Huit cent cinquante et un actes antisémites en 2014, soit plus du double de l’année précédente. Le chiffre, relevé par le Bureau national de vigilance contre l’antisémitisme (BNVCA), serait révélateur d’une «troisième vague» d’antisémitisme qui toucherait la France en ce moment.
Après une première vague menée par l’extrême droite au début des années 90 contre juifs et musulmans, puis une deuxième vague entre la première et seconde Intifada et dont l’origine viendrait de l’extrême gauche propalestinienne, cette nouvelle montée de l’antisémitisme conduirait de plus en plus de juifs français à émigrer vers Israël.
C’est en tout cas le constat que fait Vanity Fair dans son édition d’août avec une longue enquête titrée «Paris en flammes» en VF (le titre original étant : «La question qui trouble la communauté juive française : serait-ce le moment de partir ?»). Un long article qui revient sur six mois d’actes antisémites, entre les violentes manifestations propalestiennes de juillet 2014 et l’attaque de l’Hyper Cacher du 9 janvier dernier.
Sammy Ghozlan, le «poulet casher»
Signé Marie Brenner, l’article suit en fil rouge Sammy Ghozlan, surnommé le «poulet casher». Flic respecté dans les banlieues, il est devenu commissaire en chef sur la question antisémite dans les années 80 à la suite des attentats de la rue Copernic et de la rue des Rosiers. A l’heure de la retraite, Sammy Ghozlan a continué de se poster en vigie face à l’antisémitisme, supervisant le BNVCA.
Cet organisme qui date du début des années 2000 recense les actes antisémites en France. Ces derniers temps, Ghozlan «mène l’enquête sur des allégations d’antisémitisme, envoie des avocats bénévoles devant les tribunaux pour essayer d’empêcher des protestataires anti-israéliens de dévaliser les produits casher et israéliens des rayons dans les supermarchés». Il est aussi aux prises avec Dieudonné dans une «bataille juridique de longue date».
Seulement, malgré son attachement pour la France, Sammy Ghozlan a décidé de partir après les manifestations propalestiniennes de juillet 2014. «Il était temps de partir. Partir vaut mieux que de s’enfuir», confie-t-il ainsi à Vanity Fair. Un départ, similaire à ceux de beaucoup de membres de la communauté juive française qui compte 500 000 membres. La France serait ainsi devenue la source majeure d’immigrés en Israël.
L’Hyper Cacher, de l’intérieur
Malgré l’éloignement, Sammy Ghozlan suit de près les affaires courantes du BNVCA. Fin décembre 2014, il a le pressentiment qu’il faudrait protéger les commerces juifs. Une recommandation qui n’a pas été suivie. Le 9 janvier, Amedy Coulibaly prend en otages les clients du magasin juif Hyper Cacher et fait quatre morts. L’attaque antisémite est relatée dans l’article de Vanity Fair par le biais du témoignage exclusif d’un des clients otages. André, un informaticien de 43 ans, est en première ligne de cette prise d’otages : il aide Amedy Coulibaly à transférer les images de l’attaque de sa GoPro sur un PC pour ensuite les mettre en ligne sur des sites jihadistes.
Vanity Fair raconte les impressions d’André sur Amedy Coulibaly : «A la fois un étudiant peu sûr de lui et un terroriste de fraîche date, comme s’il tirait ses connaissances du manuel de Daesh qui inspire des jihadistes en herbe, issus de milieux sociaux défavorisés, à se métamorphoser en monstres capables de décapitation.» Pour qu’il reste calme, André le vouvoie, obéit lorsqu’il demande à se connecter sur trois chaînes d’information (France 24, Canal+ et BFMTV), essaie d’installer une connivence… Avant l’assaut du RAID.
L’attentat du 9 janvier aura scellé le départ de nombreux juifs français vers Israël. Marie Brenner revient sur les causes de cette nouvelle montée de l’antisémitisme, cette troisième vague qui s’est «propulsée par la montée en puissance récente de Daesh, s’est métastasée via les réseaux sociaux et les milliers de sites web et, en France, a commencé à se développer localement au sein d’une population vulnérable de jeunes musulmans.» Selon l’imam Hassen Chalghoumi, par ailleurs ami et voisin de Sammy Ghozlan, le problème viendrait des mosquées financées par les pays étrangers, et ses imams formés au Qatar et en Arabie Saoudite. «Pourquoi le gouvernement n’arrête-t-il pas la chose ? Personne ne surveille ce qui se passe. Tous les imams ici devraient être formés en France», s’interroge-t-il.
http://www.vanityfair.com/news/2015/07/paris-en-flammes
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