Des professeurs de lettres se sont battus pendant des années pour la faire disparaître. Elle, c’est la « séquence », une création pédagogiste qui consiste à ne plus consacrer de temps spécifique à la grammaire, à l’orthographe ou à la conjugaison. Les programmes de 2008 mis en place par Xavier Darcos lui avaient tordu le cou. Elle fait un retour en force dans ceux qui sont actuellement soumis aux enseignants : « La séquence, peut-on lire dans le document consacré au cycle 4 (cinquième, quatrième, troisième), est la forme à privilégier. »
Le mot de « grammaire » ne figure pas une seule fois dans ces pages, pas plus que celui de « conjugaison » ou de « vocabulaire ». Non, ce qui compte désormais, c’est « l’étude de la langue » pour « construire une posture réflexive » et « les compétences langagières ».
Le mépris de la chronologie
Il y a quelques années, en 2002 exactement, « l’observation raisonnée de la langue » (ORL) s’était introduite rue de Grenelle. Il s’agissait d’en finir avec les leçons magistrales parce qu’elles apprenaient « hors contexte ». Le Conseil supérieur des programmes (CSP) semble malheureusement s’en inspirer : « La mémorisation des règles hors contexte est inefficace, l’objectif est bien de faire réfléchir les élèves sur les normes, la pertinence et l’acceptabilité de telle ou telle production. » La leçon est donc remplacée par des « activités », comme en colonie de vacances.
Les élèves, jusqu’à cette année, étudient les genres et mouvements littéraires dans un ordre chronologique. Ce sera fini aussi. À la place émergent des « questionnements », au nombre de six par an. Exemples : « Le groupe (famille, amis, réseaux) entre épanouissement et enfermement » (cinquième), « La ville, lieu de tous les possibles » (quatrième), « Dénoncer les travers de la société » (troisième).
Incompréhensible ? Romain Vignest, président de l’Association des professeurs de lettres qui lançait ce mardi une motion contre ces programmes, redoute d’avoir trouvé une explication : « Cela signifie que les œuvres ne seront pas étudiées dans la perspective d’un mouvement littéraire, mais subordonnées à un mot d’ordre bien-pensant – le développement durable, le vivre ensemble… – qu’elles doivent servir », s’indigne-t-il, avant d’ajouter : « On n’est plus dans la culture, on est dans la propagande. »
Sophie Coignard
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