Je suis kenyane,
je suis Garissa,
je suis la culture et l’éducation.
Le traitement médiatique de la mort à géométrie variable.
Le jeudi 2 avril dernier, des islamistes somaliens du groupe Chebab, qui signifie « la jeunesse », affiliés à Al-Qaïda, ont pris d’assaut l’université de Garissa à l’est du Kenya, et massacré 148 personnes, pour la plupart étudiants, en prenant un soin méthodique à cibler les chrétiens.
Ils ont été forcés de ramper dans des flaques de sang, et ont été tués par balles ou décapités.
Le mercredi 8 avril, place de la République à Paris, à l’endroit même où des millions de français s’étaient réunis en janvier dernier, seules quelques 200 personnes rendaient hommage aux victimes.
Bizarrerie du calendrier, ou pas, au moment où nous énonçons les noms de nos morts lors du Yom HaShoah, les noms des victimes de Garissa ont été lus et leurs photos montrées.
Pas juste un nombre de victimes, mais aussi des visages.
Sur son compte Twitter, l’écrivain franco-congolais Alain Mabanckou a rendu hommage à plusieurs des victimes. « Alex avait 19 ans et pouvait être mon fils. Il fait partie des 147 massacrés de Garissa », a-t-il commenté en postant cette photo du jeune homme via @amabanckou
Une victime parmi tant d’autres, mais vous pouvez les voir toutes et tous sur http://tempsreel.nouvelobs.com/galeries-photos/photo/20150408.OBS6651/photos-les-visages-des-victimes-du-massacre-de-garissa.html
Ce même mercredi 8 avril, TV5 Monde devait rendre compte du massacre et parler de la manifestation place de la République mais, comme par hasard, le site venait d’être victime d’un piratage cybercriminel.
Sur les réseaux sociaux les internautes se sont insurgés contre le silence des medias sur ces victimes du terrorisme qui n’intéressent personne.
Interrogée par Canal+, Céline Pigalle, rédactrice d’I-Télé déclare avoir appris la nouvelle au moment où ils étaient focalisés sur l’accord entre les USA et l’Iran, alors qu’au même moment CNN était mobilisé sur l’information du massacre au Kenya.
Elle ose déclarer que ce qui se passe au Kenya nous concerne moins que ce qui s’est passé en Tunisie où il y avait des touristes français.
Ce n’est pas une question de cynisme, précise-t-elle, c’est un sujet de réalité qui nous effraie moins que ce qui s’est passé en Tunisie, parce que la Tunisie c’est la suite logique de ce qui s’est passé en France, alors que le Kenya nous parait être une réalité plus lointaine.
Au nom de qui parle-t-elle ?
C’est qui ce « nous » ?
De quel droit parle-t-elle pour moi ?
En quoi le Kenya est-il si éloigné de nos préoccupations concernant le terrorisme ?
Pendant que CNN et la BBC sont en Breaking News sur le Kenya, et que finalement I-Télé et BFMTV commencent à diffuser des images de l’attentat, le JT de 20 h de TF1n’en parle pas et France 2 lui consacre une brève à 20h30 en fin de journal.
Seule la patronne de RFI, Cécile Mégie, décide d’envoyer une reporter au Kenya à Garissa.
Elle explique que son auditoire est à 90 % africain, 37 000 000 d’auditeurs hebdomadaires dont 30 000 000 francophones alors que les autres médias ont des repères plus franco centrés.
Le lendemain du massacre, alors que le bilan très lourd est connu, il n’y a toujours pas d’envoyés spéciaux des chaînes nationales françaises sur place, et le sujet dans le JT est traité à la 11ème minute sur TF1 et à la 18ème minute sur France 2.
« Quand j’entends le mot culture…
je sors mon revolver ! »
C’est Baldur von Schirach, chef des Jeunesses hitlériennes, qui prononce cette phrase lors d’un meeting.
La phrase exacte, extraite de la pièce intitulée Schlageter de l’écrivain nazi Hanns Johst, est « Wenn ich Kultur höre … entsichere ich meinen Browning ! », dont la traduction est « Quand j’entends parler de culture… je relâche la sécurité de mon Browning. »
On retrouve bien dans le nazislamisme la détestation de la culture, de l’éducation et de la femme, tout ce qui peut faire obstacle à l’obscurantisme, à la fanatisation des masses et à l’objectif de conquérir le Monde.
Cela commence par des autodafés et finit par des meurtres de masse.
Quand on détruit des livres, des musées, des sites et des archives archéologiques, on détruit l’Humanité.
William Siqubali Nyundo est Kenyan et habite au Mas d’Agenais où il a fondé une famille.
Il revenait tranquillement de vaquer à ses occupations quand il a appris le massacre de ces 148 personnes à la faculté de Garissa au Kénya.
Sa ville natale n’est qu’à une cinquantaine de kilomètres de l’endroit où a eu lieu le drame.
Il livre ses impressions en rappelant que le terrorisme islamique frappe partout dans le monde, y compris dans des pays qui nous touchent moins.
Je pense, comme lui, que les victimes du terrorisme islamiste n’ont pas de frontières.
Que ce soit, entre autres, les lycéens, collégiens et étudiants tués au Nigeria, au Pakistan et au Kenya, ou les touristes en Tunisie, c’est à l’Universalité que le terrorisme islamiste s’attaque.
Les autorités kenyanes envisagent la construction d’un mur avec la Somalie pour éviter les attaques terroristes.
Un mur. Un de plus ?
Quand nous en détruisons un, nous en édifions d’autres.
Celui-ci fera-t-il autant s’insurger les organisations bien pensantes que celui que les israéliens ont construit pour se protéger ?
Connaîtrons-nous un jour la chute de tous les murs et l’accès à la liberté, le bien-être, la culture et l’éducation pour tous ?
Utopie ?
En attendant, il nous faut être solidaires de ceux qui luttent et meurent pour cela.
Nous le savons.
Pascale Davidovicz
Sources : Canal + – lemonde.fr – lefigaro.fr – tempsreel.nouvelobs.com
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