« Un amour impossible » de Christine Angot
« Pierre et Rachel vivent une liaison courte mais intense à Châteauroux à la fin des années 1950. Pierre, érudit, issu d’une famille bourgeoise, fascine Rachel, employée à la Sécurité Sociale. Il refuse de l’épouser mais ils font un enfant. L’amour maternel devient pour Rachel et pour Christine le socle d’une vie heureuse. Pierre voit sa fille épisodiquement. Des années plus tard, Rachel apprend qu’il la viole. Le choc est immense. Un sentiment de culpabilité s’immisce progressivement entre la mère et la fille. »
C’est en quatrième de couverture le résumé du dernier roman de Christine Angot « Un amour impossible » , 217 pages, chez Flammarion.
La mère, Rachel Schwartz, une très belle femme, est juive par son père qui a eu la chance de ne pas être en France pendant l’ Occupation. Elle va subir une lente et méthodique humiliation de la part de Pierre parce qu’elle n’a pas d’argent, pas de culture, pas de famille et qu’elle n’est qu’une petite française sans extraction et juive de surcroît .
Christine interroge sa mère à propos de son père :
« – Il parlait des juifs quelquefois ?
– Oui, C’était pas très positif.
– Qu’est ce qu’il disait ?
– Des petites choses . J’essayais de pas faire attention….
– Il savait que tu étais juive ?
– Bien sûr.
– …il les trouvait intelligents. Mais il fallait faire attention, s’en méfier. C’étaient des gens qui voulaient obtenir des choses. Il fallait rester prudent, C’étaient des propos comme ça qui tombaient. Et il était contre Israël. Je me souviens, j’ai encore une phrase dans la tête : ‘Prendre un pays comme ça’
…
– Il disait ça sur un ton choqué. Le ton de celui qui trouve que c’est pas correct. » …
C’est écrit avec la simplicité de style qui caractérise l’œuvre du grand écrivain. Vous connaissez l’importance flaubertienne de la première phrase. Je ne résiste pas à l’envie de reproduire les premières lignes de « Un amour impossible » faites de plusieurs phrases séparées par des virgules. Le décor et les personnages y sont campés et on pourrait imaginer le ressort dramatique du roman.
« Mon père et la mère se sont rencontrés à Châteauroux, près de l’avenue de la Gare,dans la cantine qu’elle fréquentait, à vingt-six ans elle était déjà à la Sécurité sociale depuis plusieurs années, elle a commencé à travailler à dix-sept ans comme dactylo dans un garage, lui après de longues études, à trente ans c’était son premier poste ».
C’est une belle histoire que Chritine Angot raconte à ses lecteurs : d’abord un reportage sur les années 60 à 90, la vie des employées d’administrations, dans des petites villes de province, Châteauroux, Lons le Saunier, Reims avec leurs quartiers périphériques et les premières barres de HLM, les maigres distractions, cinéma, radio, ritournelles des chanteurs populaires, les petites visites familiales. Ensuite l’amour inconditionnel de la mère et de la fille . Enfin il y a le père dont Christine Angot explique le comportement de prédateur par la guerre sociale qui le conditionne : « Dans leur monde, on n’a pas d’enfant avec une juive, surtout si elle n’a pas d’argent et qu’il n’y a rien à obtenir d’elle ».
On lit très vite, on sort pensif, on reste meurtri .
André Mamou
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