Extraits de propos tenus par le Colonel Richard Kemp sur la guerre de Gaza (été 2014) devant la Commission d’enquête de l’ONU.
J’ai servi 29 ans dans l’infanterie britannique. Durant mon service militaire j’ai combattu le fléau du terrorisme dans divers pays, notamment en Irak, en Afghanistan et en Irlande du Nord. J’ai commandé les forces britanniques en Afghanistan et j’ai participé à la Première guerre du Golfe. J’ai ensuite dirigé des troupes avec les Forces des Nations unies en Bosnie et à Chypre.
Pendant les années 2002-2005, j’ai été chargé du renseignement sur le terrorisme national et international au sein du gouvernement britannique. Le Hamas et le Jihad islamique palestiniens figuraient en tête de mes préoccupations et mon rôle était de suivre leurs activités et d’évaluer leur stratégie. J’ai eu accès à tous les renseignements secrets et confidentiels que le Royaume-Uni possédait sur les différents groupes extrémistes.
J’ai eu l’honneur et le privilège d’obtenir de la Reine Elizabeth II d’Angleterre la médaille de Commandeur de l’Ordre de l’Empire britannique.
Durant mon service militaire et mes activités au sein du gouvernement britannique, j’ai eu des contacts avec l’armée israélienne et ses services de Renseignement. Lors des deux dernières opérations de Tsahal dans la bande de Gaza en 2012 et 2014, j’ai vécu en Israël pour approfondir mes connaissances dans la lutte antiterroriste. J’y ai rencontré des dirigeants politiques, des hauts-fonctionnaires et des officiers de Tsahal. Lors de mes séjours, j’ai passé de nombreuses journées près de la frontière avec la bande de Gaza. J’ai pu voir sur le terrain, de mes propres yeux, le déroulement des opérations. J’ai été informé sur place et j’ai interrogé de nombreux officiers et soldats avant leur déploiement sur le champ de bataille et immédiatement après leur retour.
Mon témoignage devant la Commission d’enquête des Nations unies sur le conflit de Gaza de l’été 2014 est donc basé sur des observations sur le terrain pendant le dernier conflit ainsi que sur ma longue expérience militaire.
Je précise que mon témoignage est volontaire et neutre et que je ne suis rémunéré par aucun organisme de Tsahal ou du gouvernement israélien.
A mon avis, les mesures prises par Israël étaient nécessaires pour défendre la population locale contre les attaques quotidiennes et meurtrières du Hamas et du Jihad islamique. C’est en effet le devoir inaliénable de tout gouvernement d’utiliser ses forces armées pour protéger ses citoyens et son territoire contre des attaques extérieures.
La bande de Gaza étant un territoire séparé, en dehors du contrôle israélien, les actions de Tsahal sont une réponse légitime à des attaques en provenance d’un pays étranger. Dans ces circonstances, je ne connais pas d’autres moyens réalistes et efficaces pour arrêter des tirs de roquettes et de missiles que ceux employés par l’armée israélienne. Aucun expert militaire dans le monde n’est capable de proposer une alternative viable de défense contre une telle agression.
Certes, il existe d’autres options pour éradiquer complètement ces attaques comme par exemple d’envahir tout le territoire et de détruire toutes les infrastructures terroristes, ou de lancer un déluge de bombes pour forcer le Hamas et les autres groupes terroristes à renoncer à leurs attaques. Ces options ne sont pas réalistes car elles auraient causé de nombreuses victimes dans les deux camps et une présence coûteuse pour l’armée israélienne dans un contexte déjà explosif avec les menaces de l’Iran, du Hezbollah et des différents mouvements extrémistes islamistes dans le Sinaï.
De fait, la dernière opération fut la plus pragmatique pour réduire les dégâts et éviter la reprise des hostilités. Toutefois, pour aboutir à une accalmie complète et à long terme, j’exhorte la Commission à recommander une coopération internationale efficace afin d’éviter une nouvelle militarisation de la bande de Gaza.
Il est tout à fait irresponsable de condamner Israël pour avoir imposé un blocus maritime et exiger la levée du contrôle israélien le long de sa frontière sans comprendre ni prendre en considération les actions israéliennes nécessaires pour empêcher le réarmement des troupes terroristes et éviter de nouvelles attaques contre son propre territoire.
Il convient de noter que l’Egypte prend des mesures préventives similaires contre les extrémistes de Gaza et pour les mêmes raisons.
En l’absence d’une coopération internationale efficace dans la bande de Gaza, il est certain que dans les mois et les années à venir le scénario de l’été 2014 se reproduira. Votre Commission devrait jouer un rôle constructif dans la promotion d’une approche internationale afin d’éviter de nouveaux conflits.
L’armée israélienne n’avait pas non plus le choix de procéder à une incursion terrestre limitée dans la bande de Gaza pour localiser et détruire les tunnels d’attaque qui menaçaient directement la population israélienne.
Soulignons que l’infrastructure militaire du Hamas est localisée principalement au sein de la population civile. Dans ces circonstances, et pour neutraliser la menace du Hamas, on ne pourrait jamais éviter des victimes civiles.
En vertu des lois sur les conflits armés, cette réalité ne rend pas ces opérations illégales en supposant qu’elles étaient nécessaires. Cependant, l’armée israélienne avait le devoir de faire la distinction entre les cibles militaires et les civils et de s’assurer que ses opérations soient bien menées en conformité avec le principe de la proportionnalité.
Il convient aussi de souligner que la proportionnalité n’est pas une relation entre le nombre de victimes au sein des deux parties, mais un calcul des pertes accidentelles, des blessures ou des dommages subis par les civils par rapport à l’avantage militaire.
Lors de mes propres recherches et des séances d’information auxquelles j’ai souvent assisté avec des juristes, des militaires et des politiques israéliens, j’ai appris que leurs commandants accordaient une grande importance au respect du Droit dans les conflits armés. Cela inclut le principe de la proportionnalité qui figure dans le manuel du Droit militaire de Tsahal et qui est reconnu par le Comité international de la Croix-Rouge.
L’armée israélienne est responsable devant le gouvernement démocratiquement élu et elle agit en conformité avec le système juridique israélien. Tsahal, comme d’ailleurs toutes les forces armées occidentales, forme ses soldats et ses officiers selon les codes éthiques et les règles du Droit international.
Lors de mes entretiens avec les combattants de Tsahal, j’ai constaté, comme dans les armées occidentales, les mêmes frustrations émergentes chez les soldats en raison des risques supplémentaires imposés sur leurs vies et celles de leurs camarades, et du fait que l’ennemi ne respectait pas les règles de la guerre, négligeait la vie de civils innocents et utilisait des boucliers humains.
Néanmoins, tous les soldats que j’ai interrogés – y compris ceux ayant affirmé avoir été frustrés par ces restrictions – ont compris la nécessité de respecter les règles d’engagement. La motivation chez eux est plus forte que les engagements des soldats rencontrés dans les rangs des armées occidentales.
J’ai parlé également avec des pilotes de l’armée de l’air et chacun me racontait son dilemme avant toute frappe aérienne. L’un d’eux m’a raconté qu’il avait abandonné plus de dix fois sa cible parce que des civils avaient été identifiés dans son collimateur.
Bien que je ne sois pas moi-même témoin de ces événements, je suis convaincu que les nombreux soldats et les pilotes que j’ai rencontrés me disent la vérité. Par expérience, je sais comment ils pensent, agissent et parlent, même s’il ne s’agit pas d’un sondage scientifique.
Je dois souligner qu’aucune armée dans l’Histoire de la Guerre n’a pris de mesures aussi importantes que Tsahal pour minimiser les dommages aux civils dans une zone de combat. Je tiens aussi à dire et à affirmer qu’au cours des opérations en Afghanistan, les forces britanniques et américaines ont adopté des méthodes développées par l’armée israélienne dans la bande de Gaza.
En novembre 2014, le Général Martin Dempsey, Chef de l’état-major interarmées américain, a déclaré que l’armée israélienne « a fait des efforts extraordinaires pour limiter les dommages collatéraux et les pertes civiles » durant le conflit de l’été 2014 à Gaza. Il a révélé qu’il avait envoyé une délégation d’officiers militaires américains en Israël pour en apprendre davantage sur les mesures que Tsahal prenait pour éviter des pertes civiles.
J’ai été informé sur toutes les procédures et les mesures que Tsahal met régulièrement et minutieusement en œuvre avant de lancer une attaque dans la bande de Gaza. Aucune cible ne pourrait être attaquée sans un renseignement précis émanant de plusieurs sources distinctes et indépendantes incluant des sources humaines, une surveillance aérienne et au sol, et des interceptions de communications.
Chaque mission d’attaque aérienne devait être autorisée personnellement par le chef de l’Aviation ou l’un de ses adjoints, et toutes les autorisations sont soumises à l’avis des conseillers juridiques.
Bien entendu, dans certaines circonstances, toutes les procédures et les précautions ne peuvent être suivies à la lettre, par exemple, lors d’une opération aérienne dont les forces terrestres se trouveraient en danger imminent.
Chaque chef militaire doit minimiser le risque de victimes civiles dans une zone de combat mais il a aussi le devoir de minimiser les dangers pour ses propres troupes.
Cette considération est un facteur important qui affecte l’étendue des pertes civiles dans les combats au sol. En outre, même les forces terrestres les mieux formées sont inévitablement affectées par la peur, l’épuisement, la douleur, la fumée, le vacarme, les tirs et les bombes dans tous les sens, la confusion totale, les blessés et les morts ainsi la destruction environnante.
Dans une situation de combat intensif et de chaos se produisent inévitablement des erreurs qui conduisent parfois à des pertes civiles involontaires. Il existe également d’autres bavures non liées aux erreurs humaines – comme celles de combattants du Hamas habillés en civil – ou des erreurs de cibles de dernière minute, ou même des incidents non délibérés de « tirs amis ».
Dans toutes les armées du monde y compris dans les rangs de Tsahal il existe de mauvais soldats. Par imprudence ou par négligence, ces soldats individuels peuvent avoir été responsables de quelques victimes civiles, de mauvais traitements, de dommages de biens, de pillage ou de vol. Ce sont bien entendu des actes inadmissibles et condamnables.
J’ai été informé dans les détails des mesures et actions juridiques prises, des leçons tirées par Tsahal et du rôle implacable de la Cour suprême de Justice.
Il faut dire que dans les cas où des civils furent victimes, ou maltraités, l’avocat général militaire de Tsahal a ordonné un certain nombre d’enquêtes pénales, qui sont ensuite publiées en toute transparence.
En plus de la politique de Tsahal pour minimiser les pertes civiles, d’autres actions israéliennes ont largement contribué à sauver la vie des civils de Gaza. L’investissement financier et technologique dans les alertes et les abris, ainsi que dans le système antimissiles « Dôme de Fer » a permis d’éviter considérablement les tirs de roquettes et de missiles sur la population civile et la destruction de biens.
Les différents systèmes défensifs mis en place par Israël ont sauvé la vie de nombreux civils et ont empêché la panique.
Malgré les efforts israéliens pour sauver la vie des civils, on estime qu’un nombre important de ceux tués à Gaza l’étaient. Toutefois, les civils qui sont morts pendant le conflit sont morts également de causes naturelles, certains dans des accidents non liés aux combats, d’autres auraient été exécutés ou assassinés par le Hamas ou tués accidentellement par des missiles explosés avant leur envoi ou en étant des boucliers humains.
Prenant en compte ces facteurs, je recommande à la Commission d’examiner minutieusement les rapports sur les pertes civiles dans d’autres conflits comparables comme en Afghanistan ou en Irak. Il est important aussi de prendre en considération le traumatisme et la peur de la population civile israélienne dont j’ai été témoin ainsi que la perturbation de la vie quotidienne durant plus de 50 jours.
Pendant le conflit, j’ai visité des tunnels d’attaque qui ont été conçus et construits pour un seul objectif : s’infiltrer en territoire israélien pour attaquer, tuer et enlever des civils et des soldats israéliens.
En conclusion, je dirais que l’armée israélienne a pris des mesures exceptionnelles pour respecter les lois des conflits armés et minimiser les pertes civiles à Gaza. Israël déploie aussi des efforts considérables pour enquêter sur les incidents où des civils auraient été illégalement tués, blessés ou maltraités, et où des biens civils auraient été illégalement endommagés ou volés. Je ne connais pas une nation au monde qui ait mené des enquêtes aussi complètes sur ses propres activités militaires comme l’a fait Israël.
Je prie la Commission de condamner le Hamas et les autres groupes terroristes palestiniens pour leurs actions durant ce conflit. Ne pas le faire reviendrait à encourager la répétition de telles actions dans l’avenir et à travers le monde. J’exhorte également les membres de la Commission à donner une juste considération aux actions d’Israël et à ne pas simplement le condamner automatiquement. De fausses accusations sur des crimes de guerre, comme cela fut le cas avec le rapport Goldstone, ne feront rien pour faire avancer la cause de la paix et des droits humains. Au contraire, ces accusations encourageront de nouvelles violences et des pertes humaines.
Si vous voulez vraiment contribuer à la paix et améliorer les droits de l’Homme pour les habitants de Gaza et d’Israël, alors vous devez avoir le courage de rejeter les préjudices discriminatoires du Conseil des droits de l’Homme et produire un rapport équilibré et équitable pour tous.
Colonel Richard Kemp
http://jcpa-lecape.org/gaza-temoignage-du-colonel-britannique-richard-kemp/
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