Considéré comme l’un des pères fondateurs de l’Etat hébreu, Zeev Jabotinsky est un personnage à part dans la galaxie politique israélienne. Leader de l’aile droite du sionisme, il milite pour un Etat juif des deux côtés des rives du Jourdain.
Né à Odessa, il n’a que 23 ans lorsqu’il rejoint le mouvement sioniste après le pogrom de Kichinev en 1903. Elu du Congrès sioniste, fondateur des milices juives en Palestine puis du Parti révisionniste, Jabotinsky est un iconoclaste : orateur brillant, politique aussi visionnaire qu’intransigeant, sa personnalité bouscule et dérange. Il claque la porte de l’Organisation sioniste mondiale en 1935. Cinq ans plus tard, c’est aux Etats-Unis lors d’une visite d’un camp d’été du Betar, qu’il meurt d’une crise cardiaque.
Mais l’histoire et le destin de cet homme mort à 60 ans ne font que commencer. Jabotinsky restera une figure tutélaire omniprésente au-dessus de la tête du jeune Etat juif. Même mort, l’inspirateur de l’Irgoun, sera la bête noire de David Ben Gourion. Le premier Premier ministre de l’Etat d’Israël refusera toute sa vie de respecter les dernières volontés de son meilleur ennemi : être enterré en Israël. Emmanuel Navon, politologue spécialiste des Affaires étrangères nous explique pourquoi Jabotinsky a mis autant de temps à trouver une place au Panthéon du sionisme.
En quoi consiste la loi du « jour Jabotinsky » ?
Emmanuel Navon : En 2005, la Knesset adopte cette loi qui a pour objectif de transmettre, célébrer et valoriser l’héritage et la vision de Zeev Jabotinsky. A la Knesset, dans les bases militaires de Tsahal, dans les écoles et sur sa tombe au Mont Herzl, dans tout le pays des moments de recueillement et des cérémonies sont organisés.
Comment expliquez-vous qu’il ait fallu attendre autant de temps pour qu’une telle journée ait lieu ?
Il faut se remettre dans le contexte de l’époque. Dans les années qui précédent la création de l’Etat d’Israël, le Mapaï et l’Irgoun se livrent une guerre sans merci. David Ben Gourion se bat pour accaparer la légitimité incontestée du pouvoir. Dans ce contexte, il élimine l’Irgoun et le Bétar, inspirés par Jabotinsky. Tant que Ben Gourion était au pouvoir, il n’a jamais été question de rapatrier la dépouille de Jabotinsky en Israël. Publiquement il n’a d’ailleurs jamais prononcé son nom. Il faisait pareil avec Menahem Beguin qu’il nommait uniquement en disant « le député assis à côté d’un tel à la Knesset ».
Dans ce contexte, que représente la cérémonie de 1964 ?
C’est un moment fondamental. En 1964, le Premier ministre travailliste Levi Eshkol décide de rapatrier le corps de Jabotinsky et de son épouse. Tous deux sont inhumés au Mont Herzl à Jérusalem. C’est un moment d’union et de réconciliation. Mais de façon plus générale, cette cérémonie marque aussi un tournant dans l’histoire politique de l’Etat d’Israël, c’est la fin de la personnalisation du pouvoir et de l’hégémonie de David Ben Gourion sur la classe politique israélienne.
Aujourd’hui, où se situent les héritiers politique de Jabotinsky ?
Ils se trouvent majoritairement au Likoud. Son portrait trône au siège du parti et dans ses meetings. Je pense que sa conception du « mur de fer » et sa vision prônant le libéralisme économique et politique sont en adéquation avec la vision politique et économique du parti de Binyamin Netanyahou.
Propos recueillis par V.G-B pour Israpresse
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