UNE NOUVELLE EDITION DE « MEIN KAMPF »
EST-CE VRAIMENT UNE MAUVAISE IDEE ?
Un article de Robert Zaretzky
L’année dernière, Ben Carson, le candidat le mieux placé pour la primaire du parti républicain, recommandait aux Américains de lire « Mein Kampf ». Carson expliquait que le livre de Hitler révèle la vraie nature d’Obama. Selon lui, le Président mérite la peine de mort pour son laxisme sur les questions de sécurité intérieure. Mais il néglige, pour illustrer son propos d’évoquer le « croquemitaine » favori du GOP * : la France. Voilà un pays, où de douteuses et anciennes traductions de « Mein Kampf » existent.
Soyez rassuré, Ben, c’est en train de changer.
Il y a deux semaines, Jean-Luc Mélenchon, patron du parti de Gauche, a mis en ligne un blog incendiaire, intitulé : « Non, nous n’avons pas besoin de « Mein Kampf !, nous avons déjà Le Pen ! » C’était la réponse à la décision de Fayard, le prestigieux éditeur français, d’entreprendre une nouvelle édition critique du livre de Hitler. Une équipe d’éminents intellectuels – qui restent à identifier – agrémenteraient la nouvelle traduction de leurs notes et commentaires ; ajoutant quelques centaines de pages aux sept cent pages hallucinées de la diatribe antisémite.
Fayard saisit l’opportunité de la tombée du manuscrit de « Mein Kampf » dans le domaine public, après les 70 ans d’usage. Pour des raisons évidentes, l’administration bavaroise, propriétaire des droits, refuse de réimprimer le livre. Malgré que la décision ne soit pas encore définitive, le marché de l’occasion demeure très actif.
lI y a quelques années, l’honorable Institut Allemand d’Histoire Contemporaine, en gardant un oeil sur la date de tombée dans le domaine public, envisagea une édition critique. Le gouvernement bavarois se rallia au projet. Toutefois, après une salve de critiques de la part des organisations juives, le gouvernement conclut qu’il était urgent de ne rien faire ; et abandonna sa participation financière. En vain : l’Institut passa outre, et la nouvelle édition, grossie de 2000 pages de notes sera disponible dès le début de l’année prochaine.
Comme son collègue allemand, Fayard argua que la version annotée servira d’antidote à son méprisable contenu. Mais, Mélenchon n’accepte pas l’argument. Il explose contre la décision de Fayard. Qualifiant « Mein Kampf » d’œuvre majeure du plus grand criminel de notre temps, Mélenchon déclara que le livre fut à l’origine de la sentence de mort pour 6 millions de personnes. Et, à propos des commentaires critiques prévus par Fayard, il fut catégorique : « La simple information de votre projet a déjà assuré à ce livre criminel une publicité sans précédent. Le rééditer, c’est le rendre accessible partout et à tous. Qui a besoin de cela ? »
Eh bien, Ben Carson ? Pas besoin d’être neuro-chirurgien**, pour comprendre. Ses comparaisons sont obscènes. Pas plus que professeur de philosophie – la profession de Mélenchon – pour apprécier la violence de ses propos.
Une des versions de 1938, intitulée « ma doctrine », éditée par… Fayard – qui est aussi l’éditeur de Mélenchon – est une traduction censurée de laquelle Hitler exigea qu’on retire les tirades francophobes . Et, aussi insipide est une traduction non autorisée éditée par les Nouvelles Editions Latines, en 1934. Fernand Sorlot, membre de l’antisémite Action Française, avait fondé cette maison d’édition en 1928. Après la libération, une Cour de Justice de Paris le condamna à la privation de ses droits civiques et à l’interdiction d’exercer la profession d’éditeur. Le livre demeura disponible, mais une préface de précaution fut imposée par la justice.
Revenons à l’imprécation de Mélenchon assurant que la France n’a pas besoin de « Mein Kampf » puisqu’elle a déjà Marine Le Pen. Mais la France a l’un et l’autre. Le leader du Front National affirme qu’elle n’est pas antisémite. Mais elle n’a nul besoin des théories racistes hitlériennes pour fustiger les migrants et prendre pour cible les Musulmans, qui, selon elle, sont la menace essentielle de la France.
Ce qui est tragique, c’est que, une version critique de ses discours n’arrêterait pas plus la montée du Front National, que l’interdiction de l’édition de « Mein Kampf » par Fayard, ne contiendrait la montée de l’antisémitisme en Europe.
*(le Grand Old Party, c’est à dire « Les républicains »).
** Ben Carson est un neuro-chirurgien réputé.
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