En 1943, Hanus Hachenburg, âgé de 13 ans, se retrouve comme des milliers d’autres jeunes interné dans le camp de concentration de Terezín. Il crée une œuvre théâtrale, tombée depuis dans l’oubli. Une étudiante l’a retrouvée.
La trouvaille historique laisse rêveur. Soixante et un ans après la mort Hanuš Hachenburg, une étudiante strasbourgeoise en théâtre a fait la découverte de sa vie. Le témoignage est d’autant plus glaçant, qu’il est sorti tout droit de l’imagination d’un enfant de 13 ans interné dans un camp nazi. On a besoin d’un fantôme raconte l’histoire d’un roi, Analphabète Ier, qui veut absolument que tout le monde pense comme lui. Pour épouvanter ses sujets, il décide de créer un fantôme d’État. Les Saucissons Brutaux, qui constituent sa garde rapprochée, arrêtent toutes les personnes de plus de soixante ans afin de récupérer leurs ossements. Les centres de ramassage se remplissent des vieillards du royaume dont les os permettront de fabriquer le fantôme. Honza livre son grand-père famélique pour le bien de la nation, le Juif implore le tyran, et la Mort ne fait plus peur…
Cette pièce de théâtre a été écrite pendant la Seconde Guerre mondiale par un jeune auteur. Il se nomme Hanuš Hachenburg. Il est juif comme les 15.000 autres enfants internés dans le camps. Malgré son jeune âge, le garçon qui n’a que 13 ans, manie avec talent ironie et humour noir. Cette pièce pour marionnettes parue sous forme manuscrite en 1943 dans le journal Vedem, une revue clandestine tenue par les enfants de la baraque n°1 de Terezín. Un espace précieux d’analyse et de création unique dans l’histoire des camps nazis.
Les horreurs de la guerre à travers les yeux d’un enfant
Éditée pour la toute première fois, cette œuvre étonnante et lucide est accompagnée de poèmes du jeune auteur, de dessins du ghetto et du fac-similé tchèque de la pièce. Cette édition augmentée permet de mieux mesurer la résistance artistique des enfants de Terezín et l’incroyable talent d’un garçon assassiné à Birkenau en juillet 1944. Puis le texte disparaît et le temps passe.
En 2009, Claire Audhuy travaille sur une thèse sur le théâtre dans les camps de concentration nazis pour l’université de Strasbourg. Elle envoie des centaines de tracts aux associations de déportés, amicales d’anciens combattants et de résistants, en russe, polonais, allemand: «Avez-vous été témoin d’une pièce de théâtre pendant que vous étiez déporté?» explique-t-elle sur le site rue 89.
L’étudiante ne reçoit aucune réponse. Jusqu’au jour où son téléphone sonne. Une victime de la Shoah résidant à Prague ose l’appeler: «C’était une toute petite voix, frêle, qui semblait appeler du bout du monde. Il s’agissait d’une femme âgée qui avait vu mon annonce et qui se souvenait avoir assisté à une représentation alors qu’elle était au camp de Terezin en Tchéquie en 1943.»
Un texte conservé par un rescapé du camp
Conservée grâce à un rescapé de Terezín, Zdeněk Taussig, la pièce dont l’auteur est mort quelques mois plus tard à Auschwitz-Birkenau,n’avait encore jamais fait l’objet d’une publication. Claire Audhuy explique pourquoi non seulement la pièce, mais aussi l’histoire de son jeune auteur Hanuš Hachenburg lui tiennent particulièrement à cœur:
«Il a été déporté à Terezín, puis il est mort à Auschwitz. À Terezín, il a écrit une pièce de théâtre clandestine. Il ne nous reste plus rien d’Hanuš puisqu’il avait treize ans. Donc, je pense qu’il a été plutôt oublié. La seule chose visible qui reste d’Hanuš à Prague, c’est une petite plaque mémorielle qui a été posée au sol devant son orphelinat.»
La pièce de théâtre est rejouée par des enfants
Depuis l’année dernière, Claire Audhuy a mis sur pied un projet spécial afin de présenter cette œuvre et son contexte historique aux élèves des écoles de Genève, en Suisse. Divisés en dix groupes, quelque 140 élèves âgés de 13 et 14 ans ont eu la possibilité de monter cette pièce à l’aide de professionnels du théâtre. «Le texte de la pièce est assez compliqué. C’est-à-dire qu’il y a beaucoup d’humour noir et surtout beaucoup de références historiques. Si la pièce pouvait être assez claire pour Hanuš et ses camarades en 1943, elle n’était pas tout-à-fait abordable pour des élèves d’aujourd’hui», explique-t-elle.
«Nous avons dû expliquer certaines parties et surtout le contexte dans lequel elle a été écrite. Au début, les élèves étaient tout à fait perturbés par le texte et ils ne comprenaient pas un certain nombre des choses. Ils avaient surtout une grande appréhension du texte. Ils n’imaginaient pas une seconde que le texte puisse être drôle. Alors que pour moi, il est très drôle.»
Aujourd’hui, l’œuvre est publiée aux éditions Rodéo d’âme. Elle est préfacée par George Brady, rescapé de Terezín et camarade de déportation d’Hanuš Hachenburg. La publication, qui a bénéficié du soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, contient également le fac-similé tchèque, des dessins du ghetto ainsi que divers poèmes du même auteur.
http://www.lefigaro.fr/theatre/2015/03/14/03003-20150314ARTFIG00031-une-piece-ecrite-par-un-enfant-dans-un-camp-nazi-retrouvee.php
La Maison du Rire et de l’humour
a décidé de décerner ce 16 septembre son
11ème « Prix Humour de Résistance »
à
Hanuš Hachenburg.
Interné dans le ghetto de Terezín à l’âge de treize ans, où il y a écrit clandestinement une pièce pour marionnette intitulée » On a besoin d’un fantôme « , une réécriture bouffonne du nazisme qui se rit des bourreaux et de leurs complices, un exemple sublime de » théâtre concentrationnaire clandestin, où l’humour devient une arme de vérité ».
Pour plus d’infos : http://prixhumourderesistance.blogspot.fr