L’ancien comptable d’Auschwitz Oskar Gröning, 94 ans, a été condamné mercredi en Allemagne à quatre ans de prison pour “complicité” dans le meurtre de 300.000 Juifs, épilogue de ce qui pourrait être le dernier procès nazi.
Prononcée 70 ans après la fin de la Seconde guerre mondiale, la sentence a été saluée par les parties civiles, soulagées d’avoir obtenu “justice” pour leurs proches défunts, et louée par plusieurs organisations juives pour sa “signification historique”.
L’ancien soldat est reparti libre. Compte tenu de son âge, il est peu probable qu’il soit médicalement apte à être incarcéré, selon une source judiciaire, d’autant qu’un éventuel recours suspendrait l’exécution de la peine.
Les représentants de la cinquantaine de parties civiles ont salué cette condamnation dans un communiqué, déplorant néanmoins son caractère “tardif”.
Moshe Kantor, président du Congrès juif européen, a de son côté souligné “l’occasion” qu’offre le procès “d’éduquer une génération bien trop éloignée des horreurs de l’Holocauste”.
Pour la dernière fois sans doute, l’audience a montré “comment c’était et comment cela a pu se produire”, a renchéri sur les ondes de Deutschlandradio Kultur Beate Klarsfeld, célèbre pour sa traque des criminels nazis.
LE PREMIER A S’EXCUSER
Dans ses réquisitions, le procureur avait mis en balance la “contribution mineure” d’Oskar Gröning au fonctionnement d’Auschwitz, devenu emblématique de l’enfer concentrationnaire, avec le nombre “presque inimaginable” de victimes.
Si le vieil homme a d’emblée assumé une “faute morale” et a présenté à plusieurs reprises ses excuses, sa défense avait plaidé l’acquittement, qu’il n’avait apporté aucune “contribution” concrète à l’Holocauste.
Les charges contre l’ancien SS reposaient sur deux points: on lui reprochait d’avoir soutenu économiquement le régime, en envoyant l’argent des déportés à Berlin, et d’avoir assisté par trois fois à la “sélection” séparant, à l’entrée du camp, les nouveaux arrivants jugés aptes au travail de ceux qui étaient immédiatement tués.
Il s’était défendu en assurant que son rôle consistait uniquement à éviter les vols dans les bagages des déportés, sans lien avec l’extermination, et en rappelant ses trois demandes infructueuses de transfert sur le front.
ON A PU TÉMOIGNER
Cette longue audience, transférée pour l’occasion dans une salle de spectacle souvent comble, a permis d’entendre les témoignages bouleversants de survivants d’Auschwitz. Plusieurs d’entre eux ont évoqué l’effet cathartique des audiences.
“Je ne veux pas de vengeance, mais je trouve que c’est un verdict juste”, confiait Léon Schwarzbaum, 94 ans, qui a perdu “trente membres de (sa) famille” dans la Shoah. “La morale de l’histoire est: peu importe votre âge, vous aurez à affronter la justice”, a ajouté Angela Orosz-Richt, l’une des rares rescapées nées dans le camp d’Auschwitz.
Ni l’action de la justice ni les mots de l’accusé “n’effacent” la souffrance des parties civiles, expliquent-elles dans leur communiqué. Mais “nous avons pu témoigner du crime monstrueux et indicible commis contre nos familles et nous-mêmes”, poursuivent-elles.
Le procès Gröning illustre la sévérité accrue de la justice allemande à l’égard des derniers nazis encore vivants, depuis la condamnation en 2011 de John Demjanjuk, ex-gardien de Sobibor, à cinq ans de prison. Ces décisions tardives contrastent avec le peu de condamnations, à des peines souvent faibles, prononcées pendant des décennies.
Quelque 1,1 million de personnes, dont un million de Juifs, ont péri entre 1940 et 1945 à Auschwitz-Birkenau, libéré par les troupes soviétiques fin janvier 1945.
AFP
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