« C’est pas un attentat, c’est le crime d’un furieux ». Lors d’un débat avec Florian Philippot sur I-télé organisé autour de la lutte contre le terrorisme, Eric Woerth l’ancien ministre de Nicolas Sarkozy, a tenté de faire écho aux déclarations de l’ancien président de la République qui en décembre dernier, avait expliqué qu’aucun attentat ne s’était produit en France entre 2002 et 2011, période pendant laquelle il s’est présenté comme en charge de la sécurité des Français. Sauf que l’omission des attentats de 2012 avaient été relevée par plusieurs commentateurs politiques.
Reprenant à son compte la théorie du loup solitaire, Eric Woerth essaie dans ce débat de développer une argumentation relativisant la portée terroriste des actes de Mohamed Merah en mars 2012.
Des arguments qui résistent difficilement au rappel des faits. Tout d’abord, l’enquête sur ce « crime d’un furieux » n’a pas été confié à une brigade criminelle mais au parquet antiterroriste qui dans ses conclusions, démonte point par point la théorie du loup solitaire présentée à l’époque par Claude Guéant. Mohamed Merah a en effet bénéficié de nombreuses complicités et ne se semble pas s’être formé tout seul dans son appartement.
Trois personnes ont d’ailleurs été mises en examen suite à l’enquête judiciaire et rappelons que son frère, Abdelkader est toujours en détention provisoire.
Daech n’existait pas au moment des faits
Il ajoute ensuite « c’est pas Daech, c’est pas un réseau international », comme pour justifier que l’absence de ce groupe terroriste dans cette affaire justifierait de ne pas parler d’attentat. Là encore, l’ancien ministre de Nicolas Sarkozy semble faire preuve de légèreté avec les faits. Car Mohamed Merah avait notamment séjourné dans les zones tribales de l’Ouest du Pakistan, connues pour être des fiefs de la nébuleuse Al-Qaïda, groupe terroriste que l’on ne présente plus. L’un des ses sous-groupes, « les soldats du Califat » avait d’ailleurs revendiqué les tueries de mars 2012 à Toulouse et Montauban.
A cela s’ajoute le fait qu’en mars 2012, le groupe qui allait devenir Daech commençait tout juste sa progression en Syrie et Irak. Ce n’est d’ailleurs qu’au début de l’année 2013 que ce groupe prend le nom d’État Islamique en Irak et au Levant avant de s’autoproclamer califat en juin 2014. Mohamed Merah ne risquait donc pas de se revendiquer de Daech au moment des faits en 2012.
Les voyages à l’étranger de Merah
Des attentats n’ont donc pas attendu Daech pour se produire en France et il semble donc simpliste d’exclure de cette catégorie, des faits qui ne portent pas son « label ». D’ailleurs, pour rappel, l’attentat contre Charlie Hebdo à Paris n’a pas été commandité par le groupe État Islamique mais bien par Al-Qaïda dans la péninsule arabique (AQPA). Quant à l’argument sur l’absence de réseau international, les multiples voyages de Merah à l’étranger le batte en brèche.
Radicalisé via des réseaux identifiés, formé lors de ces voyages au Moyen-Orient, Mohamed Merah n’était pas seul et semble bien avoir agi dans un cadre terroriste. Autant d’éléments qui invalident le point du vue d’Eric Woerth qui dans sa volonté de soutenir Nicolas Sarkozy, semble en oublier les faits.
Cette déclaration a profondément touché les familles des victimes à l’instar d’Albert Chennouf le père d’un des soldats tués à Montauban. Sur Facebook, ce dernier exprime son indignation suite aux déclarations d’Eric Woerth .
Comme souvent l’intérêt principal de cet article réside dans ce qu’il omet.
Car, si il est vrai que Woerth a dérapé « grave », défendant son allié Sarkozy (au pouvoir lors de l’affaire Merah) au mépris de la vérité et moyennant de mensonges par omission, celui qui donne la réplique à Woerth et lui apporte une contradiction bien fondée n’est autre que Florian Philippot, vice-président du FN.
Or, ce dernier n’est même pas mentionné dans l’article.
Curieux, bizarre et sans doute volontaire.
La légèreté d’Eric Woerth, à cette occasion, me déçoit profondément.