétend que l’état d’urgence sera maintenu tant que la menace durera, a-t-il compris la nature de ce combat ? S’il écoute son conseiller personnel, on peut en douter.

Conscient, en tout cas, du caractère historique du moment, et n’écoutant que sa modestie, M. Valls a publié, le 6 janvier, ses discours de guerre. Tentant de mettre ses pas dans ceux de Georges Clemenceau, de Winston Churchill ou de Charles De Gaulle, il semble avoir oublié qu’on ne publie ses discours que quand la guerre est finie, et qu’on l’a gagnée. Ce n’est pas encore le cas. Pas vraiment, et il va donc falloir s’y mettre sérieusement.

Extrait de Aboudjaffar/ blog Le Monde

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4 Comments

  1. “–Quand cette guerre finira-t-elle ? demande-t-il. Et quand dira-t-on les choses ? Quand parlera-t-on de la police et de la gendarmerie, et de l’assaut raté ? Pourquoi si tard ?”

    Ça n’intéresse pas les journalistes français, pas plus qu’ils ne s’intéressent à ce que fait l’armée française en guerre. Comme autrefois, il y va de l’honneur de l’armée… donc c’est silence radio !

    Non, les journalistes français ne s’intéressent qu’à Israël et aux “palestiniens”. Alors là ils peuvent tous vous dire ce que fait l’armée israélienne et donner de mémoire le nombre exacte de victimes palestiniennes y compris des enfants avec leur âge à chacun…

  2. ISRAEL A TOUJOURS ÉTÉ UN PAYS DÉNIGRÉ PAR LES MÉDIAS FRANÇAIS ILS FERAIENT MIEUX DE VOIR A LEUR PORTES CE QUI SE PASSE ET NOUS LAISSER TRANQUILLE ET LA PAIX.

    • Les MEDIAS FRANCAIS, et par suite L’OPINION PUBLIQUE FRANCAISE, ont vraiment commencé à dénigrer Israël à partir de la fameuse et piteuse déclaration du hautain Général de Gaulle traitant les Juifs de “Peuple fier, sûr de lui et dominateur”: c’était à l’issue de La Guerre des Six Jours, en 1967.
      Question donc : serait-il sacrilège de penser et oser dire que “le sauveur de la France” était probablement lui-même antisémite ? Du moins un antisémite qui s’ignorait ?

  3. la France en 1939/45 a choisi de se debarasser de ses concitoyens Juifs et de les remplacer avec des Arabes. Voici le resultat. Il est inutile de detailler les ramifications de cette decision prise par le gouvernement de Petain. La France a remplacer des illustres citoyens, poets,savants,artistes,ecrivains,scientiste,chimistes,physicistes, eyc.. pour ouvrir ses portes aux arabes. Un choix extraordinaire. La France la belle France d’antan n’existe plus. Elle se metamorphose en pays Islamiste et d’ici peu de temps , Liberte,Egalite, Fraternite sera rem[lace par les lois de la Sharia. Ce n’est pas seulement les Juifs qui quittent la France mais aussi les Chretiens. Vercingetorix l’a si bien dit “Malheur aux Vaincus”.

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