Un grand chef étoilé et un grand chef israélien ont conçu à Jérusalem un menu à quatre mains durant la 4e édition de la Semaine de la gastronomie française en Israël, « So French, So Food », organisée par l’ambassade de France en Israël.
Cette manifestation qui a débuté dans plusieurs villes du pays offre de nombreux évènements notamment des projections, ateliers culinaires, cocktails et menus spéciaux. Tandis que des chefs français prestigieux, certains étoilés, rejoignent les cuisines de chefs israéliens d’établissements non moins prestigieux pour le plus grand plaisir des convives dégustant un menu unique.
Durant cette semaine gastronomique française, David Biton, chef du restaurant haut de gamme La Régence, situé à l’intérieur du prestigieux hôtel King David face aux murailles de Jérusalem, reçoit en résidence le chef toulousain doublement étoilé au Michelin du restaurant Le Puits Saint-Jacques, Bernard Bach. Si c’est la deuxième année consécutive que La Régence, ainsi nommé en hommage à la période historique française (1715-1723) qui a connu fastes et bons vins, participe à la Semaine de la gastronomie française en Israël, il s’agit du tout premier séjour du chef Bach en Israël. Israpresse s’est entretenu avec les deux maîtres de la gastronomie autour de leur menu qui n’est que raffinement et surprises.
La rencontre de deux virtuoses
S’il y a bien une chose qui réunit ces deux virtuoses de la gastronomie, c’est l’amour de cuisine et les points communs entre les deux ne manquent pas. Les deux hommes ont commencé leur apprentissage très jeune, vers l’âge de 15 ans, et si Chef Bach, 54 ans, a été doublement étoilé par le prestigieux Guide Michelin, Chef Biton, âgé de 32 ans, n’est pas en reste avec six médailles, dont une en or, obtenues lors de concours culinaires internationaux. Et si tous les deux ont parcouru le monde, c’est sans problèmes d’égo ni tension aucune en cuisine que le Toulousain et l’Israélien d’origine gréco-marocaine ont composé un menu composé de six plats – deux entrées, deux plats principaux et deux desserts – chacun étant marqué d’un petit drapeau tricolore ou bleu et blanc selon son auteur.
Il est plus de 23 heures lorsque les deux chefs sortent enfin de cuisine pour aller à la rencontre des convives enchantés, Israéliens et Français, répartis de façon équitable dans la salle. L’hôte, ayant prêté sa cuisine et sa brigade au chef français, ne tarit pas d’éloges sur son visiteur : « Nous ne recevons pas tous les jours un chef doublement étoilé du Guide Michelin et il n’est pas toujours possible de voyager pour apprendre dans des cuisines renommées. Il était donc indispensable pour moi et pour mon équipe d’apprendre de Bernard, c’était l’essentiel. »
L’un ne parlant pas beaucoup anglais et l’autre ne parlant pas du tout français, c’est tout naturellement qu’ils ont trouvé un langage commun dans la cuisine du restaurant hiérosolomytain : « On y arrive, on se comprend », racontent les deux chefs, utilisant pratiquement les mêmes mots. Et le Français de renchérir, admiratif : « L’équipe est bienveillante et apporte son aide. C’est un signe de reconnaissance, de bienvenue, de respect. Même les clients sont contents qu’un chef français vienne en Israël cuisiner et le montrent. » Un aspect important pour David Biton, aux commandes de La Régence depuis neuf ans et responsable de l’hôtel King David depuis deux, qui souhaitait mettre en avant Israël, peut-être plus que sa cuisine : « Il est important que [les chefs invités] voient qui nous (les Israéliens NDLR) sommes vraiment. Nous sommes chaleureux, sympas, nous aimons rire, c’est ce que nous sommes et pas les monstres qu’ils voient à la télévision. »
Des représentants gastronomiques
de leur pays, et bien plus
Malgré cette difficile période dernièrement en Israël car ponctuée d’actes terroristes, Bernard Bach n’a jamais pensé annuler sa venue : « Il y a 28 chefs présents en Israël, on se connait tous, c’était l’occasion de partir ensemble, de se jumeler avec plusieurs villes israéliennes. C’est une rencontre, une aventure, c’est très émouvant. » Venu représenter la France durant cette semaine gastronomique, le chef toulousain limite tout de même son rôle : « Il faut savoir rester modeste, nous ne sommes que des cuisiniers. »
Et d’ailleurs, comment un chef proposant à sa carte à Pujaudran, près de Toulouse, des coquilles Saint-Jacques, du lard ou une multitude de fromages s’est accommodé non seulement des règles de casherout imposées par le restaurant de King David mais aussi des restrictions du chef israélien qui n’utilise ni épices ni margarine ? « Il a fallu réadapter des recettes ou créer des nouvelles », raconte le chef plus qu’amusé que contrarié. « Faire un dessert sans beurre sans lait, sans crème, ce n’était pas évident. » Et pourtant, le dessert aux agrumes au lait de coco et sa meringue mêlant acidité et douceur était un ravissement. Parce que les goûts, les saveurs et les textures étant différentes de ce qu’il connait, le chef toulousain a effectué beaucoup d’essais pour arriver à concevoir un menu égal à ses attentes – élevées – et bien qu’il ait eu des idées en tête avant son arrivée, il a du s’accommoder car restreint: « Je voulais préparer un foie de canard, j’ai été limité par le foie d’oie et par sa cuisson particulière qui doit être effectuée par un rabbin, ce qui m’a surpris, mais on s’adapte. » Et David Biton de s’amuser du cliché voulant que le casher ne soit pas bon : « Je n’utilise pas de margarine mais de l’huile de l’olive pour mes desserts, et je n’utilise pas d’épices non plus et pourtant Bernard a été agréablement surpris par les saveurs et les sauces. »
Mais plus que la préparation d’un menu, salué unanimement par les convives, le chef Bach loue un tout autre aspect de cette semaine culinaire: « C’est avant tout une aventure humaine, on est là pour le partage, la convivialité malgré les différences et ça va rester un passage durant lequel je vais apprendre beaucoup », raconte le Toulousain. Une conclusion partagée par le chef israélien qui aime rompre la monotonie : « Il y a une bonne ambiance en cuisine, nous sommes tous les deux très ouverts et heureux d’apprendre l’un de l’autre, c’est un plaisir avant tout. »
L’intensité requise en cuisine ces derniers jours n’a pas encore permis au chef français de sortir découvrir la ville, mais il attend ce moment : « On va sortir se promener avec tous les chefs, on ira au marché, je vais peut-être ramener des épices », confie-t-il.
Réunissant tous les ans au Puits Saint-Jacques deux chefs pour travailler en binôme lors les Décades gastronomiques, le chef Bach n’exclut pas l’idée d’inviter David Biton à se joindre à ce projet, et le chef israélien sourit, ravi, en pensant à un prochain voyage à Toulouse.
Nelly Ben Israël
http://www.israpresse.net/toulouse-jerusalem-rencontre-gastronomique-king-david/
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