Le Premier Ministre Manuel Valls inaugurait le 16 octobre dernier le Mémorial du Camp de Rivesaltes. Il aura donc fallu 77 ans pour que l’on décide de se souvenir et de ne plus oublier. Peut-être.
Longtemps, les 612 hectares du camp Joffre, dit « camp de Rivesaltes », ont semblé enfouis dans la mémoire collective, abandonnés à tous vents, comme une part d’histoire à ne pas dire, à oublier au plus vite. Rivesaltes, un nom chantant d’apéritif, de muscat doux aux notes de cerises ou de miel. What else ?
Pourtant l’histoire de ce camp, à l’origine militaire, n’a rien de doux ni de chatoyant. Ce lieu immense s’étendant sur 612 hectares battus par les vents, où même les arbres semblent avoir toujours eu du mal à pousser, s’inscrit au sein d’un véritable rhizome d’événements de l’histoire du XXème siècle et jusqu’en sa seconde moitié, ce qui en fait à la fois un lieu terrible et singulier : guerre d’Espagne, Seconde Guerre mondiale, Shoah, et pour finir, guerre d’Algérie. Il concerne la France comme l’Allemagne, l’Italie autant que l’Espagne, Israël, les Etats-Unis, l’Algérie, … et autant de cultures.
Du camp, il ne reste plus guère que des baraques décrépites, des pans de murs dressés vers le ciel en écho à ces conflits majeurs d’un désormais autre siècle, témoins ultimes d’une histoire tragique pour le visiteur d’aujourd’hui. Plus seulement, puisque vient d’être inauguré par le Premier Ministre sur cette terre de Catalogne qui lui est chère, un bâtiment, monolithe semi enterré, de 220 mètres de long, 20 mètres de large et 4 mètres de haut, oeuvre de l’architecte très à la mode Rudy Ricciotti. Un lieu sobre de 4000m2, propice aux expositions permanentes comme temporaires, à la pédagogie, la recherche, la documentation, bref à la transmission d’une mémoire presqu’oubliée.
Mais ce Mémorial n’aurait sans doute pas vu le jour sans l’obstination d’un homme du coin trop tôt disparu pour en mesurer le résultat, Christian Bourquin, ancien Président du Conseil général des Pyrénées-Orientales qui en fut l’initiateur solitaire dès 1998. À partir de janvier 2012, c’est la Région Languedoc-Roussillon soutenue par le Conseil général des Pyrénées-Orientales qui en reprenait la maîtrise d’ouvrage.
« Oublier, c’est se choisir complice » écrivait Elie Wiesel.
Le 12 novembre 1938, bien avant Pétain donc, est promulguée en France une loi instituant l’internement administratif des « indésirables étrangers ». Elle a pour particularité de permettre l’arrestation et l’internement de personnes non pour des crimes ou des délits qu’ils auraient commis, mais pour le danger potentiel qu’ils sont censés représenter. Les premières victimes toutes trouvées sont les républicains espagnols chassés d’Espagne par la victoire des fascistes conduits par Franco et qui se réfugient en France en masse. A l’automne 1939, le site militaire est partiellement aménagé pour accueillir des troupes coloniales. En juin1940, les effectifs augmentent avec l’effondrement de la France et l’instauration du régime de Vichy qui opte pour une franche Collaboration. Le 14 janvier 1941, arrivent à Rivesaltes les premiers convois venus d’autres camps. Ce sont des Espagnols, des Juifs et des Tsiganes, ces derniers ayant été évacués depuis plusieurs mois de l’Alsace-Moselle annexée par le Reich. Été 1942, l’Etat français accepte de cogérer la déportation des Juifs de France voulue par l’occupant nazi alors même qu’il n’y a pas de soldats allemands en zone sud avant novembre 1942. Rivesaltes devient alors « le Drancy de la zone libre » pour reprendre l’expression de Serge Klarsfeld. Ils seront ainsi 2313 hommes, femmes et enfants à quitter Rivesaltes en neuf convois. Le premier part le 11 août 1942. Direction Drancy, centre de transit organisé de la déportation des Juifs de France, puis Auschwitz-Birkenau.
En près de deux ans d’existence, 17 500 personnes seront internées à Rivesaltes, dont 53% de réfugiés espagnols, 40% de Juifs (étrangers majoritairement) et 7% de Tsiganes français. La nature ayant horreur du vide, la libération du département se traduit très vite par la réutilisation des baraques en camp de prisonniers de guerre pour allemands, autrichiens et, durant un temps, italiens.
La guerre d’Algérie marque ensuite de son empreinte sombre l’histoire du camp de Rivesaltes. Mais c’est en septembre 1962, alors même que la guerre est finie, qu’arrivent les ex-supplétifs de l’armée française rejetés par l’Algérie nouvellement indépendante, ceux qu’on appelle les Harkis. Aux difficultés matérielles induites par un hiver particulièrement rude cette année-là et à la promiscuité s’ajoutent pour tout ces gens une détresse morale immense et la douleur de l’exil. Ils seront près de 21 000 à passer par Rivesaltes avec leurs familles avant de trouver une place dans la société française et que le camp ne ferme officiellement en décembre 1964. Un village civil subsistera jusqu’en mars 1965 et accueillera encore les dernières victimes des soubresauts de l’histoire.
« Le Mémorial de Rivesaltes, comprimé entre terre et ciel, entre passé et mémoire, se situe très exactement dans le présent et la vie. Sa violence formelle témoigne de l’impossibilité de l’oubli !» Rudy Ricciotti, architecte de l’ouvrage.
Brigitte Thévenot
Le Mémorial de Rivesaltes est dirigé par Agnès Sajaloli.
Denis Peschanski en est le président du Conseil Scientifique.
Adresse
Mémorial du camp de Rivesaltes
Ancien Hôpital Militaire
32 rue Foch 66000 Perpignan
Tél. : 04 68 80 13 00
Fax. : 04.68.80.13.07
Email : memorialrivesaltes@cg66.fr
Mauvaises informations, voici les bonnes :
Mémorial du camp de Rivesaltes
Avenue Christian Bourquin
66600 Salses-le-Château
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