Le FN se révèle être en France le futur outsider des présidentielles et il est loin d’être à plat.
Bien plus, la montée des extrêmes est inexorable en Europe depuis 20 ans, ce qui était prévisible vue l’histoire du continent et son évolution depuis le début de ce siècle et la toute fin du précédent où le Mur édifié en 1961 est tombé.
Si les appels à la tolérance sont nécessaires ils ne peuvent suffire à eux seuls à répondre à des questions rarement posées : où va l’Union européenne, comment est-elle administrée, et peut-on admettre de se faire traiter de “haineux” dès lors que l’on exprime une opinion, toute relative et toujours discutable, qui expose des faits qui vont contre les meilleures intentions ?
On a vu ces deux derniers dimanche où peut culminer un discours de tolérance, censé établir une pensée civique convenable et “morale”, absorber les maux de civilisation dans le package ergonomique de ” l’ignorance ” des masses, et rassembler des communautés musulmanes au demeurant inertes dans le débat national et peu sollicitées à part pour faire “allégeance” à une laïcité à laquelle elles n’ont jamais contrevenu et dont les responsables refusent de jouer le jeu démocratique. Les déclarations ahurissantes du Rectorat de la Mosquée de Paris bientôt vendue par la France à l’Algérie du FLN, au sujet des églises qui seraient disponibles au culte musulman, et son retard-recul à réagir quand il y a des victimes juives montrent qu’il méconnaît son environnement et craint pour son aire.
Comment cette dichotomie n’a-t-elle pas été comblée ? Comment, enfin, et c’est une vraie question, la France compte-t-elle résister et assumer sa part des conséquences du déséquilibre qui menace d’annihiler le Maghreb soumis aux mêmes mutations socio-doctrinales que le “monde arabe” et arabo-berbère en mutation? Le retard français dans la prise en compte des changements au Maroc et en Tunisie, et aussi le silence quant à la situation délétère en Algérie est inquiétant.
Les attentats de Sousse et de Tunis, que de nombreux français en voyage ont vécu sans que la presse toujours rivée sur l’inquiétude des maghrébins de France, s’en soit émue, ont été traités publiquement, avec un certain mépris. L’intervention des forces sécuritaires françaises agissant sur un ex-sol français désormais indépendant, n’a pas été soulignée ni mise en perspective. Pas plus que ne sont rapportées les législations durcies des pays musulmans contre les homosexuels, les femmes, les minorités et les travailleurs musulmans immigrés des Philippines, du Yémen, de Palestine ou d’Egypte maltraités et peu ou pas payés. Deux poids, lourds, deux mesures, inégales.
Si la réponse à la tentation de vouloir contrer des “régions micro Etats-Nations” ne peut être une dissolution des identités dans un grand Tout mondial ou européen, elle ne peut non plus se limiter à des appels à abolir les frontières d’un côté pour les remonter par ailleurs. Le “bon” et le “mauvais” sont bien entrelacés! Que font les régions françaises face aux lander de l’Est allemand qu’elles sont censées soutenir et concurrencer économiquement ?
La passation des 22 entités régionales en 13 grandes provinces régionalisées est une aberration dans la mesure où les départements restent en l’état, avec leur pléthore de circonscriptions qui font de l’Assemblée française de 577 députés la plus inefficace et la plus coûteuse d’Europe. Ceci explique en grande partie la lassitude des français qui offrent leur voix au FN, surtout en s’abstenant.
Ces 13 régions, qui seront incontrôlables dans la mesure où l’Etat ne délèguera pas plus de ses prérogatives, notamment fiscales, seront des gouffres financiers très inégaux et la subsidiarité budgétaire ne jouera pas. On ne voit pas comment le Massif Central-Ardèche pourra bénéficier de la manne de l’ex PACA qui se trouve être la zone la plus riche et touristique de France après Paris mais avec un taux de chômage qui frôle les 22%. La Côte d’Azur-Provence-Alpes dont le nom sera difficile et contesté, est aussi la Région où résident le plus de juifs et de populations de l’ex Algérie française qui l’ont façonnée et bâtie, et où le taux d’antisémitisme et de délinquance est le plus haut. C’est un insupportable paradoxe que pas un élu ne souligne ni ne cherche à résoudre.
Le délitement de l’utopie européenne qui est aussi pendant à la recomposition de la “communauté” internationale où surgissent des acteurs orientaux jusqu’à lors assez négligés, ne trouve pas de réponse dans des solutions extrémistes qui signent bien plus qu’une défaite de ces mouvements (bien au contraire) un creusement entre certaines élites responsables, non élues, et qui pensent en circuit fermé, et un peuple qu’on a vu fauché par les trois plus grands maux des temps modernes : le chomage de masse, les maladies de masse, le terrorisme de masse.
Il faut y ajouter l’endettement de masse, considéré par le jacobinisme comme un aléa nécessaire au maintien du Contrat social français, et dont l’abus provoque toute la crise du Crédit (et donc de la confiance en général) que nous voyons depuis bien avant 2008.
Et je dirais aussi les médias et hors médias de masse qui sont un monde et un pouvoir à eux seuls dans lequel nous baignons.
Les pouvoirs des élus régionaux et provinciaux sont largement accrus en France du fait que leurs collègues européens sont tous plus ou moins autonomes des Etats qui les chapeautent (et les chapotent aussi), et que les régions sont désormais agrandies aux dimensions de véritables “nations” territoriales.
La pénétration du FN (qui disparaitra demain pour être plus grand et plus incisif sous un autre nom) dans toutes les couches de la société et des élites, marque un réflexe de repli non seulement identitaire mais territorial général dans tout le continent.
Comme électeur, la seule solution publique et directement efficace est de ne pas lui apporter le concours de sa voix. L’autre est de s’informer précisément de l’avancée des conflits en cours et des alliances en train de se nouer au Moyen-Orient et en Europe/Amérique (sujet d’inquiétude).
Le fait que la Gauche dans son entier, c’est-à-dire, comme aurait dit le Général “le cœur” de la Nation française (qui a néanmoins le portefeuille à droite) considère le FN comme immoral et contraire à la République est paradoxalement un danger dans la mesure où cette négation du fait nationaliste extrême, qui remonte à la Renaissance française, va de pair avec la croyance que la “droite” est foncièrement immorale et “collaborationniste” et n’a pas sa place en France. On en est toujours à une guerre aujourd’hui remise en évidence entre la fondation révolutionnaire assez avide de têtes à brandir et une “contre-révolution restauratrice, non de l’Ancien Régime mais d’une Europe qui payait sa tranquillité et sa prospérité sur le dos de la moitié Est des européens.
Cela explique en grande partie l’échec des Républicains à convaincre l’opinion qui a recours à elle dès que la balance penche trop à gauche. En France, l’alternance est métronomique. Elle repose précisément sur les classes moyennes centrifugées, que la Gauche et ses “collectifs” et la droite et ses réseaux, ensemble, ont appauvri depuis 40 ans. Comme par hasard, cela correspond à l’essor de la famille Le Pen, malgré ses déboires dynastiques, freudiens, idéologiques et financiers.
Encore une fois, on voit en quoi cette pensée assez despotique de négation du réel socio-politique militant est efficace : elle pousse à la négation d’une partie importante de l’Histoire de ce pays, et à une attitude d’insouciance et de négligence par rapport au danger que constitue l’alliance objective d’un chauvinisme exacerbé et profondément ancré dans le rapport de force comme mode de gouvernement, et les sympathisants d’un “jihad” violent qui pour leur part et dans leur façon de contrer la vitalité démocratique, participent à l’endurcissement institutionnel et à l’impuissance des citoyens. Le danger est dans le désarmement des consciences et la banalisation du Mal classifié comme péripétie tragique.
L’Histoire enseigne que s’il y a des différences réelles de forme et de tactique entre les formes autoritaires du pouvoir, l’idolâtrie et le but sont les mêmes : diviser, éparpiller, ramasser ls morceaux et les détruire. Molotov et Ribbentrop se sont serrés la main et Hitler n’a jamais prétendu vouloir détruire la grand Russie. L'”Europe” non aryenne, c’est-à-dire sémitisée et latinisée, si. Le nabot de Braunau am Inn n’en finit pas de séduire par des à-côtés subtils et sans uniforme visible. Et de faire des petits qui grandissent vite. Mein Kampf qui sera en vente partout dès le 1er Janvier est déjà lu depuis longtemps dans les loges islamiques iraniennes et arabes, ces dernières à l’affût d’une revanche historique et d’une reprise du Croisant fertile depuis le XIXè siècle.
L’Europe de l’Est post-titiste et post-soviétique éparpillée et en recomposition lui en donne l’occasion. Celle de l’Ouest concentrée sur la gestion énergétique et ingénierique de son ère triomphante post-indutrielle et numérique aussi. Deux aubaines! Boulevard Voltaire on surfe en terrasse avec des amis Facebook à l’autre bout des USA et du Japon, quand soudain d’autres francophones aux “amitiés” syriennes, libyennes ou irakiennes, souvent virtuelles elles aussi, viennent faucher toutes vos illusions en vous arrachant impitoyablement et arbitrairement à votre vie.
Les candidats et élus français ont-ils pensé à cela dans leur engagement local ?
Je ne vois pour ma part aucune différence stratégique entre la razzia mondiale de Daesh jusque par ses franchises locales et ses affidés du BDS et du terrorisme mental, et celle opérée par voie électorale des mouvements xénophobes et chauvins. Ils se servent l’un les autre et l’un des autres, et dans ce désert recréé et espéré, ils se livreront une guerre sans fin, entre eux, et les uns contre les autres.
Quant au pacifisme légitimé par les horreurs des conflits, on l’a vu renaître de plus belle au lendemain des grands attentats français des années 80 : il prône un désarmement unilatéral, un “vivre ensemble” unilatéral finalement assez colonialiste et condescendant, et, finalement, une autre façon, plus insidieuse, de régner : ses animateurs imposent par la stigmatisation de leurs contradicteurs, un “devoir” moral, de mémoire ou de l’Histoire, qui rend impuissante toute velléité de lutte et dénie même le fait terroriste puisqu’il est inclus dans un malaise social et culturel issu de la colonisation esclavagiste qui devient un reproche permanent. La souffrance commet deux fautes : désarmer d’une main et détruire de l’autre. Elle nécessite la puissance rédemptrice de l’Innocent universel pour être contrée. Elle s’alimente dans le cynisme et la culture du doute qui est l’autre jambe de la faiblesse spirituelle.
La civilisation du reproche auto-administré comme justification d’un changement de la nature humaine et de l’identité de la société qui doit imposer une vision paradisiaque sur terre est le premier vecteur de la violence sociale et de la perméabilité aux thèses antisémites et négationnistes. C’est comme si, pour produire un effort, une main tendineuse devait accroître sa souffrance pour compenser l’autre qui reste dans la poche, le poing serré et à l’abri du froid réel.
La pauvreté informative des médias hexagonaux limités à la narration émotionnelle et au strict contexte local est affligeante et dangereuse. Que l’Arabie, la Russie, la Chine et l’Iran puissent se livrer en Europe au règlement de leurs contentieux et de leurs arrangements sans que notre diplomatie ait son mot définitif à dire augure mal et de notre sécurité et de notre indépendance déjà trouée.
C’est, en creux, ce que les électeurs français ont voulu souligner, comme M. Jourdain faisait de la prose : sans le savoir.
Oui, les élections locales sont bien désormais des coups nationaux et des signaux locaux à but national. Le monde est un village depuis qu’en un clic il est possible de semer la confusion, la terreur, et aussi de rassembler des opinions qui jusque dans les récentes années, ne pouvaient avoir la moindre idée de l’existence des autres.
Les temps changent, et cela n’a en soi rien de nouveau. Mais ceux qui s’y meuvent ont une élasticité insoupçonnée. Les exilés et persécutés reviendront un jour. Ils demanderont compte en créant un jardin sur la cendre.
Jean Taranto
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