Le rachat des médicaments génériques du groupe américain Allergan par l’israélien Teva témoigne de la guerre entre les acteurs du secteur pour faire face à la saturation des marchés occidentaux et aux pressions des assureurs, mutuelles et gouvernements.
Il “résout les problèmes de croissance à court et moyen termes de Teva”, estime David Steinberg, analyste chez Jefferies. Et “donne à Teva deux choses dont il avait désespérément besoin”, renchérit David Maris, analyste chez BMO Capital Markets, à savoir les génériques fabriqués à partir de médicaments bio-similaires et les produits injectables.
La société israélienne, dont le catalogue comprend des traitements liés notamment à la neurologie, la pneumologie et l’oncologie, va renforcer dans un premier temps son pipeline de produits et se retrouver propriétaire de droits à être le premier à déposer un dossier d’autorisation sur de nombreux blockbusters dont les brevets vont expirer, avance M. Maris.
C’est un avantage concurrentiel indéniable puisque ses copies vont arriver les premières sur les marchés.
La course au portefeuille produits est déterminante au moment où les pays développés sont devenus des marchés matures. Grosso modo, le fabricant de génériques qui a le plus de références dans son portefeuille augmente ses chances de gagner des parts de marchés.
423 MILLIARDS DE DOLLARS DE TRANSACTIONS
Allergan va aussi permettre à Teva de pénétrer le très lucratif créneau des médicaments bio-similaires et une vaste gamme de produits injectables génériques dans des domaines variés, deux segments en forte croissance, selon David Maris.
Les bio-similaires sont des médicaments produits à partir d’une cellule ou d’un organisme vivant ou dérivée de ceux-ci. Leurs versions génériques, pour ceux dont le brevet a expiré, coûtent de 20 à 30% moins cher que le traitement original.
Les génériques des produits bio-similaires sont difficiles à fabriquer, ce qui fait que la concurrence y est moindre et les marges par conséquent beaucoup plus importantes que pour les médicaments classiques.
En 2020, le marché des produits injectables va peser 70 milliards de dollars et celui des biosimilaires environ 20 milliards de dollars, selon des estimations fournies en février par le laboratoire pharmaceutique américain Pfizer.
Au-delà de Teva, cette opération redistribue les cartes dans les génériques, secteur très investi par les groupes pharmaceutiques de pays émergents.
Le groupe indien Sun Pharmaceutical Industries offre des prix très agressifs, ce qui lui a permis de prendre des parts de marché à Teva et d’avoir une position critique dans les pays émergents à forte croissance.
De leur côté, pour suppléer à l’expiration de leurs brevets et relancer leurs ventes, les grands laboratoires sont en quête de relais de croissance et se jettent sur les biotechnologies développant des traitements prometteurs dans l’oncologie et l’immunothérapie.
Outre la quête de secteurs plus rentables, avec de fortes marges, les “génériqueurs” veulent aussi grossir pour renforcer leur poids dans leurs discussions commerciales avec les gouvernements, les assureurs santé et les mutuelles pour les remboursements de médicaments, résume David Steinberg.
Le secteur de l’assurance santé est lui-même en pleine consolidation aux Etats-Unis, ce qui augure de négociations commerciales difficiles et tendues pour les fabricants de médicaments.
“Au vu de la consolidation entre grossistes, des chaînes de pharmacies et des organisations gérant les soins de santé, cette transaction (Teva-Allergan) va aider au minimum Teva à accroître son levier et à maintenir sa base clients”, avance M. Steinberg.
Les fusions et acquisitions dans la pharmacie et la santé ont atteint 423 milliards de dollars depuis le début de l’année, d’après le cabinet spécialisé Dealogic. La pharmacie à elle seule compte pour 244 milliards.
Avant de jeter son dévolu sur les génériques d’Allergan, Teva avait courtisé sans succès les groupes Sandoz et Mylan. Ce dernier de son côté veut avaler Perrigo laissant augurer de la poursuite des fusions et acquisitions dans ce secteur.
Luc Olinga
Poster un Commentaire