Vingt ans après la mort de Khaled Kelkal, jeune radicalisé mis en cause dans la vague d’attentats qui a endeuillé la France à l’été 1995, la région lyonnaise apparaît à nouveau comme un foyer de l’islamisme radical avec l’arrestation de l’auteur de l’attentat commis vendredi en Isère.
Arrivé il y a quelques mois à Saint-Priest, dans la banlieue lyonnaise, en provenance de l’est de la France, Yassin Salhi présente un profil différent de celui de Khaled Kelkal, jeune homme grandi à l’ombre des cités de Vaulx-en-Velin dont le parcours de petit délinquant bifurque en prison vers l’appartenance au GIA (Groupe islamique armé) dans la première moitié des années 1990.
Suspecté d’avoir participé à la série d’attentats qui ensanglantent la France à l’été 95, dont le colis piégé de la station Saint-Michel qui a fait huit morts, Khaled Kelkal, 24 ans, devient l’ennemi public N°1 avant d’être abattu par les gendarmes le 29 septembre dans la campagne lyonnaise.
Sans casier judiciaire, Yassin Salhi a fait l’objet d’une fiche « S » des services de renseignement pour des faits d’islamisme radical de 2006 à 2008, alors qu’il habitait dans le Doubs. Il est cependant revenu dans les radars de l’antiterrorisme « ponctuellement », entre 2011 et 2014, « pour ses liens avec la mouvance salafiste lyonnaise », a dit le procureur de la République de Paris, François Molins.
Celle-ci et plus largement les mouvements radicaux islamistes ont régulièrement fait parler d’eux à Lyon et dans sa grande agglomération depuis 20 ans. Actuellement près de 220 personnes font l’objet d’un suivi des « services » en région Rhône-Alpes, soit parce qu’ils sont partis faire le jihad, soit qu’ils projettent de le faire, selon la préfecture.
En février, plusieurs personnes suspectées d’être impliquées dans une filière jihadiste vers la Syrie ont été arrêtées concomitamment, dans l’Est lyonnais et la région parisienne. Mais le dossier le plus inquiétant aux yeux de la justice remonte à septembre 2014 avec l’arrestation de six jeunes hommes et femmes à Vaulx-en-Velin, dont trois membres de la famille B., soupçonnés d’avoir mis en place une filière d’acheminement de jeunes jihadistes.
Dans une interview donnée au quotidien Le Figaro en mai, le procureur François Molins avait fait part des craintes des services antiterroristes concernant ce réseau, qui aurait envisagé des actions particulièrement sanglantes, dont l’enlèvement et la séquestration de personnalités juives.
Loin d’être inconnue de la justice, cette fratrie de l’Est lyonnais compte trois autres frères, âgés de 27 à 32 ans, ayant rallié la Syrie et qui font l’objet d’un mandat d’arrêt international à la demande de la France.
L’un des interpellés de septembre avait déjà été arrêté en 2012 -il était mineur à l’époque- pour son appartenance à la mouvance salafiste Forsane Alizza, dont les principaux membres ont été jugés en juin à Paris pour « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste ».
En 2004, un imam d’une mosquée de Vénissieux, Abdelkader Bouziane, « principal vecteur de l’idéologie salafiste dans la région lyonnaise », était expulsé vers l’Algérie. En 2006, un autre imam d’une mosquée de Vénissieux, Chellali Benchellali, était lui aussi expulsé vers l’Algérie. Il avait été condamné à 2 ans de prison, dont 18 mois avec sursis, dans le procès dit des « filières tchétchènes » soupçonnées d’avoir fomenté des attentats en 2001-2002 contre la tour Eiffel, le Forum des Halles, des commissariats ou des intérêts israéliens.
Parti faire le jihad en Afghanistan, l’un de ses fils, Mourad, a été arrêté par l’armée américaine et a passé 30 mois à Guantanamo avant d’être à nouveau incarcéré à son retour en France. Il est aujourd’hui une figure active dans la prévention de la radicalisation.
AFP
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