Lettre de Henri Fertet, résistant de 16 ans,
exécuté à Besançon le 26 septembre 1943.
Fils d’instituteurs, Henri Fertet est né le 27 octobre 1926 à Seloncourt dans le Doubs.
Après des études primaires à Seloncourt où ses parents sont en poste, il entre en 1937 au Lycée Victor Hugo de Besançon.
Elève intelligent et appliqué, passionné d’histoire et d’archéologie, il intègre, pendant les vacances de l’été 1942, un groupe de résistance dirigé par Marcel Simon, jeune agriculteur de 19 ans et secrétaire de la Jeunesse Agricole Chrétienne locale (JAC) à Larnod, à quelques kilomètres de Besançon.
En février 1943, constitué d’une trentaine de membres, le groupe intègre l’organisation des Franc-Tireurs et Partisans (FTP) et devient le Groupe Franc « Guy Môquet », nom donné en hommage au jeune résistant de 17 ans fusillé en octobre 1941, et s’organise rapidement dans la lutte clandestine.
Henri Fertet (enregistré sous le matricule Emile – 702) participe comme chef d’équipe à trois opérations.
Tout d’abord à l’attaque du poste de garde du Fort de Montfaucon le 16 avril 1943 pour s’emparer d’un dépôt d’explosifs qui entraîne la mort d’une sentinelle allemande.
Puis le 7 mai suivant, à la destruction d’un pylône à haute tension à Châteaufarine près de Besançon.
Enfin, le 12 juin 1943, sur la route Besançon-Quingey, il prend part également avec Marcel Reddet, à l’attaque du commissaire des douanes allemand Rothe dans le but de lui prendre son arme, son uniforme et les papiers qu’il transporte.
Henri Fertet tire sur le commissaire, le blessant mortellement, mais l’arrivée d’une moto les empêche de se saisir des documents.
Activement recherché le groupe va subir de nombreuses arrestations.
Arrêté par les Allemands le 3 juillet 1943 chez ses parents à l’Ecole de Besançon-Velotte à trois heures du matin, Henri Fertet est conduit en cellule à la prison de la Butte à Besançon.
Jugé par le tribunal militaire de la Feldkommandantur 560 le 18 septembre 1943, il est le plus jeune des prévenus et est condamné à mort en même temps que 15 de ses 23 co-inculpés, 7 seront déportés et 3 reviendront.
Après 87 jours d’emprisonnement et de torture, Henri Fertet, âgé de 16 ans, est fusillé à la Citadelle de Besançon le 26 septembre 1943.
Inhumé au cimetière de Saint-Ferjeux à Besançon, son corps a été exhumé et incinéré après la guerre. Ses cendres ont été dispersées avec celles de son père à Sermoyer dans l’Ain.
« Excusez les fautes d’orthographe,
pas le temps de relire.»
Dans une dernière lettre destinée à ses parents, Henri Fertet, est bouleversant comme seul peut l’être un jeune homme de seize ans sensible, courageux et bien éduqué.
Alors qu’il va être exécuté, dans une belle prose, il écrit qu’il se sent coupable de la douleur qu’il va causer à ses proches, pense à remercier ceux qui l’ont soutenu et à laisser des consignes quant à ses camarades de lycée et ce qu’il lègue à ses proches.
Il écrit :
« Chers Parents,
Ma lettre va vous causer une grande peine, mais je vous ai vus si pleins de courage que, je n’en doute pas, vous voudrez encore le garder, ne serait-ce que par amour pour moi.
Vous ne pouvez savoir ce que moralement j’ai souffert dans ma cellule, ce que j’ai souffert de ne plus vous voir, de ne plus sentir peser sur moi votre tendre sollicitude que de loin. Pendant ces 87 jours de cellule, votre amour m’a manqué plus que vos colis, et souvent je vous ai demandé de me pardonner le mal que je vous ai fait, tout le mal que je vous ai fait.
Vous ne pouvez vous douter de ce que je vous aime aujourd’hui car, avant, je vous aimais plutôt par routine, mais maintenant je comprends tout ce que vous avez fait pour moi et je crois être arrivé à l’amour filial véritable, au vrai amour filial. Peut-être après la guerre, un camarade vous parlera-t-il de moi, de cet amour que je lui ai communiqué. J’espère qu’il ne faillira pas à cette mission sacrée.
Remerciez toutes les personnes qui se sont intéressées à moi, et particulièrement nos plus proches parents et amis ; dites-leur ma confiance en la France éternelle. Embrassez très fort mes grands parents, mes oncles tantes et cousins, Henriette. Donnez une bonne poignée de main chez M. Duvernet ; dites un petit mot à chacun. Dites à M. le Curé que je pense aussi particulièrement à lui et aux siens. Je remercie Monseigneur du grand honneur qu’il m’a fait, honneur dont, je crois, je me suis montré digne. Je salue aussi en tombant, mes camarades de lycée….
Je meurs pour ma Patrie. Je veux une France libre et des Français heureux. Non pas une France orgueilleuse, première nation du monde, mais une France travailleuse, laborieuse et honnête. Que les Français soient heureux, voila l’essentiel. Dans la vie, il faut savoir cueillir le bonheur.
Pour moi, ne vous faites pas de soucis. Je garde mon courage et ma belle humeur jusqu’au bout, et je chanterai « Sambre et Meuse » parce que c’est toi, ma chère petite maman, qui me l’as apprise…
Les soldats viennent me chercher. Je hâte le pas. Mon écriture est peut-être tremblée ; mais c’est parce que j’ai un petit crayon. Je n’ai pas peur de la mort ; j’ai la conscience tellement tranquille.
Papa, je t’en supplie, prie. Songe que, si je meurs, c’est pour mon bien. Quelle mort sera plus honorable pour moi que celle-là ? Je meurs volontairement pour ma Patrie. Nous nous retrouverons tous les quatre, bientôt au Ciel.
« Qu’est-ce que cent ans ? »
Maman, rappelle-toi :
« Et ces vengeurs auront de nouveaux défenseurs
qui, après leur mort, auront des successeurs. »
Adieu, la mort m’appelle. Je ne veux ni bandeau, ni être attaché. Je vous embrasse tous. C’est dur quand même de mourir.
Mille baisers. Vive la France.
Un condamné à mort de 16 ans
H. Fertet
Excusez les fautes d’orthographe, pas le temps de relire.
Expéditeur : Henri Fertet
Au Ciel, près de Dieu.»
Grade et médailles à titre posthume.
En 1947, Henri Fertet a été homologué dans le grade d’aspirant des Forces Françaises de l’Intérieur (FFI) à titre posthume.
Il est fait Chevalier de la Légion d’Honneur et Compagnon de la Libération par décret du 7 juillet 1945.
On lui décerne la Croix de Guerre 39/45, la Médaille de la Résistance Croix du Combattant Volontaire et la Médaille des Déportés et Internés Résistants.
Association « Ami entends-tu ? »
Les 8 et 9 mai derniers, l’Association « Ami entends-tu ? » créée par Antoine Dary, Domitie de Laroullière et Antonin Le Guay en 2013, proposait un vibrant hommage à la Résistance dans la magnifique cour de l’Hôtel National des Invalides sous la forme de scénettes théâtrales bouleversantes, alternant avec la projection de documents cinématographiques.
De nombreux partenaires et mécènes ont participé à l’initiative, et des artistes ont prêté leur concours en étant soit présents sur scène, soit en voix off comme narrateurs, parmi lesquels Jean Pyat, Francis Huster, Michel Galabru, Bruno Solo, Thierry Frémont, Lucie Bourdeu, Ana Girardot et Salim Kechiouche.
Un grand moment d’émotion et de transmission pour mes fils et leurs compagnes que j’ai emmenés à Paris pour l’occasion.
Pascale Davidovicz
Sources : www.ordredelaliberation.fr
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