On ne comprend pas grand-chose à ce qui se passe actuellement en matière d’immigration (et ce qui se passera sans doute demain) si on n’a pas lu Michèle Tribalat.
Cette démographe n’est pas n’importe qui. Membre de l’Institut National d’Etudes Démographiques (INED) depuis de décennies, directrice de recherches et essayiste spécialisée en problématique migratoire, elle se distingue par de fréquentes prises de position publiques aux antipodes du discours politiquement correcte multiculturaliste ambiant cher à certains politiciens et autres idéologues moralisateurs.
Le tout étayé par une solide connaissance des chiffres, elle n’hésite pas à effectuer de recoupements de données de nature à faire remonter à la surface de conclusions statistiques prêtant à la polémique en matière de démographie ethnique et confessionnelle, du genre que la république française officielle ne saurait voir.
Auteur d’ouvrages très remarqués en matière d’immigration et de (non) assimilation, avec, par la nature des choses, un accent particulier sur l’immigration arabo-musulmane, elle interpelle l’opinion publique dans de livres aux titres alarmants : en 2002 déjà « La République et l’islam : entre crainte et aveuglement » ; en 2010 « Les yeux grands fermés (L’immigration en France) » ou, en 2013, « Assimilation : la fin du modèle français ».
Or, un article récent de sa plume, un peu technique mais richement documenté et illustré, semble en décalage avec ses positions habituelles. Modestement publié, en mars dernier, sur les colonnes de « Constructif », bulletin de l’organe de réflexion stratégique de la Fédération Française du Bâtiment, il s’intitule « L’immigration au secours de la démographie ? ».
La démographie, appliquée à de grands nombres et de longues périodes, étant presque une science exacte, et les sources d’information de Tribalat étant parmi d’autres, excusez du peu, Eurostat et l’étude Europop 2013 concernant l’ensemble de l’Union Européenne à l’horizon 2080, il convient de prendre ces données très au sérieux.
Les deux constats clé, dans l’hypothèse (certes théorique) d’absence de migrations, n’en sont rien moins qu’effrayants :
· « La population de l’Union Européenne dans sa configuration actuelle (UE 28) diminuerait de 108 millions d’habitants (507 millions en 2014, 399 millions en 2080).
· « Des évolutions très spectaculaires toucheront la taille de la population d’âge actif… (qui) perdrait 120 millions. C’est (presque) l’équivalent de la population actuelle d’âge actif de l’Allemagne, de la France et de l’Espagne réunies. » Entendons-nous bien : il s’agit, là, faute d’immigration, de la disparition de trois grands pays d’Europe…
La diminution des « actifs » est naturellement plus importante que celle de la population générale vu le vieillissement de cette dernière ; aussi angoissant que le reste…
En clair : l’Europe sans une (forte) immigration est une civilisation moribonde ; condamnée à la déchéance démographique, sociale, économique; à l’effondrement de tous les systèmes (certes la retraite mais aussi la scolarité, la sécurité sociale, l’assurance médicale etc…); à la paupérisation généralisée, probablement aussi aux crises de régimes et au chaos politique générateur in fine de guerres et tyrannies.
A lire l’article on constate une forte disparité entre les pays européens en la matière. La France, par exemple, se porterait, dans cette hypothèse, moins mal que l’Allemagne vu sa meilleure natalité.
C’est probablement la raison pour laquelle l’Allemagne prend actuellement la tête de la soi-disant « générosité » à l’égard des migrants; et pourquoi la France reste relativement en retrait. C’est que l’on ne nous dit pas tout : nos chers dirigeants, de part et d’autre du Rhin, connaissent ces chiffres et se comportent, d’ores et déjà, en conséquence.
Il est à noter qu’une immigration fortement restreinte, « sélective », serait insuffisante pour rééquilibrer les chiffres, très au-dessous du problème.
Ce que l’on appelle à tort « la crise des migrants » est la convulsion d’une Europe dont la survie à terme dépend de l’absorption d’un remède migratoire à forte dose, quelqu’en soit l’origine ou le coût.
Pour survivre, ce ne sont pas les migrants qui s’accrochent à leurs frêles embarcations: c’est l’Europe qui s’accroche à eux.
Par Kalman Schnur (après lecture de Michèle Tribalat).
Source :
http://www.constructif.fr/bibliotheque/2015-3/l-immigration-au-secours-de-la-demographie.html?item_id=3466
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