Programmes de français : culture ou propagande ?

Des professeurs de lettres se sont battus pendant des années pour la faire disparaître. Elle, c’est la “séquence”, une création pédagogiste qui consiste à ne plus consacrer de temps spécifique à la grammaire, à l’orthographe ou à la conjugaison. Les programmes de 2008 mis en place par Xavier Darcos lui avaient tordu le cou. Elle fait un retour en force dans ceux qui sont actuellement soumis aux enseignants : “La séquence, peut-on lire dans le document consacré au cycle 4 (cinquième, quatrième, troisième), est la forme à privilégier.”

"On n'est plus dans la culture, on est dans la propagande", s'indigne Romain Vignest, président de l'Association des professeurs de lettres. © FRANK PERRY / AFP
“On n’est plus dans la culture, on est dans la propagande”,
s’indigne Romain Vignest, président de l’Association des professeurs de lettres.
© FRANK PERRY / AFP

Le mot de “grammaire” ne figure pas une seule fois dans ces pages, pas plus que celui de “conjugaison” ou de “vocabulaire”. Non, ce qui compte désormais, c’est “l’étude de la langue” pour “construire une posture réflexive” et “les compétences langagières”.

Le mépris de la chronologie

Il y a quelques années, en 2002 exactement, “l’observation raisonnée de la langue” (ORL) s’était introduite rue de Grenelle. Il s’agissait d’en finir avec les leçons magistrales parce qu’elles apprenaient “hors contexte”. Le Conseil supérieur des programmes (CSP) semble malheureusement s’en inspirer : “La mémorisation des règles hors contexte est inefficace, l’objectif est bien de faire réfléchir les élèves sur les normes, la pertinence et l’acceptabilité de telle ou telle production.” La leçon est donc remplacée par des “activités”, comme en colonie de vacances.
Les élèves, jusqu’à cette année, étudient les genres et mouvements littéraires dans un ordre chronologique. Ce sera fini aussi. À la place émergent des “questionnements”, au nombre de six par an. Exemples : “Le groupe (famille, amis, réseaux) entre épanouissement et enfermement” (cinquième), “La ville, lieu de tous les possibles” (quatrième), “Dénoncer les travers de la société” (troisième).
Incompréhensible ? Romain Vignest, président de l’Association des professeurs de lettres qui lançait ce mardi une motion contre ces programmes, redoute d’avoir trouvé une explication : “Cela signifie que les œuvres ne seront pas étudiées dans la perspective d’un mouvement littéraire, mais subordonnées à un mot d’ordre bien-pensant – le développement durable, le vivre ensemble… – qu’elles doivent servir”, s’indigne-t-il, avant d’ajouter : “On n’est plus dans la culture, on est dans la propagande.”
Sophie Coignard

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