Inauguré en 2005, le Mémorial de l’Holocauste de Berlin est devenu en dix ans un passage obligé pour les touristes, déjouant les pronostics qui faisaient de cet austère monument une cible pour les nostalgiques du IIIe Reich.
Le monument, dédié aux Juifs d’Europe assassinés par les nazis dans le cadre de la Solution finale, a été inauguré le 10 mai 2005, 60 ans après la fin de la Deuxième guerre mondiale et au terme de 17 années de débats passionnels. Chaque année, il attire environ 500.000 visiteurs, d’Allemagne et du monde entier, explique son directeur Uwe Neumärker.
Libre d’accès, installé en plein coeur de Berlin, il a été pensé comme un vaste labyrinthe de plus de 2.700 blocs de ciment posés sur un espace grand comme trois terrains de football, au milieu desquels les visiteurs peuvent déambuler à leur guise. Le site propose également un musée souterrain consacré aux témoignages des victimes et des survivants de l’Holocauste.
Touristes comme visiteurs de marque, tous y viennent, à l’image du Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu (en 2010), ou de l’épouse du président américain, Michelle Obama (en 2013).
A l’origine, le projet avait pourtant été critiqué, notamment pour sa conception jugée trop abstraite. Son emplacement, à deux pas de la Porte de Brandebourg et sur le site même où se dressait la chancellerie d’Adolf Hitler, avait également fait grincer des dents, certains redoutant des actes de vandalisme ou encore qu’il devienne une cible de choix pour l’extrême droite.
Peu après l’inauguration, des croix gammées et des étoiles de David, apposées sur les blocs de ciment, ont été rapidement effacées, rappelle la journaliste allemande Lea Rosh, qui a joué un rôle majeur dans l’élaboration du projet.
Aujourd’hui, “personne ne pose plus ces questions, tout le monde semble accepter qu’il est là et qu’il va y rester”, relève son concepteur, l’architecte américain Peter Eisenman, pour qui “le silence sur ces inquiétudes est l’une des (illustration) les plus positives du succès” du Mémorial.
UN LIEU DE VIE
Le président du Bundestag, la chambre basse du Parlement, Norbert Lammert, qui siège au conseil d’administration du Mémorial, rappelle que la validation du projet, votée en 1999 par les députés, fut le dernier acte législatif important avant le déménagement du gouvernement fédéral la même année de Bonn à Berlin.
Après la Réunification en 1990, l’installation des structures politiques fédérales à Berlin aurait été “incomplète” sans la “commémoration” du massacre de six millions de Juifs européens, “la pire aberration de l’Histoire allemande”, insiste M. Lammert.
La genèse du Mémorial, pourtant, fut tourmentée : après plusieurs faux départs, les travaux démarrèrent en 2001, avant de connaître de nouveaux ratés deux ans plus tard: l’entreprise chargée de fournir le revêtement anti-graffiti sur les blocs de ciment avait fourni du gaz pour les camps de la mort nazis.
Ces dernières années, des fissures sont apparues sur les blocs. Ils font l’objet d’une étude, confie M. Neumärker, même si “nous ignorons le coût et le temps” nécessaires aux réparations.
Le fait que beaucoup d’enfants jouent au milieu des blocs, voire grimpent dessus, ne pose aucun problème, explique le directeur, qui insiste sur l’idée, fondamentale, que le Mémorial demeure un lieu “rempli de vie”. Toutefois, depuis peu, des employés sont présents sur le site afin de décourager certains “comportements inappropriés”, comme les bains de soleil à même les blocs…
Kinésithérapeute néerlandais de 54 ans, Michael Bol a tenu à montrer le site à ses trois enfants, soucieux de leur montrer à quel point Berlin est “une ville magnifique avec une histoire horrible”, malgré tout déterminée à regarder en face son passé nazi.
Ce lieu leur enseigne “beaucoup plus que ce qu’il y a dans les livres”, dit-il . Pour Ingeburg Geissler, survivante de l’Holocauste de 82 ans, le monument est un énorme succès. “C’est un lieu où les gens viennent et y passent du temps. C’est très positif”, a-t-elle expliqué.
Ces dix dernières années, d’autres mémoriaux, plus petits, ont essaimé dans le centre de Berlin, en hommage aux homosexuels, aux Roms où aux handicapés, autres victimes de la barbarie nazie.
Déborah Cole
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