Pendant mes 4 mois d’études en Italie durant l’automne 2007, on peut dire que j’ai eu plus que ma part d’ expériences juives curieuses.
Un matin à Florence, en retard pour mon train, je décide que la meilleure chose à faire en l’occurrence est de mettre mes Tefillins dans la cabine du concierge de la gare; uniquement pour me voir menacé par un policier et d’être arrêté pour intrusion.
Perdu à Rome un vendredi après-midi, une voiture de marque « Smart » s’arrête à ma hauteur, un jeune de 17 ans se penche par la fenêtre pour m’inviter-en Hébreu- à monter. Il me dépose à mon auberge, assez éloignée de sa synagogue.
Et à la fin de mon semestre d’études, mon camarade de classe juif et moi avons pris la décision incroyablement stupide de poser une menora sur un pot de plâtre liquide au second étage d’un «palazzo» vieux de plusieurs siècles. Je suis encore soulagé de constater que l’édifice n’a pas brûlé…
Mais l’expérience de l’antisémitisme me fut épargnée, bien qu’ayant porté ma Kippa partout et toujours. Cette même année je fus accosté physiquement et interpellé, à Barcelone, Budapest, Paris et Prague. Mais que ce soit dans une rue de Florence peuplée de commerçants arabes ou dans le Nord, dans la ville de Cremona, aucun italien ne m’a maltraité en raison de ma judéité.
De retour en Italie cette semaine pour y travailler j’ai voulu voir si les choses avaient changé. Car ces dernières années, des informations concernant la montée de l’antisémitisme étayées par de faits indéniables ainsi que les discours de juifs européens m’avaient convaincu d’ôter ma Kippa sur le continent.
Serait-ce pareil en Italie ? Après tout, il existe bien de comptes rendus sur une montée de l’antisémitisme là aussi. J’ai décidé donc de me transformer en cobaye, garder la Kippa sur la tête et voir ce qui adviendrait.
La réponse : rien.
A la place j’ai trouvé en Italie de juifs étonnamment confiants ; ce qui n’était pas le cas lors de mes visites à Paris, Madrid et Kiev. Pendant une semaine durant j’ai rencontré de juifs de tous bords dans trois villes différentes ; aucun ne m’a suggéré de cacher mon couvre-chef ou de faire particulièrement attention.
Certes, des militaires en voitures blindées sont garés devant les synagogues principales, mais ils ne protègent pas une communauté effrayée. Lorsque les juifs italiens parlent de l’antisémitisme local ils le balaient comme étant un phénomène marginal ou lié à de récents évènements en Israël. Les italiens, disent-ils, n’ont aucun différend avec leurs voisins juifs.
A Milan, un rabbin Loubavitch souriant arpentait la gare centrale revêtu de chapeau, manteau et barbe. A Florence, au restaurant Kasher de Ruth que j’avais fréquenté jadis, aucune table n’est libre ; bien qu’elles soient surtout occupées par des touristes. Et à Rome, qui abrite la population juive la plus importante d’Italie, j’ai trouvé une communauté florissante.
Dix restaurants Kasher, servant de mets italiens traditionnels et de la nourriture israélienne, sont alignés le long d’une avenue pavée du vieux ghetto juif. Poussant la porte d’un café voisin pour mon «espresso» de l’après-midi, le «barista» a pris soin de préciser que la nourriture n’y était pas Kasher. Plus loin dans la rue un grand drapeau israélien flottait sur un bâtiment avec ceux de l’Union Européenne et de l’Italie, au-dessus de touristes discutant bruyamment en Hébreu et de juifs orthodoxes locaux en jupes longues ou Kippa. Dans une allée, un Loubavitch incitait les passants à mettre des Tefillins.
Policiers, garçons de café, grooms et chauffeurs de taxi me traitaient exactement comme à New York ou à Tel Aviv. Divulguer mon lieu de résidence ne provoquait aucune réaction particulière. Vers la fin du voyage j’ai fini par oublier que j’avais la Kippa sur la tête.
Et, le dernier jour, quelqu’un me tape sur l’épaule . Anticipant une expérience désagréable, je me suis retourné pour me retrouver face à un romain d’un certain âge. Il voulait simplement savoir comment ma Kippa tenait en place…
M’apprêtant déjà à sortir du car, après lui avoir montré mes attaches, il tenait à me raconter que son père, un catholique très pratiquant, était en affaires pendant de longues années avec de nombreux commerçants juifs. De tous ses partenaires, disait-il, ils étaient les plus honnêtes.
Là-dessus il sourit, et en disant « Ciao, ciao » m’expédia sur mon chemin.
Source : JTA, par Ben Sales. Traduction et adaptation par K.Schnur.
http://www.jta.org/2015/08/13/news-opinion/world/wearing-my-kippah-in-italy-and-feeling-fine
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