L’échange entre le président russe Vladimir Poutine et Viatcheslav Moshe Kantor, le président du Congrès juif européen lors de la visite de ce dernier à Moscou, le 19 janvier, a retenu l’attention de la presse russe. “Les Juifs ont peur. Depuis la Seconde Guerre mondiale, ils n’ont pas connu de pire situation qu’aujourd’hui. Leur exode d’Europe est une réalité. Ils quittent la France, pays qui, il y a peu, était considéré comme sûr”, a déploré Kantor, dont les propos sont rapportés par le quotidien Kommersant. Ce à quoi Vladimir Poutine a rétorqué : “Qu’ils viennent ici. A l’époque soviétique, ils émigraient. Maintenant, ils n’ont qu’à revenir !”
Le lendemain, Alexandre Levintal, gouverneur de l’oblast autonome juif du Birobidjan, renchérissait, en invitant les Juifs d’Europe à s’installer dans sa région, fondée par Staline en 1934 et située dans l’Extrême-Orient russe, relate Gazeta.ru.
L’éditorialiste de ce quotidien en ligne se dit perplexe quant au fait que la Russie puisse devenir un jour une terre d’émigration pour les Juifs d’Europe. Il commence par rappeler les différentes formes que revêtait l’antisémitisme d’Etat du temps de l’URSS, qui poussait les Juifs à quitter le pays : “ la cinquième ligne du passeport ” (l’obligation d’indiquer l’appartenance nationale ou ethnique), l’interdiction non officielle d’intégrer les établissements d’enseignement supérieur ou d’occuper certains postes.
Aujourd’hui, à première vue, cette situation est révolue, poursuit-il, citant les données de la Ligue anti-diffamation (ADL, une ONG fondée par l’organisation B’nai B’rith aux Etats-Unis en 1913), qui évalue le niveau d’antisémitisme en Russie à 30 %, alors qu’il s’élèverait à 37 % en France.
Pour autant, d’autres “ particularités de la vie russe ” risquent de décourager d’éventuels candidats à l’émigration, comme la “ crise dont on ne voit pas la fin ”, “ une politique économique opaque ” et “ la réputation du pays, qui est en train de tourner le dos au monde développé ”, égraine-t-il. “ Ce même jour où Poutine a proposé aux Juifs de revenir, les écoles faisaient l’objet de contrôles massifs organisés par l’académie de Moscou pour vérifier qui des élèves avaient une double nationalité. Il n’est pas difficile de deviner quel genre d’associations historiques réveilleront ces actions qui stigmatisent les minorités ”, s’exclame le journaliste.
Et de conclure : “ Pas de doutes, les Juifs ne viendront pas en Russie. En revanche, nos Juifs à nous risquent de partir. ” Pour preuve, 3 146 personnes ont quitté la Russie pour rejoindre Israël au premier semestre 2015, soit 52 % de plus que l’année précédente.
Ekaterina Dvinina
http://www.courrierinternational.com/article/russie-poutine-aux-juifs-deurope-venez-chez-nous
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