Le dernier spectacle dont on parle en Israël est un reality show politique rempli d’émotions fortes et de grands principes.
Les acteurs sont aussi vrais que nature, et pour cause: la ministre de la Culture et les artistes tiennent les premiers rôles.
La ministre, Miri Regev, ex-général de l’armée jamais rebutée par la confrontation, s’est attirée la fureur d’une grande partie des artistes en menaçant de couper les subventions à un théâtre pour enfants de Jaffa, au sud de Tel-Aviv, car son directeur Norman Issa, un Arabe israélien, refusait de se produire devant des israéliens en Cisjordanie.
Par ailleurs dans le même temps, Naftali Bennett, ministre de l’Education annonçait le retrait du “Temps parallèle” de la liste des pièces de théâtre bénéficiant du soutien de l’Etat au titre des spectacles ouverts aux écoliers. La pièce, par la troupe du théâtre arabe Al-Midan à Haïfa, est inspiré de l’histoire d’un Palestinien condamné à la prison à vie pour l’enlèvement et l’assassinat d’un soldat israélien.
Depuis, les rangs des artistes résonnent des cris de censure. Mme Regev a endossé l’armure du chevalier défendant Israël et croise le fer des mots et des idées avec les artistes.
“La frontière doit être clairement tracée. Je ne soutiendrai pas les institutions culturelles qui attentent à la légitimité et promeuvent le boycott d’Israël”, assène-t-elle à tour de bras.
Le monde artistique n’était déjà pas très rassuré de voir Mme Regev entrer avec le portefeuille de la Culture (et des Sports) dans le nouveau gouvernement de Benjamin Netanyahu en mai. Mme Regev, 50 ans, membre du Likoud, le parti de M. Netanyahu, a fait l’essentiel de sa carrière sous l’uniforme.
Les spécialistes de la culture se demandent dans quelle mesure elle passera de la parole aux actes.
Mais des centaines d’acteurs, producteurs, directeurs, se sont pressés dimanche dans une salle de Jaffa pour discuter des moyens de contrer la ministre.
Michael Gurevitch, directeur artistique du prestigieux théâtre Khan à Jérusalem, a suscité un tonnerre d’applaudissements en proposant “la grève de toutes les institutions culturelles” en cas de censure. Mme Regev “ne peut pas décider de ce qui nuit à la sécurité de l’Etat”, a-t-il proclamé.
TROUPEAU DE BŒUFS MASTIQUANT DE L’HERBE
Mme Regev se sent forte du soutien d’une opinion qui a donné la victoire à la droite aux législatives il y a trois mois et qui refuse de payer pour que des artistes de gauche salissent l’armée ou l’Etat israélien.
“Nous avons obtenu 30 sièges à la Knesset (le Parlement), vous en avez eu 20 en tout”, a-t-elle dit jeudi lors d’une réunion avec les représentants des institutions culturelles, amalgamant gauche et monde artistique, selon des propos rapportés par les médias.
Mme Regev n’est pas seule. Des artistes ont appelé à lui manifester leur soutien ce mardi à Jérusalem. Yishai Lapidot, chanteur de chansons religieuses, a dit à la radio qu’il existait aussi des “artistes sains d’esprit” qui conviennent que l’Etat n’a pas à subventionner une pièce sur le meurtrier d’un soldat israélien, ni un film sur Yigal Amir, l’assassin de l’ancien Premier ministre travailliste Yitzhak Rabin.
La programmation du documentaire sur Yigal Amir au festival de Jérusalem a fourni opportunément à la ministre la possibilité de montrer qu’il ne s’agit pas d’un débat droite-gauche.
Le film, qui présente sous un visage humain le meurtrier de Rabin, est attaqué de droite comme de gauche. Le ministère coupera les fonds du festival si celui-ci projette le film, disent des collaborateurs de Mme Regev cités par le quotidien Yedioth Ahronoth.
Comme pour conforter Mme Regev dans son assurance, c’est un artiste qui se retrouve dans le rôle du méchant de cette coproduction israélienne. Le célèbre acteur Oded Kotler est devenu l’incarnation de l’artiste de gauche condescendant pour avoir comparé les électeurs du Likoud à un “troupeau de boeufs mastiquant leur herbe”.
Jonah Mandel AFP
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