En pleine actualité marquée par les attentats de janvier et une forte poussée des actes antisémites, une pièce inédite à l’humour féroce, “L’être ou pas” de Jean-Claude Grumberg, réunissant Pierre Arditi et Daniel Russo, tord le cou aux préjugés à l’encontre des juifs.
Sur la scène du théâtre Antoine à Paris, les deux comédiens interprètent des voisins lancés dans une série d’impromptus savoureux : depuis longtemps, la judéité de l’un nourrit la curiosité de l’autre, alors que jusqu’à présent ils se sont quasiment ignorés, n’échangeant que des bonjour-bonsoir dans l’escalier.
Un beau matin, le voisin du dessous, parfait ingénu incarné par Daniel Russo, prend son courage à deux mains : “Je suis votre voisin. Vous me remettez ? Vous avez une seconde ? Vous êtes juif ? C’est quoi au juste ?”. Abasourdi dans un premier temps par la question, le voisin du dessus, un “juif athée”, joué par Pierre Arditi, entreprend une impérieuse pédagogie, démontant les idées reçues de son interlocuteur dont l’épouse est alimentée par Internet de tous les préjugés antisémites.
Dramaturge, scénariste pour la TV et le cinéma, l’auteur de l’Atelier, sa pièce la plus connue, signe des échanges à la fois pointus et truculents, émouvants souvent, au fil des questions confondantes du voisin du dessous. Le duo Arditi-Russo fonctionne parfaitement. Le texte de cette courte pièce est paru en 2013 sous le titre “Pour en finir avec la question juive”. Tout y passe : la finance, le conflit israélo-palestinien et même la circoncision.
“Je suis juif et Français. Vous êtes Français et catholique…”, tente d’expliquer le voisin du dessus. Les arguments finiront par porter, au-delà de toutes les espérances… “Le problème juif c’est pas le problème des juifs, c’est le problème des autres”, a confié à l’AFP Jean-Claude Grumberg, qui revendique le droit à l’humour pour traiter la question car il n’a pas “la main dramatique”.
“Le racisme antijuif remonte à la surface depuis un bon moment. Que doit-on faire? Expliquer, je crois, comme avec cette farce philosophique qui a la bonne idée de ne pas aborder les questions que se posent les juifs, mais celles que se posent ceux qui ne le sont pas”, a dit Pierre Arditi dans Le Journal du Dimanche. “Grumberg à cette grande vertu de distiller une forme de légèreté, pour parler de choses qui pèsent sur nos nuques depuis des décennies pour ne pas dire des millénaires. Vaut mieux sourire de l’abomination plutôt que d’être abominé justement”.
A l’adresse des spectateurs et lecteurs, l’auteur rappelle à ceux que la question juive continuerait à tarauder, qu’un professeur d’Harvard a répertorié à ce jour 8611 façons de se dire juif. “Ne se reconnaissant dans aucune, il a déclaré à la presse qu’il poursuivait ses recherches”, souligne Jean-Claude Grumberg. “Je m’associe modestement, mais de tout mon coeur, à sa quête”.
AFP
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