Angela Orosz a survécu par miracle. Soixante et onze ans plus tard, elle s’apprête à témoigner devant la justice allemande au procès d’un des gardiens, Reynold Hanning, pour « maintenir en vie » la mémoire des victimes de la Shoah.
« Parce qu’il s’est écoulé tant d’années, il est important que les derniers survivants parlent. » Née dans un baraquement d’Auschwitz, Angela Orosz fut l’un des très rares bébés sauvés de l’enfer concentrationnaire. À 71 ans, elle s’apprête à témoigner au procès de Reinhold Hanning qui s’ouvre aujourd’hui en Allemagne. L’ex-garde d’Auschwitz comparaît devant un tribunal de Detmold pour complicité dans l’extermination des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. « C’est un devoir de maintenir la mémoire en vie », a confié Angela Orosz avant de s’envoler du Canada pour l’Allemagne.
Ses parents Tibor et Vera, des Juifs hongrois mariés en 1943, ont été déportés en mai 1944 dans un convoi à bestiaux à destination d’Auschwitz-Birkenau, alors situé en Pologne occupée. 300 000 Juifs hongrois ont été tués en moins de deux mois dans ce camp, comme le père d’Angela Orosz, mort d’épuisement à 32 ans.
Le bébé incapable de crier
Sa mère, enceinte à son arrivée, a tenu malgré les coups, le froid et la malnutrition, chipant des pelures de pomme de terre en travaillant en cuisine. Le bébé qu’elle portait, invisible jusqu’à sept mois de grossesse, a survécu.
Quelques jours avant Noël, la chef de son baraquement, une déportée tchèque, fille de médecin, l’aide à accoucher. Le bébé, qui ne pèse qu’un kilo, est « incapable » de crier, raconte Angela Orosz.
Un mois plus tard, le 27 janvier 1945, Auschwitz est libéré par l’Armée rouge. Lorsque mère et fille regagnent enfin la Hongrie en novembre, Angela, bientôt un an, ne pèse que trois kilos. « J’étais un bébé très malade. Je ressemblais à une poupée de chiffon. Ma mère était la seule à être convaincue que je pourrais vivre. » Angela a été soignée pendant plusieurs années, mais les séquelles d’Auschwitz n’ont jamais complètement disparu. « Je mesure moins d’1,50m. »
Le monde oublie vite
Terrifiée jusqu’à la fin de sa vie par les aboiements des chiens, la mère d’Angela l’avait dissuadée de se rendre à Auschwitz : « Si tu n’en as aucun souvenir, ne t’en crée pas ! » Mais l’an dernier, incitée par son demi-frère, Angela se rend dans le camp emblématique de la Shoah, puis témoigne au procès d’Oskar Gröning, ex-comptable d’Auschwitz condamné en juillet à quatre ans de prison par un tribunal allemand.
« Je me moque qu’ils soient vieux […] Ils savaient que des enfants, des hommes et des femmes étaient tués en arrivant à Auschwitz. Ils sentaient l’odeur de chair brûlée montant des fours crématoires. » Même longtemps après, les procès doivent avoir lieu contre les derniers nazis, fait-elle valoir. « Il semble que le monde oublie vite, et quand j’entends que l’antisémitisme et l’extrémisme progressent de nouveau en Europe, je suis en colère. »
http://www.dna.fr/actualite/2016/02/11/nee-a-auschwitz-elle-temoigne
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