Louis le Grand, Henri IV, Hoche… ? Raté ! Le meilleur lycée de France se situe en Seine-Saint-Denis, selon notre palmarès 2015. Aux Pavillons-sous-Bois, précisément, une commune de 20 000 habitants que rien ne prédispose, a priori, à connaître un tel succès. L’établissement arrivé en tête cette année est le lycée privé Alliance, qui dépend de l’Alliance israélite universelle, une association créée au XIXe siècle. La directrice de ce lycée, Dominique Dahan, nous explique selon elle les clés de la réussite.
Francetv info : Pouvez-vous nous présenter votre lycée ?
Dominique Dahan : Nous sommes un lycée privé, sous contrat d’association. Nous offrons un double cursus : nous appliquons celui de l’éducation nationale, et y ajoutons un cursus spécifique, avec des cours d’hébreu ou de philosophie juive. En terminale, le lycée Alliance propose deux classes scientifiques et une économique et sociale. Nous avons trop peu de demandes pour ouvrir une classe littéraire, ce que je regrette, en tant que professeure de lettres et d’histoire ! Une scolarisation est possible dès la maternelle, avec une classe pour les tout-petits, puis deux classes par niveau de primaire et trois dans le secondaire. Au total, près de 800 élèves sont scolarisés.
D’où viennent vos élèves de terminale ?
Il s’agit pour la plupart d’enfants résidant en Seine-Saint-Denis, même si certains viennent de l’Est parisien, voire des Yvelines. Les trois quarts des élèves de terminale étaient déjà scolarisés ici en 6e. Pour le quart restant, nous faisons entrer en priorité les familles membres de l’Alliance, puis nous choisissons des élèves et des familles qui veulent une éducation de qualité avec un complément d’éducation juive. On ne prend pas que les très bons dossiers, mais on ne s’en prive pas non plus.
Cette première place au palmarès des lycées 2015 vous a-t-elle surprise ?
Oui, c’est une très agréable surprise ! Nous sommes premiers au niveau national pour la première fois, même si, depuis cinq ou six ans, nous avons des résultats exceptionnels. Le lycée a toujours été très bien positionné depuis ses débuts. En plus du taux de réussite au bac de 100%, il y a un grand nombre de mentions et de notes excellentes, quelles que soient les disciplines. C’est une belle victoire sur une population qui est celle du 93.
A quoi tient cette réussite, selon vous ?
Nous sommes la preuve que la cohésion d’une équipe permet d’aller plus loin, pour les élèves. Nous accompagnons à la fois les élèves les plus fragiles et les plus performants. Nous essayons toujours de leur en donner plus, que ce soit avec un dispositif de tutorat, des cours de soutien, ou ce que j’appelle « l’heure du plus », pour les élèves les plus en avance. Nous proposons également des « récréations actives », pendant lesquelles les élèves peuvent avoir un échange différent avec les professeurs, pour briser la glace. C’est très important. Il arrive en outre qu’après un conseil de classe, certains professeurs soient mécontents de certains élèves. Ils convoquent alors les parents en fixant des objectifs ciblés, ce qui peut passer par des cours supplémentaires obligatoires à la rentrée. Nous ne lâchons rien.
Comment expliquez-vous qu’autant d’élèves effectuent toute leur scolarité chez vous ?
J’y vois la marque de notre ténacité. Peu d’élèves ont envie de partir de l’école. A la fin de la troisième, certains sont réorientés vers d’autres filières, mais on veut que cela se fasse sans brutalité. Les parents mesurent la main tendue que nous leur offrons. Nous mettons à leur disposition des ramassages spéciaux par autocars, six lignes en tout qui transportent chaque jour 300 élèves, matin et soir ! Nous avons aussi des psychologues et un espace santé qui prennent en charge aussi bien l’élève que la fratrie et la famille.
Quel niveau d’exigence imposez-vous à vos élèves ?
Il est important d’être exigeant, mais de l’être à tous les niveaux : respect des autres, tenue adaptée pour l’étude, retards et absences, etc. Notre exigence est juste, donc elle est appréciée par les élèves. Elle s’accompagne aussi d’une bienveillance : un élève mérite d’être accompagné. Rigueur et bienveillance sont deux éléments indispensables pour réussir.
Trouve-t-on des « mauvais élèves » au lycée Alliance ?
Je préfère parler d’élèves « fragiles ». Et il y en a, oui. Nous avons mis en place une distinction supplémentaire au conseil de classe pour l’élève le plus performant, et celui qui est le plus méritant. Les parents reçoivent un petit courrier, chez eux, avec ces deux noms. « Méritant », cela veut dire qu’il s’est dépassé. Nous avons un curseur donc différent : le jeu des moyennes fait qu’un enfant à 12/20 peut être considéré comme fragile. Tout dépend de son évolution. Les notes chiffrées restent un élément important, mais la progression et les efforts de l’enfant, selon son parcours, sont cruciaux.
Beaucoup d’établissements en tête du classement sont privés. Comment l’expliquer ?
Ces bons résultats tiennent sans doute au fait que nous encadrons les enfants depuis le CP. Les deux tiers sont presque nés chez nous ! Ce n’est pas un hasard. La scission entre primaire, collège et lycée, qui se pratique souvent dans le public, n’est pas une bonne chose. Harmoniser, connaître les élèves et les familles, représente un grand atout.
Les élèves scolarisés au lycée Alliance ne sont-ils pas coupés du monde ?
Effectivement, il y a une coupure avec l’extérieur à tous les niveaux : culturel, social et religieux. Mais nous veillons à ouvrir notre éducation au maximum. Nos élèves vont par exemple effectuer des visites en maison de retraite, ou préparer des colis pour des familles défavorisées. Eux-mêmes, parfois, n’ont pas toujours la chance de partir en vacances. Des élèves découvrent la neige grâce à notre classe de neige, ou le Louvre, Chantilly ou Israël grâce à cette école. Nous disposons également d’abonnements à l’opéra et à la Comédie française. Nous prônons un judaïsme tolérant, ouvert, et revendiquons l’implantation dans la cité.
Que deviennent ces élèves, après le baccalauréat ?
En moyenne, 40% d’entre eux choisissent la filière médicale. Sinon, beaucoup entrent en classe préparatoire ou en fac de droit. Étonnamment, très peu choisissent le professorat. Peut-être que l’on rentre dans le schéma national, où le métier de professeur n’est pas toujours valorisé. On est fier de beaucoup de choses, mais s’il y avait une faiblesse, ce serait celle-là !
Quel est le prix de l’excellence ?
La scolarité coûte 400 euros par mois, mais la grille des tarifs est très variable. On compte environ 70% de boursiers : bourses d’État ou bourses décernées par l’Alliance, qui les distribue selon différents critères. Cela dit, n’importe quel élève qui souhaite postuler, s’il est intéressé par le double cursus que nous proposons, est libre de le faire .
Ariane Nicolas pour FranceTV info
http://www.francetvinfo.fr/bac/classement-des-lycees/quel-est-le-secret-de-la-reussite-du-meilleur-lycee-de-france-aux-pavillons-sous-bois_864917.html
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